Assemblée plénière – Lundi 12 décembre 2022 – Intervention de Bastien Recher relative au Budget Primitif 2023

Assemblée plénière

Lundi 12 décembre 2022

Intervention de Bastien Recher relative au Budget Primitif 2023

Monsieur le Président,

Mes cher.e.s collègues,

Monsieur le Président, avec ce deuxième budget primitif vous nous présentez les orientations confirmées de votre mandature et vos réponses aux crises que nous traversons.

Nous vous reprochions l’année dernière de ne proposer aucune vision et de vous contenter de reprendre les trajectoires budgétaires des années précédentes. Pour 2023, business as usual, pourrait-on dire…

Nous avons déjà commencé à avoir le débat à l’occasion de la séance consacrée aux orientations budgétaires et le moins que l’on puisse dire c’est que vous n’êtes pas pris en défaut en matière de dogmes et de certitudes.

La crise COVID, la crise énergétique, nous invitent à repenser l’avenir. Pourtant, vous conservez l’intégralité de votre cadre budgétaire et les seules variations sont liés à votre dépendance au transfert de la compétence transports après 2016.

Voici ce qui caractérise donc votre trajectoire budgétaire :

  • Austérité ;
  • Impréparation, incapacité à penser l’avenir ;
  • Et léger greenwashing mais de plus en plus léger d’ailleurs.

Alors, avant de rentrer dans le détail de ce budget, je voudrais vous dire que la façon dont vous organisez les débats, et dont vous traitez l’opposition, n’est pas à la hauteur de notre institution.

  • Et il est fatiguant de constater que vous continuez à bafouer les droits de l’opposition à l’occasion de cette séance budgétaire

Sur les conditions de préparation de ces débats d’abord :

Les délibérations budgétaires sont transmises comme n’importe quelle délibération donc au dernier moment.

Elles sont par ailleurs écrites, et l’on sent et comprend bien la commande, façon « puzzle ».

Au point que le premier travail sérieux consiste donc à refaire ses propres documents et tableaux de synthèse pour être sûr de bien comprendre les grands équilibres et leurs variations

Sur les conditions du débat ensuite :

Une délibération parmi plus de trente délibérations, sur une seule journée, alors que toutes les autres régions organisent un débat sur deux jours !

Comment pouvez-vous justifier cette méthode qui fait qu’aucun de vos vice-président ne présente les orientations budgétaires pour sa délégation ?

I. Pour rentrer dans le contenu de ce document, il est assez affligeant de constater que les grands fondamentaux du budget régional sont encore une fois marqués par un dogmatisme libéral consternant

I.1. Car oui vous avez l’austérité pour dogme et le recul de l’intervention publique comme horizon

Vous me direz, ou d’ailleurs vous ne direz rien comme souvent, car vous ne prenez presque plus la peine de nous répondre dans cet hémicycle, que je suis un écolo-gauchiste qui ne comprend rien aux chiffres, et que tout cela est finalement beaucoup trop sérieux pour votre pauvre opposition.

Je commencerai donc par analyser les fondamentaux de votre budget et notamment à les comparer à ceux d’autres régions.

J’invite donc mes collègues à regarder la page 480 de ce Budget primitif 2023.

Pour comparer vos choix, j’ai donc choisi deux dangereux gauchistes « drogués à la dépense publique » comme disent les libéraux : Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand.

Alors sur les dépenses réelles de fonctionnement par habitant, vous êtes pile dans la moyenne entre vos deux collègues avec un peu moins de 400 euros par personne et par an.

Là où les choses se compliquent pour vous, c’est sur les autres types de dépenses et les grands équilibres :

  • Quand AURA est à 222,63 euros par an et par habitant pour l’investissement, Hauts de France à 203,41, vous êtes, nous sommes, en Normandie à 72,49 euros !

3 fois moins !

  • Nous avons donc bien en Normandie, une trajectoire structurelle assumée de sous-investissement que vous déployez avec conviction depuis votre premier mandat.

Alors effectivement vous pouvez vous vanter, et vous le faites régulièrement, de la situation financière de notre collectivité : avec 197,17 euros par habitant, contre 309,15 en AURA et 513,45 en Hauts de France, vous êtes effectivement loin devant.

  • Mais qu’est-ce que cela signifie ?

Cela signifie, tout simplement, que, alors même que vos collègues de droite, ont jugé bon de le faire, vous, vous avez refusé de recourir à l’emprunt pour investir alors que vous aviez justement les marges budgétaires pour le faire.

