Assemblée Plénière – Lundi 13 octobre – Intervention de Bastien Recher relative aux orientations budgétaires 2026

Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

Monsieur le Président, après l’exercice d’aujourd’hui, il ne vous restera plus que deux orientations budgétaires pour conduire, notre Région, la Normandie, face aux grands défis de notre temps :

  • la soutenabilité de notre modèle économique,
  • les difficultés des familles normandes face à la crise,
  • notre fragilité particulière de région littorale avec l’accélération du dérèglement climatique,
  • ou encore la nécessité de construire une transition énergétique soutenable et durable…

Autant de chantiers que l’on voudrait voir abordés dans ces orientations budgétaires mais je vais vous spoiler la lecture du rapport, pour les rares collègues qui ne l’aurait pas lu : de tout cela rien !

  • Rien sur la relance économique et la mobilisation nécessaire d’une collectivité pourtant dotée de 2 Mds de budget face à la crise sociale ;
  • Rien sur les grandes transitions à construire à l’heure où votre soumission au lobby nucléaire va causer des difficultés considérables dans les années à venir.

Et sur ces sujets majeurs vous ne faites même plus semblant, alors que l’on pouvait croire à une position d’équilibre lors de ce début de mandat.

Vous êtes de plus en plus libéral et attentiste, et aussi disons-le, de plus en plus conservateur.

Votre évolution politique est à l’image de la droite française en perdition :

  • Vos orientations budgétaires traduisent à nouveau une incapacité à penser notre collectivité face à la crise et à la transition des territoires ;
  • Vos sympathies politiques, de plus en plus réactionnaires montrent bien l’équation électorale que vous tentez de résoudre en Normandie, au mépris de ce qui a fait le centre-droit en France, notamment le refus de l’extrême-droite.

Pour constater cela, il suffit de regarder de loin votre fête de la pomme.

En 2023, vous avez accueilli François-Xavier Bellamy à bras ouverts, lui qui vient de voter avec le RN au Parlement européen, qui s’est opposé au mariage pour tous ou qui s’est attaqué à l’IVG.

Et cette année Bruno Retailleau, l’homme des « Français de papier », celui pour lequel « l’Etat de droit n’est ni intangible ni sacré » et qui vient d’appeler à ne pas voter pour la gauche dans un duel de second tour face au RN.

L’année prochaine vous prévoyez d’inviter directement Jordan Bardella ?

  • Au pire vous participez de cette union des droites qui se constitue chaque jour un peu plus devant nos yeux éberlués.
  • Au mieux vous êtes perdu, à l’image de ces orientations budgétaires qui ne mènent nulle part comme nous allons le voir.

I. Tout d’abord, nous payons, nous élus locaux, l’absence de stratégie et d’ambition d’un Etat au mieux défaillant et qui a décidé d’abandonner les collectivités

I.1. S’il y a bien une chose que je ne peux pas vous reprocher, c’est l’incurie des différents gouvernements d’Emmanuel Macron.

Et encore…

Et encore, c’est votre famille politique qui en réalité gouverne depuis au moins 2022, si l’on met de côté les haines interpersonnelles recuites.

Vous qui avez été ministre de Nicolas Sarkozy, finalement qu’est-ce qui vous distingue d’un Michel Barnier que vous avez chaleureusement soutenu lors de sa nomination ?

Qu’est-ce qui vous distingue d’un François Bayrou, sur le fond, lui qui a été l’un des piliers de votre grande famille centriste ?

Qu’est-ce qui vous distingue d’un Bruno Le Maire, l’homme au plus de 1 000 Mds de dette, rappelé au pouvoir pendant 14 heures, par votre ami Sébastien Lecornu ?

Avec cette grande famille politique du « socle commune » du Modem à LR, (du défunt « socle commun » ?), le pire n’est jamais sûr :

Tout d’abord disons-le ces gens sont soit des menteurs, soit des incompétents :

  • On a eu le dérapage du budget début 2024 avant les européennes avec des prévisions de croissance fantaisiste et la rétention de toutes les informations budgétaires par Bercy, au point qu’une commission d’enquête parlementaire a été lancée ;
  • On a maintenant un déficit public en 2024 qui a dérapé de près d’un pourcent à nouveau par rapport aux prévisions du PLF.

