Monsieur le président,
Chers collègues,
On ne sait évidemment pas ce que nous réserve l’année 2025 et l’exercice d’écriture et de présentation d’orientations budgétaires relève toujours un peu de l’équilibrisme.
En revanche, on sait ce que nous a déjà réservé l’année 2024, même si avec l’ancienne majorité nationale relative et la nouvelle majorité encore plus relative et sous tutelle du RN le pire n’est jamais sûr.
Mais revenons aux questions budgétaires, l’année 2024 commence par un mensonge éhonté, grossier, de la part de l’ex-Ministre Bruno Le Maire, exilé depuis en Suisse.
Quelques semaines après le vote du budget, l’écrivaillon de Bercy concède avoir construit un budget 2024 insincère et affirme devoir trouver 10 milliards d’économie.
Et la saignée commence pour les dépenses publiques et sans surprise, les premières victimes seront l’Education nationale et l’environnement. Logique pour un gouvernement de droite.
Mais ce dérapage des comptes publiques et cette incapacité à construire des prévisions sincères ne s’arrêtent pas là.
Je vous invite à lire l’article des échos du mardi 9 octobre qui décrit comment en 9 mois d’incompétence et d’inaction, l’exécutif a laissé filer les déficits de 100 milliards d’euros.
- 100 milliards d’euros en 9 mois de dérive budgétaire c’est tellement stupéfiant qu’il faut le relire plusieurs fois pour comprendre vaguement ce que cela signifie.
A titre de comparaison, pour nous élus régionaux, 100 MM c’est plus de 2 fois le budget total de l’ensemble des Régions !
Qu’aurait-on dit si cela s’était passé sous un gouvernement de gauche !
Au global, le bilan du macronisme ce sera une dette publique qui passe de 2 000 milliards en 2017 à plus de 3 000 milliards aujourd’hui, et pour à peine un tiers en raison de la crise COVID.
En 2024, le macronisme aura donc réussi dans le même temps à diviser par 2 son nombre de députés mais aussi par multiplier par 2 la prévision de déficit public.
Un tel naufrage politique, et je ne parle même pas de l’abjection morale de cette dissolution qui visait à conduire le RN à Matignon, doublée d’un tel naufrage en matière de conduite de politiques est totalement inédit.
Dans un tel contexte d’amateurisme, d’imprévision et surtout de mauvaise gestion, qui caractériseront définitivement le macronisme dans les annales, difficile pour les collectivités locales de savoir où elles vont.
Heureusement, c’est un de vos proches Monsieur le président qui conduit dorénavant les destinées de ce gouvernement.
Et on aurait pu penser que l’arrivée de Michel Barnier à la tête du gouvernement, allait aller dans votre sens Monsieur le président.
Mais ce proche, alors que vous vous lanciez dans un nouvel exercice de promotion de la décentralisation, a décidé que l’incurie budgétaire était le fait des collectivités !
Il vous a donc pointé directement comme responsable de cette situation.
Heureusement que vous le soutenez.
Maintenant que vous n’avez plus l’excuse facile de vous en prendre à l’Etat, vous vous retrouvez à assumer sans pouvoir vous défausser, le cadre budgétaire pour l’année prochaine.
Et le moins que l’on puisse dire c’est que nous arrivons à la fin d’un cycle…
I. La première chose qui caractérise vos orientations budgétaires c’est tout d’abord l’obsolescence de votre stratégie qui date de 2016
Car le premier constat que l’on peut faire, c’est que vous êtes directement responsable de la situation dans laquelle nous sommes, du fait de votre stratégie budgétaire, de l’enfumage sur les grands équilibres budgétaires et de votre relation à l’Etat.
I.1. Une stratégie dans l’impasse…
En effet, vous continuez à assumer vos 4 piliers sur la maîtrise des dépenses de fonctionnement, l’épargne brute, le niveau d’investissement et la capacité de désendettement sans prendre en compte les cycles économiques depuis 2016 et sans stratégie pour construire l’avenir.
Votre stratégie est la simple agrégation des capacités d’action des deux régions fusionnées en 2015.
Et que de temps perdu pour les Normands :
- Du temps perdu à ne pas investir et donc emprunter avant la hausse des taux d’intérêt ;
- Du temps perdu à contracter les dépenses de fonctionnement et à refuse de jouer un rôle face à la crise pour les familles normandes, notamment après 2020.