Si nous avions un encours de dette, simplement de 100 euros de plus par habitant, pour atteindre le niveau d’AURA, et rester 200 euros encore sous le niveau d’Hauts de France, nous disposerions là, en cash si j’ose dire de plus de 330 M d’euros à investir en plus immédiatement !

I.2. Alors oui, l’austérité se poursuit en 2023 car vous nous présentez un budget en trompe l’œil avec des hausses qui n’en sont pas et qui masquent surtout une baisse des dépenses réelles d’intervention dans la lignée des budgets précédents

En matière de fonctionnement d’abord :

La quasi-totalité de la hausse des AE est liée au renouvellement de la convention train : 308 M pour une hausse globale des AE de 303 M.

Même votre gestion des dépenses liées à la crise interroge (85 M d’AE).

En réalité : les dépenses liées au choc subi sont en partie financées par une baisse des dépenses d’intervention qui atteignent 944 M contre 952,5 M au BP 2022

  • Vous financez la moitié des dépenses liées à la crise par une baisse de vos interventions, et le reste par des recettes nouvelles !

Ces variations tiennent tellement du tour de passe-passe que vous retenez bien d’ailleurs de revendiquer la hausse du budget.

Pour ce qui concerne l’investissement rebelote :

  • La hausse des AP de 258,6 M s’explique uniquement par l’ouverte de 360 M d’AP pour les contrats de territoire qui masquent des baisses dans les autres secteurs ;
  • sur les 151 M de hausse des CPI, 133 M proviennent de l’achat programmés de rames de trains.

Décidément, la délégation de cette compétence sous l’égide de Manuel Valls continue à nous hanter !

  • Bilan : en dehors de cette contrainte héritée du mauvais accord passé en 2016, le budget 2023 est bien un quasi copié-collé des années précédentes.

I.3. Dernier reproche que nous avons à vous faire, après deux BP, nous constatons que vous naviguez à vue sur les prévisions de dépenses pluriannuelles

En effet, la sincérité des budgets votés interroge au regard des stocks d’AE et d’AP que notre collectivité accumule :

  • deux exercices budgétaires pour les AE
  • mais surtout 4 exercices budgétaires pour les AP

Nous pensons que nombre de vos dispositifs sont inadaptés ce qui expliquerait que des dépenses mandatées ne soient ensuite pas réellement affectées.

Quelques exemples :

  • 618,23 M d’AE pour la formation professionnelle ! il y a de quoi s’interroger sur le gouffre que cela représente et sur l’efficacité des politiques publiques en la matière
  • Autre exemple, 80 M de stock d’AP sur les énergies renouvelables dans l’OS1

II. Alors quel contenu ? Quelles dépenses publiques pour la Région en 2023 ?

Des orientations budgétaires thématiques dans l’impasse avec, à peine un zeste de Greenwashing

Au moins, on peut vous reconnaître une qualité : vous ne faites pas semblant et la lecture des annexes budgétaires est particulièrement éclairante.

II.1. Sur les compétences socles de la Région, des hausses qui cachent des erreurs stratégiques et une réelle absence d’ambition et de vision

J’ai déjà évoqué précédemment la question des transports.

Dans ce secteur, le moins que l’on puisse dire, c’est que la Région Normandie ne fait que subir…

Subir d’une part les 1,056 Mds d’AP du PPI ferroviaire, véritable épée de Damoclès sur les capacités d’investissement de la collectivité ;

Subir d’autre part, l’aporie de la trajectoire qui voit les dépenses pour le matériel roulant, obérer toute capacité à investir en faveur du développement du réseau. Même pas 30 M en CPI pour 2023…

Et pourtant vous persistez à, en même temps :

  • Subventionner les routes, sans en avoir la compétence : on arrive à un stock de 180 M d’AP mobilisés pour ces dépenses climaticides ;
  • Augmenter votre soutien au secteur aéroportuaire : 1M à 3M en CPI cette année.

Pour ce qui concerne les lycées, nous ne comprenons pas que la procrastination vous serve de feuille de route.

Où est le plan de rénovation que vous nous annoncez à chaque séance, à chaque commission permanente ? Alors oui c’est compliqué de faire des travaux dans les lycées mais si vous ne donnez pas l’impulsion par un plan ambitieux adossé à un budget conséquent, il ne se passera rien !

59 M d’AP seulement sur la rénovation des lycées… et au total sur l’OS 2, les AP diminuent !

Et quand on regarde les CPI on passe de 46 M à 56 M… Est-ce à la hauteur des enjeux ? de la crise énergétique ? de la crise climatique ?

