Assemblée Plénière – Lundi 13 octobre – Intervention de Véronique Bérégovoy relative à la présentation du bilan des aides d’Etat mandatées en 2024

Madame la présidente chers collègues,

Vous venez de nous présenter le bilan des aides d’état mandatées en 2024 qui, on le sait, se fait dans un cadre contraint et très limité. Cependant quelques remarques :

Il nous est indiqué que pour réaliser ce bilan, une enquête a été envoyée auprès des EPCI, des villes, des départements, de l’ADN et de la Région, cependant seulement 84 réponses ont été enregistrées. 60% des EPCI ont répondu ce qui signifie qu’il reste 40% qui n’ont pas répondu.

Au vu de l’importance des aides publiques distribuées, on est en droit de s’interroger sur le taux de réponse qui paraît insuffisant. D’ailleurs, ne devrait-il pas y avoir un caractère obligatoire de répondre à ce questionnaire ? En effet, qui dit aides publiques compte à rendre à minima.

Pour en revenir au document, une des informations qui nous est donnée est la diminution entre 2023 et 2024 du montant des aides d’Etat qui est passé de 150 M€ à 115M€, ce que vous expliquez par un nombre conséquent de grands équipements qui sont déjà réalisés (les infrastructures portuaires, le déploiement du très haut débit, …). Nous en prenons acte.

Parallèlement la Région a quant à elle augmenté sa contribution aux entreprises et aux filières de 14,7M€ soit un total de 49,9M€ pour 2024. Un chiffre qui aurait pu profiter beaucoup plus à l’économie sociale et solidaire. Sur la totalité des aides soit les 115M€ celle-ci ne bénéficie que de 4M€. Même s’il y a eu quelques progrès, cela reste très insuffisant au vu de son rôle important dans la création d’activités locales et d’emplois locaux non délocalisables dans des services indispensables comme la santé, la formation, l’intégration sociale, l’aide à la personne mais aussi dans tous les secteurs de l’économie circulaire et de l’écologie industrielle.

Concernant les emplois créés ou maintenus dans le cadre de la distribution de ces aides, on nous signifie qu’il y a eu 1247 créations d’emplois et 1786 postes maintenus. Force est de constater que cela reste particulièrement faible au vu des sommes allouées. Cela doit nous interroger sur l’efficacité de ces aides en la matière. Par ailleurs, comment connaître précisément l’impact des aides publiques si elles ne sont ni conditionnées ni évaluées ?

Concernant l’enjeu de la décarbonation de notre économie, qui doit être une priorité, celle-ci s’inscrivant dans un cadre plus global. Comme nous le rappelle le pacte vert européen, nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 50% en 2030 par rapport à 1990 et nous devons atteindre en 2050 la neutralité carbone si nous voulons que notre planète soit encore viable dans 20, 30 ou 50 ans.

Atteindre ces objectifs, en prenant notre part, devrait nous obliger à conditionner les aides publiques, à les orienter vers une économie soutenable en accompagnant la transition écologique de notre économie et à évaluer concrètement leurs impacts réels. Ce n’est toujours pas le cas et nous avons perdu beaucoup de temps.

Alors certes vous venez de lancer Normandie Carbone avec l’appui de l’Agence de Développement Economique en Normandie pour essayer de s’inscrire dans une trajectoire de décarbonisation des industries et des entreprises, ce qui est une bonne chose, mais en même temps vous continuez à soutenir des projets, des entreprises, des infrastructures, qui, non seulement vont à l’encontre de ces objectifs, mais en plus participent à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

Il faut faire des choix, on ne peut pas subventionner tout et son contraire.

Je souhaiterais pour terminer mon propos recontextualiser les problématiques de conditionnalités et d’évaluation des politiques publiques dans un cadre national. Dernièrement la commission d’enquête du Sénat a mis en lumière que 211 milliards d’euros d’aides publiques étaient versées aux entreprises par an. Non seulement la somme est colossale mais l’efficacité d’une partie d’entre elles n’est pas du tout avérée. Pire, certaines aides sont plus que nébuleuses. A qui profitent-elle vraiment ? Avec 2200 dispositifs même Bercy n’y retrouve pas tous ses petits.

Cette situation est hallucinante et très grave quant à la gestion des fonds publics dans un contexte de crise financière dans notre pays.

Ainsi la commission d’enquête du Sénat recommande vivement que les aides distribuées soient conditionnalisées, liées à des objectifs clairs et chiffrables, qu’il y ait plus transparence et de contrepartie dans leurs attributions, qu’elles soient rationalisées et efficaces. Pour cela il est donc nécessaire d’évaluer très précisément leurs impacts.

Tout cela paraît du bon sens et de la bonne gestion des fonds publics. Pour notre part nous devrions en faire de même, même si les sommes ne sont pas tout à fait comparables, le principe reste identique.

En parallèle de la présentation du bilan des aides d’état mandatées, nous souhaiterions avoir un bilan qui répond aux enjeux que je viens d’évoquer.

Pour conclure j’ajoute qu’il serait peut-être temps d’arrêter de considérer que tout ce qui relève du service public coûterait cher et reviendrait à gaspiller de l’argent, alors que cet argent est au service de l’intérêt général, et que le secteur privé ne serait que vertu et exemplarité.

Retrouvons de la nuance surtout dans le contexte actuel.

Je vous remercie