Assemblée plénière
Lundi 12 décembre 2022
Intervention de Véronique Bérégovoy relative au Schéma Régional de Développement Economique des Entreprises, pour l’Innovation et l’Internatinalisation (SRDEEII) 2022-2028
Monsieur le Président, mes chèr.e.s collègues,
L’élaboration et l’adoption du nouveau SRDEEII font partie des temps politiques forts de notre assemblée, au vu de l’importance et du rôle de ce schéma qui va nous engager, dans l’évolution du développement de l’économie normande, jusqu’à 2028.
Malgré cela, vous avez décidé de faire le minimum du minimum s’agissant des travaux et des concertations à mener pour son élaboration.
Vous affirmez dans votre édito « que ce document a été nourri d’une large concertation avec les acteurs économiques et institutionnels du territoire ». Mais qu’en est-il vraiment ?
Un questionnaire en ligne auquel à peine 50% des 71 EPCI ont répondu, 13 acteurs économiques (sans savoir lesquels) ont déposé une contribution, puis une réunion avec les acteurs du territoire, à laquelle, nous, élu.e.s régionaux, n’avons même pas été convié.e.s, avant la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) qui revêt un caractère obligatoire pour conclure ces travaux et une réunion très rapide de la commission numéro 3 pour présenter ce schéma.
Si on compare avec d’autres régions, nous sommes la seule à avoir fait si peu en matière de concertation et d’échanges. Je prendrais juste un exemple pour dire que oui, vous pouviez faire autrement :
Ainsi, la région Centre Val de Loire a, elle, engagé une large démarche de concertation avec l’ensemble des acteurs socio-économiques de son territoire et des élu.e.s qui a démarré en novembre 2021 avec le lancement des états généraux de l’économie et de l’emploi, puis des concertations de janvier à mai 2022 dans chacun des bassins de vie de la région avec plus de 50 ateliers, ajoutée à cela une consultation numérique et deux réunions avec les EPCI. Et bien sûr, tout ce travail d’échanges et de concertation a considérablement enrichi les orientations et actions proposées de la future politique économique de cette région.
A l’inverse de cette démarche, vous avez choisi le vite-fait, ce qui peut apparaître comme un manque de respect vis-à-vis de l’ensemble des acteurs mais aussi des élu.e.s de cette assemblée.
Ainsi, ce schéma normand répond davantage à un cahier des charges de certaines grandes industries ou entreprises, qu’à une volonté politique régionale ambitieuse pour s’engager dans la transition écologique et énergétique de notre économie.
C’est maintenant que nous devons mettre en place les politiques publiques adéquates pour relever les défis climatiques, économiques et sociaux.
Alors qu’il y a urgence à agir, à changer de cap, que ce soit au niveau de notre politique énergétique, de notre système de production ou de consommation, à prioriser les secteurs vertueux.
Certes, dans ce schéma vous rappelez les enjeux de notre temps mais les orientations et propositions que vous effectuez ne sont pas du tout à la hauteur de ces derniers.
Alors oui, vous mettez en avant la valorisation et le développement de la filière lin/chanvre, ce qui est très bonne chose, vous parlez un peu d’économie circulaire, d’économie résiliente et décarbonée, d’ESS.
Mais en même temps vous continuez à promouvoir une économie productiviste pour une large partie dépendante des fluctuations internationales, toujours plus d’activités industrialo-portuaires, d’agriculture intensive, de logistique avec son lot de routes, d’autoroutes.
Sur la politique énergétique, vous misez presque tout sur le nucléaire et la filière hydrogène, le duo parfait à vos yeux qui pourtant soulève beaucoup de doutes, d’inconnues, tout en engloutissant des sommes considérables, sans apporter les réponses rapides et efficaces pour faire face aux crises énergétique et climatique, dont pourtant nous avons besoin dès maintenant.
Dans ce schéma, il est affirmé que l’EPR2 sera plus facile à construire donc plus compétitif. Alors que l’EPR1 de Flamanville qui n’est toujours pas en fonction est un fiasco industriel, économique et financier (sans parler des autres EPR dans le monde), comment peut-on affirmer cela sérieusement ?
Ensuite, il est écrit que « l’identification précise de secteurs spécifiques pourrait être introduite et l’identification de projets favorables au climat ou à minima non défavorables au climat pourrait également être utilisée ». On pourrait vous répondre : formidable, et applaudir. Mais nous sommes en décembre 2022 et vous écrivez encore au conditionnel : « pourrait » ! Au vu de l’accélération du réchauffement climatique, on doit absolument prioriser et conditionner les aides régionales, les orienter en faveur du climat, de la baisse conséquente des émissions de gaz à effet de serre. C’est plus qu’un devoir, c’est une obligation dans une des régions les plus émettrices de CO2. Mais force est de constater que ce n’est toujours pas dans cette direction que vous vous orientez.
Et pourtant accélérer la transition écologique et énergétique est un levier majeur du développement d’un nouveau modèle économique. La nécessaire réduction de l’empreinte écologique de notre économie doit être une opportunité pour l’économie de demain qui doit se préparer aujourd’hui. La raréfaction des ressources (énergie, eau, biodiversité…) a des conséquences sur les activités. Et donc, il ne s’agit plus simplement de relocaliser mais aussi de miser sur la sobriété et revoir les process de production. Le progrès technologique, scientifique ou numérique ne suffira pas. Et ce constat est la principale conclusion que le GIEC met en avant dans le 3ème volet de son rapport sorti au début de l’année 2022.
Il est temps d’engager une revue complète des aides économiques, aller sur des avances remboursables pour les segments de l’économie productive et garder un haut niveau de subventions sur tous les secteurs de la transition écologique et énergétique qui doivent être massifiés.
Par exemple, développer et soutenir massivement l’économie circulaire, les filières innovantes comme les biomatériaux ainsi que l’économie sociale et solidaire. Concernant cette dernière, je reviendrai plus dans le détail dans le rapport suivant. Vous l’identifiez comme un atout pour notre territoire, ce que nous partageons, mais le soutien que vous lui apportez n’est pas à la hauteur.
Enfin, développer une vraie politique économique résiliente et décarbonée, c’est aussi et avant tout apporter les financements nécessaires :
- À la sobriété, en développant massivement les transports en commun, les mobilités douces, le fret et fluvial, source d’activités et de nombreux emplois locaux, tout en ralentissant celui de la voiture individuelle,
- À l’efficacité énergétique, en lançant et en accompagnant un grand plan régional ambitieux d’isolation thermique des logements, bâtiments publics et locaux d’entreprises, en lien avec toute la filière du bâtiment. Cela aura un impact considérable sur les baisses d’émissions de GES, de consommation d’énergie ainsi que la création d’activités et là encore de nombreux emplois locaux. Sans oublier que cela permettra de baisser considérablement les factures et la précarité énergétiques des plus vulnérables.
- Au développement massif des énergies renouvelables, sources d’innombrables emplois locaux, en s’appuyant sur leur diversification et potentiels locaux dans le cadre d’une coopération, de solidarité territoriale. Mettre en œuvre une stratégie régionale de développement de leur production et d’investissement dans ces filières, rapprocher les lieux de production aux lieux de consommations, soutenir les projets citoyens en la matière. De par son rôle de chef de file en matière économique, énergétique et climatique, la Région a toutes les manettes pour coordonner équitablement cette politique.
Malheureusement, le nouveau schéma économique que vous nous proposez n’est pas du tout à la hauteur des défis que nous devons relever. Notre groupe votera contre.