I.2. De l’enfumage sur les grands fondamentaux budgétaires de la Région
Vous vous plaignez du fameux effet ciseau sur le fonctionnement :
Mais la réalité des chiffres est pourtant bien établie dans le rapport :
- D’une part, la hausse des dépenses de fonctionnement constatée en 2023 est quasiment uniquement le fait de l’inflation qui atteint près de 5 % ;
- D’autre part, à l’exception de 2023, les recettes de fonctionnement augmentent et devraient continuer à augmenter jusqu’en 2027.
Quel effet ciseau ?
Vous ne maîtrisez donc pas les dépenses de fonctionnement. C’est aussi simple que cela !
En matière d’investissement, les variations sont spectaculaires d’une année à l’autre et s’expliquent uniquement par les achats de rames mais des achats de rames pour lesquels vous disposez de ressources dédiées par des contributions de l’Etat et par la vente de rames à d’autres Régions.
Agréger de cette façon ces achats de rames à la trajectoire d’investissement, c’est purement et simplement un tour de passe-passe comptable.
Et donc votre comparaison avec les autres régions n’a aucun sens puisque vous mettez dans votre besace des investissements exceptionnels et que ne font pas les autres régions, tout en omettant de rappeler que vous avez des ressources dédiées pour cela de la part de l’Etat et du fait de la vente de rames à d’autres régions
C’est Majax cette présentation !
Et comme vous n’avez pas de stratégie pluriannuelle d’investissement et que vous empruntez au dernier moment, la dette régionale va faire un bon de 50 % en 2025.
Si j’osais, je dirais que vous allez faire en une année ce que Macron aura mis 8 années à faire…
I.3. Pour se projeter en 2025 et dans les années suivantes, il faudrait aussi avoir un positionnement et une stratégie claire face à l’Etat
Mais pour avoir une stratégie claire, il faudrait avoir un seul discours à la tête de l’exécutif régional, et le moins que l’on puisse dire c’est que l’on peine à vous suivre Monsieur le président !
Car, force est de constater, qu’il y a au moins deux Hervé Morin :
- Celui qui, à Caen ou à Rouen, et avec Régions de France, demande davantage de décentralisation et de moyens pour sa collectivité ;
- Et celui qui, à Paris, a aidé à la mise en place du gouvernement Barnier et soutient la politique menée par ce dernier.
Et donc Monsieur le président, que croire et qui croire, quand Régions de France indique dans son communiqué de vendredi dernier :
« [Les régions] Avec une première estimation d’un impact direct sur les recettes des Régions de presque d’un milliard d’euros, […] seront le niveau de collectivité le plus impacté par le PLF. Une baisse historique qui constituera une mise en péril des politiques régionales et de l’investissement public. »
Et quand dans Ouest France, vendredi dernier, à l’annonce des 6,5 milliards de ponctions à venir sur les collectivités, vous annoncez 50 millions en moins pour la Normandie et que vous évoquez une « fable complète », quel Hervé Morin faut-il croire ?
Et comment se fait-il qu’avez votre ami David Lisnard, vous ayez aussi peu l’écoute de la part de celui que vous avez soutenu pour prendre le pouvoir ?
Vous vous présentez comme le champion de la décentralisation et des transferts de compétence aux collectivités, et vous soutenez un gouvernement qui va saigner ces mêmes collectivités !
Quelle cohérence politique ?
Et quelle vision du rôle des collectivités dans les années à venir ?
II. Dans ces circonstances, votre première responsabilité est de dire la vérité aux élus et aux Normands
II.1. D’abord dire la vérité sur les dépenses 2024 et 2025
Depuis juin vous nous promettez du sang et des larmes, par des interventions médiatiques, qui montrent l’improvisation dans laquelle vous êtes.
Dernière sortie médiatique en date, vous annoncez l’annulation de l’édition 2025 du Forum Normandie pour la Paix.
Encore une fois, quelle stratégie ? Quels objectifs ? quelles priorités ?
Vous avez dépensé 700 000 euros en 2024 pour le Millénaire Guillaume. Est-ce opportun d’arrêter Normandie pour la Paix et de faire ce Millénaire ?
Rien ne ressort clairement dans ce que vous préférez dire à la presse qu’aux élus régionaux.
- Voilà pour les dépenses 2025, des annulations à l’emporte-pièce.
Mais ces travaux de coupes budgétaires ont commencé dès cette année 2024 et vous devez dire la vérité sur les mises en réserve que vous faites actuellement sur le dos des Normands.
On a vu en commission permanente la remise en cause d’engagements budgétaires pourtant pris quelques semaines auparavant.
Citons l’exemple des transports scolaires à but pédagogique pour les lycées agricoles qui ne seront plus remboursés intégralement mais soumis à un forfait !
Autre inquiétude, la façon dont la Région va honorer ses engagements auprès du milieu associatif et de la culture.