En plus d’être des menteurs et des incompétents, je crois qu’en l’espèce on a bien un cumul des deux tares, nos gouvernants actuels sont incapables de faire évoluer leur logiciel par pure idéologie.

Alors que des marges de manœuvre considérables existent, notamment par le biais d’une réforme de la fiscalité pour les hauts revenus, ou encore avec la remise à plat des 211 Mds d’aides aux entreprises, par an !, sans aucune contrepartie ni aucun contrôle.

A ce sujet, il faut lire ou écouter le sénateur LR Olivier Rietmann, pas vraiment un gauchiste, raconter la découverte de cette gabegie incroyable et l’obstruction des ministres et des services de Bercy.

C’est bien un scandale d’Etat auquel nous sommes confrontés et l’on aimerait que les élus de la droite dite « républicaine » soutiennent la démarche de ce sénateur LR contre la mise en faillite organisée de l’Etat sous Macron.

  • On ne vous a entendu sur aucun de ces sujets Monsieur le Président et on comprend donc que vos appels à la démission du président Macron ne sont pas destinés à obtenir un changement de politique mais juste un changement de personne.

En réalité, et pour le dire autrement, ce que subissent les finances régionales est aussi de votre responsabilité.

2. D’ailleurs, à nouveau, on ne vous a pas entendu sur le projet de PLF 2026 élaboré par François Bayrou et repris par Sébastien Lecornu, pourtant :

  • 44 Mds€ d’économie dont 5,3 Mds€ pour les collectivités,
  • contre 2,2 Mds€ d’efforts l’année dernière.

Et dans ces orientations budgétaires, vous constatez les choses, froidement et sans vraiment déplorer les orientations politiques nationales. Et pour cause, vous faites ici, ce que vos amis font à Paris.

Aussi, plutôt que de vous extasier devant la présence de Bruno Retailleau sous les pommiers, vous auriez pu courir les médias pour expliquer que sur 4 ans la Région a connu 205 M de pertes de recettes du fait des mesures nationales !

Encore une fois, je ne vois au final qu’une seule raison à cette absence de réaction de votre part : vous partagez les orientations nationales de cette succession folklorique de premiers ministres et vous ne pensez pas autrement que Macron et ses affidés.

  • Et pourtant, priver les collectivités, et particulièrement les Régions, de leur capacité à investir, à agir, c’est d’une absurdité sans nom.

Ne pas comprendre que l’investissement soutient la croissance économique c’est quand même complètement absurde surtout pour une droite qui se prétend « pro-business ».

Je parlerai simplement de mon secteur, celui que je connais le mieux : 1 logement construit c’est 2,5 emplois créés !

Et je relaie ici l’alerte d’Olivier Salleron, le président de la Fédération Française du Bâtiment, pas vraiment un gauchiste non plus : 150 000 emplois sont menacés, dans la construction, du fait de la crise et de l’absence de mesures de soutien au secteur.

  • Alors vraiment, s’il existe encore dans cet hémicycle des soutiens officiels et assumés du président de la République, parce que l’on a bien compris que tout relève de lui directement, qu’ils essaient d’expliquer aux élus normands la logique qui prévaut à ces PLF successifs !

II. Au-delà du délitement national, dont en réalité vous participez, vos orientations budgétaires sont aussi un problème pour la Normandie

Par idéologie, vous avez été défaillant sur les recettes, rappelons que les finances régionales auraient bénéficier de plusieurs dizaines de millions d’euros supplémentaires si vous aviez accepté notre amendement sur les cartes grises ;

Par idéologie, vous êtes également défaillant dans la construction d’une trajectoire budgétaire raisonnée.

