Monsieur le Président, chers collègues,
Nous venons de prendre connaissance du nouveau bilan carbone de la Région. Il ne s’agit pas d’un rapport comme un autre : c’est un thermomètre de nos choix collectifs. Et ce qu’il dit est très simple : nos émissions ont augmenté de 7 % en trois ans.
Autrement dit, malgré nos stratégies, nos plans et nos communications, la Région Normandie émet aujourd’hui davantage de gaz à effet de serre qu’en 2019. Ce n’est pas un détail. C’est un signal d’alarme.
Ce bilan ne peut pas rester un exercice réglementaire. Il doit devenir un moteur de nos décisions. Parce que si nous nous contentons de “prendre acte”, nous n’aurons produit qu’un constat supplémentaire de notre impuissance.
Qu’est-ce que montre ce +7 % ?
Que nos politiques en matière de transport régional continuent d’augmenter l’empreinte carbone, notamment les cars et les TER diesel.
Que le fonctionnement des lycées, entre chauffage, alimentation et déplacements, reste très émetteur.
Que nos achats, nos marchés publics et nos subventions ne sont pas conditionnés à leur impact climatique.
Que les intrants, notamment alimentaires, pèsent lourd. Faire le choix de moins de viande en quantité au profit de productions locales et de qualité, est une piste.
Et que les aides régionales, aujourd’hui encore, financent des projets sans prise en compte systématique de leur coût carbone.
Donc oui, le bilan est négatif. Mais ce n’est pas seulement un chiffre : c’est le révélateur de notre incapacité, pour l’instant, à aligner nos actes avec nos ambitions climatiques.
Pourtant, ce bilan carbone pourrait devenir un levier puissant :
Pour prioriser nos investissements,
Pour conditionner nos aides,
Pour transformer nos marchés publics,
Pour engager les lycées, les transporteurs, les partenaires économiques et institutionnels dans une trajectoire de réduction,
Et pour revoir nos propres pratiques internes : déplacements, immobilisations, bâtiments, achats.
Mais pour ça, il faut assumer un changement de culture. À la Région et chez celles et ceux que nous finançons.
Aujourd’hui, ce bilan ne sert pas encore à arbitrer. Il ne sert pas à dire « non » ou « autrement ». On le regarde comme une photo, mais on ne s’en sert pas comme boussole.
Alors posons-nous la seule question utile : qu’est-ce qu’on change maintenant ?
Est-ce qu’on est prêts à :
Conditionner les aides régionales à l’impact carbone ?
Revoir la commande publique avec des critères obligatoires de réduction ?
Mettre les lycées en trajectoire de baisse, sur l’énergie comme sur l’alimentation ?
Réorienter les budgets transports vers les solutions les moins carbonées ?
Impliquer réellement les partenaires dans cette logique – et pas seulement leur présenter un rapport ?
Si la Région assume que ce bilan est un outil de pilotage, alors on peut en faire un point de bascule. Sinon, dans trois ans, on constatera une nouvelle hausse, et on expliquera encore qu’on fera mieux après.
Nous n’avons plus le luxe du “constat”. Nous avons les chiffres. Maintenant, il faut des décisions. Sans quoi nous continuerons à financer, par nos budgets, ce que nous prétendons combattre dans nos discours.
Je vous le dis franchement : ce bilan carbone ne doit pas finir dans un tiroir ou dans un compte rendu. Il doit être utilisé pour trancher, pour hiérarchiser, pour renoncer parfois, et pour entraîner nos partenaires.
Un bilan carbone qui augmente, c’est un appel à agir, pas une parenthèse dans une séance plénière.
Faisons en sorte que ce +7 % ne soit pas la trajectoire carbone de notre région, mais le point de départ d’un réel changement de cap, que les Écologistes appellent de leur vœux depuis des années.
Je vous remercie.