Assemblée plénière
Lundi 14 mars 2022
Discours de politique générale de Rudy L’Orphelin
Monsieur le Président, cher.e.s collègues,
Vladmir Poutine a donc engagé une guerre sur notre continent. Cette invasion russe contre une démocratie européenne est sans précédent depuis la seconde guerre mondiale ; parce qu’elle est contraire au droit international, parce qu’elle vise à détruire une démocratie, parce qu’elle foule aux pieds le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, nous la dénonçons avec la plus grande force. Alors que cette guerre a déjà fait plusieurs milliers de morts et plusieurs dizaines de milliers de blessés, il faut saluer la résistance héroïque du peuple ukrainien et l’impressionnant courage du Président Zelensky. Bien entendu, nous nous réjouissons de la réaction de l’Union Européenne, enfin unie, qui organise le soutien militaire des Ukrainiens et qui a décidé d’une batterie de sanctions d’une ampleur inédite à l’égard de Poutine et des oligarques russes.
Ces derniers jours, les Françaises et les Français, les Normandes et les Normands ont été nombreux à exprimer leur solidarité et leur amitié avec le peuple ukrainien, à rappeler l’importance des valeurs démocratiques qui sont les nôtres. La paix, la démocratie, la liberté, la soumission au droit international ne doivent jamais être considérés comme des acquis. Et face à cette guerre qui va durer et à ses conséquences, toute la question est de savoir si notre Région qui, par son histoire « connaît le prix de la liberté » saura se montrer à la hauteur des défis qui lui sont assignés. Et j’aimerais dire ici quel peut être, quel doit être le rôle de notre collectivité dans ce moment décisif de notre histoire commune.
Notre groupe salue bien entendu la démarche de soutien au peuple ukrainien proposée par le Président Morin et le Vice-Président Priollaud via la création d’un fonds d’urgence doté pour l’heure de 50 000 euros. C’est un premier soutien qui, il faut le souhaiter, en appellera d’autres. Alors que plusieurs millions d’Ukrainiens ont déjà fuit leur pays, nous appelons à ce que notre Région, fidèle à son histoire, se déclare ouvertement et fièrement terre d’accueil ; qu’elle mette tout en œuvre pour prendre en charge dignement les réfugiés sur notre sol : en recensant les hébergements disponibles au sein du patrimoine régional, j’entends que c’est déjà commencé et je m’en félicite, en apportant son aide aux maires et aux bailleurs, en relayant les actions engagées par les associations et particuliers.
Mais cette guerre oblige à une autre prise de conscience, celle de notre dépendance énergétique, celle de notre dépendance aux énergies fossiles, et notamment aux énergies fossiles provenant de Russie. En quelques jours, en sortir est devenu un enjeu de paix et de sécurité internationales. Enfin. Enfin car le pétrole et le gaz russes ce sont, chaque jour, 700 millions de dollars qui permettent à Poutine de financer la guerre…
Dans le même temps, il y a quelques jours de cela, le GIEC publiait le deuxième volet de son sixième rapport d’évaluation, consacré aux impacts, aux vulnérabilités et à l’adaptation à la crise climatique. Les effets du dérèglement climatique ne font que s’accélérer alors qu’ils affectent déjà la vie de milliards d’êtres humains. La multiplication des phénomènes extrêmes menace l’approvisionnement en eau, notre agriculture, notre production alimentaire, notre santé, nos infrastructures et nos économies.
Dans ce double contexte de guerre et de crise climatique, mettre fin à notre dépendance aux énergies fossiles, bâtir un nouveau modèle énergétique c’est agir en faveur du climat, c’est protéger nos concitoyens face à une immanquable hausse de prix de l’énergie, c’est proposer des emplois durables et non délocalisables, c’est œuvrer à une paix durable et à la stabilité du continent, c’est préserver nos démocraties. Telle est notre responsabilité. Telle doit être notre priorité en Normandie.