Et je vois au moins quatre fautes commises contre les finances de notre collectivité :

  • L’absence de stratégie d’investissement,
  • La dégradation de la gestion des crédits pluriannuels,
  • Le renoncement à agir face la crise en mobilisant des crédits de fonctionnement,
  • Enfin, une nouvelle bombe à retardement pour nos finances avec l’ouverture à la concurrence des lignes normandes.

II.1. Votre trajectoire d’investissement hiératique, du fait des achats de rames de train, masque en réalité un grave sous-investissement.

  • En résumé, votre stratégie d’investissement qui n’en est pas une

Entre le pic de 2024 à 916 M et les prévisions à 500 M à partir de 2027

On voit bien :

  1. que les achats de rames cachent en réalité un sous-investissement chronique ;
  2. que la trajectoire financière n’est pas maîtrisée avec des variations quasiment du simple au double d’une année sur l’autre.

Et comme vous avez refusé d’emprunter au moment où les taux étaient les plus favorables, en début de mandature, pour soutenir les dépenses d’investissement en faveur de la transition, vous avez emprunté dans la précipitation pour les achats de rames au pire moment.

Résultat : alors que pour les autres Régions les charges financières ont doublé en 2, pour notre Région, ces charges ont quadruplé, avec une progression de près de 74 % en 2024.

  • Comment espérez-vous faire croire que vous gérez convenablement les finances de la Région ?

Par votre responsabilité, la capacité à intervenir de notre collectivité se dégrade du fait d’une navigation à vue qui pourrait priver la prochaine majorité de marges de manœuvre pourtant nécessaires.

II.2. Je voudrais également signaler la dégradation constante de la gestion des stocks de crédits pluriannuels

Dans d’autres régions on a des tableaux sur plusieurs années pour voir les évolutions de ce stock. Et même des tableaux pour les mettre en relation avec des crédits, pour ainsi démontrer que l’on construit une trajectoire budgétaire sincère, en ajustant année après année les AE et les CPF et les AP et les CPI.

Dans d’autres régions, on n’ouvre pas des blocs d’AP et d’AE sans lien avec les CP, mais on le fait année après année justement pour respecter une concordance entre autorisations et crédits.

Ici, et comme depuis le début de la mandature, rien de tout cela.

Vous ouvrez d’un seul coup des autorisations pour les contrats de territoires ou l’ouverture à la concurrence, sans aucune trajectoire construite, et donc du coup vous les annulez ou vous les laissez par pur affichage.

Comme souvent, j’ai dû aller chercher moi-même dans les précédentes délibérations pour établir des comparaisons qui devraient figurer dans vos rapports.

Donc j’ai fait ce petit tableau qui permet d’analyser l’évolution des stocks d’AP et d’AE depuis votre mandature :

   OB 20220B 2023OB 2024OB 2025OB 2026
Stock a maxima4,85,35,96,16,16
Stock intermédiaire3,73,73,54,55,05
Stock a minima2,72,62,42,42,18

On voit ainsi :

  • Le stock a maxima augmente de 1,4 Mds ;
  • Le stock intermédiaire augmente de 1,4 Mds également ;
  • Le stock a minima diminue lui de 500 millions.

Et tout ça sans la DMB 1 avec les 369 M d’AE ! Mais j’y reviendrai tout à l’heure.

  • En résumé, on voit clairement que le montant des AP/AE votées et même des AP/AE affectées est hors de contrôle : c’est la conséquence directe de votre gestion faite d’affichages et d’absence de vision pour notre territoire !

II.3. Autre faute, le renoncement à agir face à la crise

Vous vous enorgueillissez de votre niveau d’épargne brute, l’augmentation de l’épargne brute constitue même un des « piliers » de votre stratégie budgétaire.

Pourtant cette augmentation de l’épargne brute, et même en cours d’année malgré les prévisions du BP, traduit bien votre renoncement à agir pour soutenir les familles normandes face aux crises.

Par exemple, vous pourriez déployer des aides aux familles par le biais de votre compétence lycée ou de votre compétence transport. Mais vous ne le faites pas.