Quel sera le résultat prévisible de cette impréparation ?

Il nous faudra encore voter cet hiver et dès l’automne prochain des centaines de milliers d’euros pour les lycées normands qui sont des passoires énergétiques !

II.2. En matière de développement économique, une nouvelle diminution du soutien à l’ESS comme cap ?

Pour l’ESS, en 2023, ce sera la double punition :

  • 1,8 M en baisse de 1,4 M en CPF
  • 0,9 M en baisse de 1,1 M en CPI

En revanche, on aimerait comprendre la pertinence des 6,7 M de CPF pour réseaux d’entreprises et partenariats. Quelle utilité pour l’emploi ?

II.3. En matière d’environnement ?

On comprend mieux votre refus systématique de faire un jaune environnement : il montrerait clairement que les dépenses en matière d’environnement sont réduites à la portion congrue

Alors certes, on trouve bien 20 M de CPI en plus pour les économies d’énergie et les énergies renouvelables. 20 M sur 2Mds de budget, donc 1%…

II.4. En matière de dépenses sociales et culturelles, un nouveau coup de rabot en plein période de crise !

L’accompagnement sociale de la jeunesse : 8,6 M contre 9,8 M en 2022.

Le désengagement envers le supérieur public pour soutenir le privé :

  • 7,2 M pour le privé contre 6,6 M
  • Tout cela pour soutenir des établissements à 3000 euros l’année

Vous sabordez le service public d’orientation :

4,6 M contre 10,8 M en 2022

Et la culture ? Superfétatoire on l’imagine à la lecture de ce budget puisque vous avez jugé bon de baisser les dépenses de fonctionnement de plus de 1,4 M.

III. Nous vous proposons donc un contre-budget qui est en réalité un triple bouclier à déployer pour protéger les Normandes et les Normands

III.1. L’esprit de ces amendements est simple : mieux utiliser les moyens de la collectivité pour préparer l’avenir et protéger les Normands

Et puisque les questions budgétaires sont des questions sérieuses, qui valent mieux que de doctes échanges au coin du feu, nous présentons des amendements afin de démontrer que d’autres orientations sont possibles sans exploser les cadres budgétaires.

Le volume des dépenses nouvelles que nous proposons reste tout à fait soutenable, puisqu’il s’agit d’un peu plus de 120 M de crédits de paiement :120 M à mettre en perspective avec les 330 M que j’évoquais au début de mon propos.

Nous vous proposons un volume raisonnable qui permette de se projeter vers l’avenir et de repositionner la collectivité au niveau stratégique qui devrait être le sien, notamment en lui faisant faire des économies par le biais d’une critérisation de ses modalités d’intervention et en lui évitant des dépenses inutiles.

III.2. Un triple bouclier face aux crises, voilà la proposition du groupe Normandie écologie

Et j’invite tous mes collègues à lire attentivement ce que nous écrivons, il ne s’agit pas simplement du nombre des amendements, il s’agit de proposer des orientations qui protègent et préparent l’avenir.

Sans anticiper la présentation des amendements, je voudrais vous en exposer la cohérence globale et donner quelques exemples :  

  • un bouclier écologique pour faire face à la crise climatique :
  • artificialisation
  • PPI rénovation des lycées
  • Plan éolien
  • Plan photovoltaïque
  • un bouclier social pour protéger les Normands face à la crise économique et aux conséquences de la crise énergétique sur leur pouvoir d’achat
  • tarification sociale des cantines
  • gratuité des transports pour les jeunes
  • lutte contre le non recours aux aides régionales
  • label Normandie pour la Paix pour accueillir dignement les migrants
  • un bouclier économique pour préparer durablement l’avenir :
  • donner une place plus forte à l’ESS dans notre région
  • développer vraiment les filières de la transition
  • créer de la richesse et de l’emploi par un engagement résolu en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments, en commençant à montrer l’exemple sur le patrimoine régional

Pour conclure, Monsieur le Président, une nouvelle fois vous nous trouvez, ici dans cette assemblée, déterminés mais constructifs.

Déterminés mais lucides, car nous n’espérons pas vous convertir, mais nous espérons vous convaincre, que vous pouvez réorienter certaines politiques, afin que votre mandat ne soit pas un mandat perdu pour le climat et pour les Normands.

Voilà le sens de nos propositions et de notre engagement.

Je vous remercie.