Assemblée plénière
Lundi 13 décembre 2021
Question écrite n°1 relative à Ports de Normandie et aux migrants situés à Ouistreham
Monsieur le Président,
Nous souhaitons vous interpeler au sujet d’une série de décisions que vous avez prises depuis plusieurs mois, comme Président de Ports de Normandie, et qui concernent directement la question de l’accueil des migrants et de la dignité de la personne humaine.
Nous voudrions, tout d’abord, avoir des explications à propos de la procédure d’expulsion de migrants des maisons inoccupées, situées impasse Pegasus à Ranville, propriétés de Ports de Normandie, puis une fois l’expulsion conduite le 19 octobre dernier, sur leur mise en vente précipitée.
Ensuite, il nous semble important que vous puissiez éclairer l’assemblée régionale et le public sur votre décision de revendiquer, au nom de Ports de Normandie, la propriété d’une parcelle boisée située à Ouistreham le long du canal. Dans votre requête initiale, vous arguez que cette parcelle est comprise dans le domaine maritime et appartient donc à Ports de Normandie. Sur cette parcelle sont installés depuis 2017, dans un campement de fortune, plusieurs dizaines de migrants qui cherchent à se rendre en Angleterre et sont soutenus par plusieurs associations et collectifs.
Votre demande a été rejetée par le tribunal administratif le 25 juin dernier mais vous avez poussé l’acharnement jusqu’à vous pourvoir auprès du Conseil d’Etat pour, à nouveau, ne pas obtenir satisfaction.
Alors que vous venez d’être débouté dans votre demande par la justice administrative, vous avez annoncé, lors du dernier comité syndical du 6 décembre 2021 (point 3.11 de l’ordre du jour), votre intention de vous tourner vers le tribunal judiciaire. Acharnement encore.
Dans les deux cas, qu’il s’agisse des maisons de Ranville ou de la parcelle revendiquée à Ouistreham, vos motivations ne semblent pas relever de la nécessité de service, ni même du développement d’activités, pour Ports de Normandie.
Les maisons de Ranville étaient inoccupées depuis 2015 et vous ne les avez mises en vente que via la délibération 3.9 présentée lors du dernier comité syndical de Ports de Normandie. Notre représentant au sein de Ports de Normandie a évidemment voté contre cette délibération qui s’apparente à une justification a posteriori de la procédure d’expulsion.
Nous vous interrogeons donc sur les motivations réelles qui vous ont conduit à prendre ces décisions.
Quel intérêt présentent ces décisions pour la structure que vous présidez ?
Pourquoi faire évacuer précipitamment des maisons inoccupées ?
Pourquoi persister à revendiquer une parcelle boisée sans intérêt pour Ports de Normandie ? Est-ce pour ensuite la faire évacuer comme les maisons de Ranville ?
Mesurez-vous ce que signifie de détruire ce campement de migrants et de les rejeter à nouveau dans l’errance en plein hiver ?
Nous l’affirmons, vos actions n’ont aucune utilité pour Ports de Normandie, et encore moins pour la Région Normandie. A l’inverse, vos actions ont un coût pour le syndicat mixte, aussi nous vous demandons de nous fournir les montants engagés en frais de justice en 2021 pour ces deux affaires.
Est-ce donc, au final, la pression conjuguée de l’Etat et de certains élus de l’agglomération de Caen la Mer, dont les maires de Caen et de Ouistreham, qui vous ont conduit à prendre ces décisions ?
Vous ne pouvez pas ignorer que ces deux parties se sont illustrées à plusieurs reprises pour organiser une véritable « chasse aux migrants » dans l’agglomération de Caen-Ouistreham qui se traduit par une succession d’expulsions, de destruction d’affaires et par la persécution des associations qui apportent de l’aide aux migrants.
Nous vous renvoyons aux actions que vous menez dans le cadre de Normandie pour la paix et de notre interpellation à ce sujet. Nous ne comprenons pas le décalage entre les photos de migrants à la frontière américaine que vous affichez dans le parc d’Ornano et les actions conduites concrètement sous votre autorité sur le littoral normand.
C’est le moment de passer des paroles aux actes Monsieur le Président, sauf à accréditer que vous vous placez du côté de l’Etat français et de ces élus dont les actions ont conduit la France a être condamnée à de multiples reprises par la CEDH pour avoir bafoué les droits humains les plus fondamentaux.
Nous vous demandons à l’inverse de reprendre le dialogue avec l’Etat, les élus locaux, mais aussi avec les associations et les collectifs qui portent assistance aux migrants.
Face aux drames humains auxquels nous assistons dans la Manche depuis cet été, la Région peut et doit être à l’initiative d’actions sur son littoral, notamment pour trouver et financer des lieux de vie et permettre ainsi à ces populations qui ne repartiront pas d’avoir accès à des conditions d’existence dignes.
Nous n’acceptons pas que le respect de la dignité humaine, en France, dépende uniquement de l’inhumanité de certains élus comme le maire de Ouistreham, et à l’inverse de la solidarité et de la fraternité dont ont fait preuve les maires de Lion-sur-Mer ou de Colleville-Montgomery, en ouvrant des espaces d’accueil dans leurs communes, simplement par refus de voir de jeunes hommes mourir de froid l’hiver.
Vous pouvez agir Monsieur le Président.
Nous vous le demandons.
Laetitia Sanchez et Rudy L’Orphelin
Co-président.e.s du groupe Normandie Ecologie
Bastien Recher
Membre du groupe et administrateur de Ports de Normandie