En prenons-nous le chemin ? Rien n’est moins sûr.
Qu’il s’agisse des scénarios établis récemment par RTE, l’ADEME ou encore de Négawatt, un consensus s’établit sur l’exigence de faire reposer notre avenir énergétique sur des politiques de sobriété. L’énergie la moins chère, l’énergie la moins polluante est celle qu’on ne consomme pas. Alors que notre région compte des dizaines de milliers de passoires énergétiques, que la précarité et la vulnérabilité énergétiques gagnent du terrain, nous renouvelons notre appel à un vaste plan de rénovation énergétique des logements et des bâtiments. Nos amendements en ce sens ont été systématiquement rejetés par l’exécutif.
Réduire nos consommations d’énergie passe aussi par une moindre dépendance à la voiture particulière. Raccourcir les distances, permettre aux Normand.e.s d’éviter certains déplacements, c’est possible via une politique d’aménagement du territoire courageuse qui rompt avec la logique d’étalement et de mitage caractéristique de nos territoires. C’est s’inscrire sans attendre dans l’objectif du « zéro artificialisation nette », nous en reparlerons aujourd’hui à l’occasion de l’examen de la délibération sur le SRADDET.
Ici, en Normandie, l’exécutif continue de faire des choix qui aggravent la dépendance des Normand.e.s à la voiture individuelle et donc aux énergies fossiles. Pourtant, on ne compte plus le nombre d’itinéraires routiers d’intérêt régional ni les centaines de millions d’euros consacrés au financement des autoroutes, 2X2 voies et autres contournements. Or chaque barreau routier supplémentaire c’est la promesse d’un trafic toujours plus important, de consommations, de pollutions et d’émissions toujours plus élevées. Dans le même temps, l’alternative ferroviaire, et en particulier le TER, est à la peine alors qu’il s’agit d’une compétence centrale de notre collectivité. Je ne détaille pas car ma collègue Laetitia Sanchez reviendra sur ce point dans un instant.
Accompagner les Normand.e.s vers la sobriété énergique est le premier des défis. Produire notre énergie autrement est le second. Pour vous M. Morin, la solution semble toute trouvée avec le nucléaire. Mais parier sur le nucléaire revient à échanger une dépendance contre une autre dépendance car jusqu’à preuve contraire, l’uranium n’est pas extrait de mines françaises. Pour le reste, je ne veux pas paraître inutilement désobligeant mais le seul EPR en chantier à Flamanville accuse plus de 10 ans de retard, un surcoût de plus de 17 milliards d’euros et sa mise en service est plus qu’incertaine. C’est un sinistre industriel, c’est un désastre financier. Et que proposez-vous ? 2 nouveaux EPR à Penly. Comment penser qu’un tel chaos à Flamanville pourrait se transformer en 2 succès à Penly ? Pour quel facture ? Qui la paiera ? Et pour quand ? 2035 ? 2040 ? 2050 ?
Nous avons 10 ans à peine pour faire face au chaos climatique d’après le GIEC, il nous faut sortir au plus vite de notre dépendance au pétrole et au gaz russes. Pour cela nous avons besoin de solutions éprouvées et immédiatement disponibles. Elles existent et peuvent permettre d’impulser un formidable projet de territoire : énergies marines renouvelables sur nos côtes, éolien terrestre, généralisation du photovoltaïque sur les toits de nos immeubles, de nos maisons et de nos bâtiments, développement des réseaux de chaleur à partir de biomasse et par récupération, énergie hydraulique mais encore recours à l’hydrogène vert, nous soutenons le recours à l’hydrogène vert pour la gestion des intermittences.
Ces solutions, nous sommes certain.e.s les Normand.e.s veulent s’en emparer. Nous vous proposons Monsieur le Président d’engager un grand débat sur notre avenir énergétique en Normandie pour une région zéro carbone, autonome et 100 % renouvelable.
Je vous remercie.