La meilleure preuve de votre refus de déployer un bouclier social régional réside justement dans la comparaison avec les autres régions sur l’épargne brute :

  • 92 euros par habitant par an,
  • Contre une moyenne des régions à 80 euros.

C’est bien un choix politique que vous faites : faire des économies sur le dos des Normands et des Normandes.

II.4. Enfin, nouvel exemple de votre incurie en matière de prévision budgétaire, l’ouverture à la concurrence des lignes normandes

Et après les achats de rames qui auront représenté l’essentiel de l’investissement lors de cette mandature

Voici venir, depuis 2 ans, une nouvelle bombe à retardement pour les finances régionales, celle de l’ouverture à la concurrence des lignes normandes, et vous le dites clairement dans ces orientations budgétaires page 74 :

« la prospective financière 2025-2028 présentée dans ces Orientations budgétaires ne tient pas compte des conséquences de l’ouverture à la concurrence, impossibles à modéliser de façon fiable à ce stade. »

Plus loin, page 84, vous indiquez ne plus être en mesure non plus d’anticiper l’évolution de la convention trains.

  • Par idéologie encore, vous avez ouvert à la concurrence, à coup de milliards d’euros, sans avoir la moindre certitude sur les bienfaits pour les usagers, mais comme vous n’êtes pas usager on comprend que cela ne vous intéresse pas, mais surtout au péril des finances régionales !
  • Par idéologie encore, vous refusez de mettre en œuvre, comme la loi vous le permet, et comme d’autres Régions, y compris des Régions dirigées par la droite le font déjà, le versement transport qui, avec près de 45 M par an, permettrait de dégager de nouvelles capacités d’investissement en faveur des infrastructures ferroviaires, mais aussi d’une tarification plus sociale.

III. Quelles orientations alternatives pour 2026 pourraient permettre de construire le BP 2026 ?

J’ai évidemment peu d’espoir, mais comme opposant constructif, je me dois de vous donner quelques pistes pour ce prochain budget prévisionnel :

III.1. D’abord une opposition frontale avec le gouvernement Lecornu 2 pour préserver la capacité à agir et notamment à investir des collectivités

  • Faites le siège de Bercy, défendez l’action des collectivités et particulièrement des Régions qui détiennent les compétences stratégiques pour transformez nos territoires ;
  • Appelez le gouvernement à dégager les marges de manœuvre nécessaires et à cesser d’abonder directement les dividendes et l’optimisation fiscale ;

III.2. Ensuite une attention particulière à la crise économique et à la nécessaire relance de la croissance

Et je voudrais dire que je suis particulièrement inquiet de la forte augmentation des défaillances d’entreprises avec une hausse de 4 points supérieure à la moyenne nationale cette année.

Non seulement, vous avez refusé de construire un plan, comme nous vous le demandions lors des discussions budgétaires de l’année dernière, pour limiter la casse sociale.

Mais en plus, les dispositifs actuels de soutien aux entreprises, qu’il s’agisse d’ARME, ou des fonds de soutien, mettent les finances régionales en risque !

  • Je vous le demande : un audit est-il prévu pour estimer le risque pour les finances régionales ?

Qu’en est-il des subventions et des prêts accordés avec une trop grande libéralité ?

Citons comme exemple les 2 M pour la société hopium ? qui non contente de s’être délocalisée à Lyon après avoir prétendu s’installer en Normandie, n’en finit plus de chercher de nouveaux projets après sa fable de voiture à l’hydrogène ?

III.3. Enfin, une attention à la sincérité de vos rapports budgétaires et une nouvelle approche en matière de crédits pluriannuels

Je m’inquiète effectivement de l’état des finances régionales en 2028.

Pour cela, je vous demande deux choses :

  • Un bilan clair de l’impact de l’ouverture à la concurrence sur les finances régionales ;
  • Une opération « transparence » sur les AP et les AE afin que chaque élu régional puisse évaluer au mieux l’état à venir de nos contraintes budgétaires.

Je vous remercie.