Monsieur le Président, Cher.e.s collègues,
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, le Gouvernement Barnier a donc annoncé une cure austéritaire sans précédent, laquelle va gravement affecter les finances des collectivités locales. Communes, Départements et Régions devraient être mis à contribution à hauteur de 5 milliards d’euros et ce, sans compter l’effet de gel des dotations ni même le coup de rabot prévu sur le fonds vert pour 1,5 milliards d’euros.
Rappelons-le, ce sont pourtant les collectivités locales qui, dans ce pays, assument deux tiers de l’investissement public. L’austérité promise par le Gouvernement c’est donc encore moins de moyens consacrés à ce qui est si essentiel à notre époque : isoler les passoires thermiques dont souffrent plusieurs millions de personnes en France, investir dans nos trains et nos transports en commun, soigner l’eau, l’air et les sols, développer les énergies renouvelables, adapter nos villes et nos campagnes pour se prémunir des effets du dérèglement climatique, accompagner nos paysans vers une agriculture durable… A la fin avec la droite au pouvoir, c’est donc l’engagement dans la transition écologique qui se trouve mis à l’arrêt.
Rappelons-le également, ce sont pourtant les collectivités locales qui, dans ce pays, portent les services publics de proximité et assument les politiques de solidarité. L’austérité promise par le Gouvernement, c’est donc ajouter de la brutalité à celle que subissent déjà celles et ceux qui vivent aujourd’hui dans la précarité : du mal-logement à l’urgence alimentaire, de la protection de l’enfance à l’accompagnement des plus démunis… A la fin avec la droite au pouvoir, ce sont les plus fragiles et les plus modestes qui payent l’addition.
Avec en prime le soutien actif du camp présidentiel qui est pourtant le principal responsable de la situation budgétaire du pays.
Alors à la suite de ces annonces du Gouvernement, j’entends certains dans la majorité régionale nous parler d’un « réveil difficile ». Permettez-moi chers collègues de vous demander si vous connaissez vraiment la doctrine budgétaire de votre famille politique ? Qui annonce depuis des années, dans la plus pure démagogie vouloir « débureaucratiser » le pays ? Qui promet de supprimer les postes de fonctionnaires par centaines de milliers ? Qui veut reculer encore l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans ? Qui a depuis des années mené l’essentiel des réformes fiscales qui ont asphyxié l’autonomie et les marges de manœuvre des collectivités locales ? Si ce n’est la droite française. Pouvez-vous sérieusement jouer les surpris ? Tant de fausse naïveté – puisque nous savons bien qu’elle est fausse – fait tout de même peine à voir…
L’automne budgétaire sera donc déterminant pour l’avenir de notre Région et de ses territoires. Le premier acte se jouera au Parlement et il faut souhaiter que suffisamment de parlementaires résistent à l’enfer austéritaire dans lequel le Gouvernement Barnier – que l’extrême droite s’amuse à faire danser – veut mener le pays. Mais à l’heure d’examiner les orientations budgétaires régionales, il est peut-être aussi temps d’écouter les propositions formulées de longue date par les écologistes et que vous avez toujours soigneusement méprisées.
Parce qu’elle consiste à faire de véritables choix, l’écologie rime aussi avec efficacité de la dépense publique.
D’abord et sur l’agriculture, pour ne parler que Normandie Agriculture Investissement (NAI) vous n’avez pas attendu le Gouvernement pour vous planter dans les grandes largeurs. Malgré nos alertes, vous avez maintenu un dispositif ouvert aux quatre vents. Résultat, il vous a fallu suspendre sans préavis les possibilités de dépôt de dossiers, tant la dérive financière était évidente, au risque de déstabiliser nos exploitations agricoles. Et ce ne sont pas les modifications cosmétiques opérées depuis sur ce dispositif qui y changent quoi que ce soit. La logique reste la même, elle consiste à tout accompagner de manière aveugle. Il est encore temps de changer de braquet en conditionnant les investissements à des engagements concrets vers l’agriculture durable. C’est une chance et une clé pour accompagner la transition de notre modèle agricole, via le recours aux MAEC ou encore en incitant à des conversions à l’agriculture biologique. Les conséquences positives nous les connaissons, pour l’emploi agricole, pour la qualité de nos sols, pour la qualité de nos produits régionaux et de notre alimentation.
Écouter, c’est aussi entendre ce que notre collègue Véronique Bérégovoy peut vous dire à longueur de commissions permanentes ou au sein de l’ADN sur la pure logique de guichet qui préside à votre politique de développement économique. L’absence abyssale de réflexion sur des éco et socio-conditionnalités aboutit mécaniquement à la reproduction d’un modèle dont le moteur reste celui du productivisme, soit un modèle qui précarise, qui artificialise les espaces, qui épuise nos ressources. Conditionner les aides économiques est un levier majeur d’une conversion écologique de notre économie régionale. Mais là encore, vous n’entendez rien.
Faut-il évoquer vos choix en matière énergétique ? Osons mesurer, du point de vue de la dépense publique, la réelle efficacité des moyens que vous entendez consacrer pour accompagner l’implantation de 2 nouveaux EPR sur le territoire. Faut-il rappeler qu’ils ne seront pas opérationnels avant 2035-2040, que les efforts à déployer pour faire face à nos besoins en matière d’approvisionnement électrique sont à réaliser dans cette décennie pour se placer dans la trajectoire des accords de Paris tout en garantissant notre autonomie énergétique ? Les solutions immédiatement opérationnelles existent pourtant bel et bien – c’est notamment le solaire et l’éolien – elles pourraient être rapidement et massivement déployées. En dépit du bon sens ou peut-être par aveuglement idéologique, c’est contre ces solutions que vous avez choisi de partir en guerre. Résultat, la Normandie occupe dans les 2 cas le bas du tableau des régions françaises et ce sont les Normand.e.s qui finiront par payer la note sur leur facture d’électricité.
Sans doute est-il temps enfin de renoncer et une bonne fois pour toutes aux investissements climaticides à l’image des 205 millions d’euros programmés sur le projet d’autoroute à péages à l’est de Rouen que vous continuez de soutenir en dépit du bon sens. Il en va de même pour les crédits réservés au développement des aéroports de Normandie. Alors qu’un nouveau concessionnaire constitué des CCI de Brest et de Marseille vient d’être retenu pour les 4 aéroports de Caen, Rouen Le Havre et Deauville, on nous parle à ce propos de mise en cohérence et d’une supposée complémentarité. On oublie sans doute à dessein de préciser que ce nouveau concessionnaire a été retenu avec pour objectif d’augmenter le trafic passager de plus de 60% à l’horizon 20230. On ne peut sans incohérence évidente déclarer qu’on entend lutter contre le dérèglement climatique et en même temps soutenir les modes de transport les plus polluants.
Décidément non, cher.e.s collègues, on ne pourra pas tout faire, son contraire et le contraire de tout. Pour la Normandie, pour les Normandes et les Normands, Il est temps, il est urgent de faire des choix en réorientant les efforts et les moyens vers des politiques qui réparent et qui protègent et qui permettront, car c’est notre plus grand défi, de préserver l’habitabilité de la Normandie.
Je vous remercie.