Je vous le demande simplement Monsieur le président : allez-vous honorer l’intégralité des engagements pris par la Région en 2024 ?
Et sinon quel est le niveau de la mise en réserve que vous avez ordonné à vos services ?
C’est une question de transparence !
II.2. Ensuite dire la vérité sur les dépenses à venir après 2025
Comme élu et comme citoyen, j’aurais voulu avoir des informations précises dans ce rapport d’orientations budgétaires sur ce que vous envisagez pour l’avenir, pour savoir dans quel état vous laisserez la collectivité à vos successeurs.
Car si vous menez une politique de rigueur depuis 2016, c’est maintenant un vrai plan d’austérité que vous prévoyez pour les années à venir.
Il faut aller lire le tableau page 68 des orientations budgétaires, vous prévoyez une baisse de 50 millions des dépenses de fonctionnement à horizon 2028.
50 millions de baisse donc, et hors inflation alimentée par une crise énergétique qui n’est pas prête de s’arrêter et contre laquelle vous refusez d’investir en rénovant, par exemple, le patrimoine de la Région, principalement les lycées.
Cette cure d’austérité vous avez été obligé de la dévoiler lors du vote de la DGF 2025 qui consacre une baisse de 10 % de la part concernée aux activités pédagogiques des lycées publics normands.
Et quand on regarde ce tableau page 68, on se dit que malheureusement, ce n’est que le début.
Encore une question précise Monsieur le président :
Quand vous passez de 1 348 M d’euros en 2025 à 1 298 M en 2028 : où prévoyez-vous de couper 50 millions d’euros ?
- Il y a pourtant un chemin pour faire autrement en Normandie : un chemin qui passe par une meilleure gestion des deniers de la collectivité et par l’adoption d’une stratégie tournée vers l’avenir
III. La priorité, face à l’urgence, c’est de faire la chasse aux dépenses inutiles
Alors des dépenses inutiles nous en avons en Normandie et puisque vous demandez à l’Etat de faire le ménage, nous vous proposons la même chose dans votre budget.
Voici donc une petite typologie des dépenses inutiles à destination des présidents d’exécutifs locaux en temps de crise :
1 ) Les dépenses de communication
Nous avons régulièrement évoqué en CP les dépenses de communication autour de la diffusion du kit numérique dans les lycées.
Nous avons relevé également le mélange des genres malvenu avec la communication du groupe de la majorité.
Les élus de ce groupe se sont tellement pris à l’exercice de ces distributions avec kakémonos et presse, qu’ils expliquent parfois en toute naïveté qu’ils ont l’impression de, je cite, « jouer au Père Noël ».
Voilà une bonne occasion d’économiser 360 000 euros !
De façon générale, toute la communication institutionnelle de la Région devrait être réexaminé au regard de ce mélange des genres, qu’il s’agisse des réunions participatives où de vos nombreux vœux où vous n’invitez pas les élus de l’opposition.
Autre source possible d’économie en matière de communication : le Millénaire Guillaume. Nous vous avons demandé un budget prévisionnel. Nous l’attendons toujours. On peut donc en déduire que les dépenses à venir ne sont pas engagées et qu’il sera possible de faire autre chose que du somptuaire.
2 ) les dépenses start up Nation
Pour ces dépenses, on peut à nouveau citer le Kit numérique encore, mais cette fois pour la question de l’utilisation réelle faite par les lycéens des ordinateurs mis à disposition.
On pourrait économiser des sommes conséquentes en faisant une distribution sur la base de la demande, voire soyons fous, de critères sociaux.
Nous vous avons d’ailleurs demandé un bilan de cette distribution. Nous l’attendons toujours.
Les délibérations CP contiennent aussi quelques projets, souvent portés par des écoles de commerce, où la novlangue côtoie l’incompréhensible. Il y aurait probablement beaucoup
3 ) Autre source d’économie les dépenses « dîner des sommets »
Alors les clubs des entrepreneurs, les salons divers et variés pourraient recevoir des contributions beaucoup plus modestes de la part de la Région…
Est-ce le rôle de la Région que de jouer celui d’apporteur d’affaires ou d’entremetteurs, en organisant des événements mondains ?
4 ) Les dépenses non obligatoires ou qui ne relèvent pas du champ de compétence
Pour cela, rien de plus simple, et ce sont plusieurs dizaines de millions d’euros que vous pourriez économiser rapidement :
D’abord en supprimant toutes les subventions non-obligatoires pour les lycées privés à savoir les subventions en complément du forfait d’externat et les subventions d’investissement.
L’ensemble de ces contributions régionales a plus doublé depuis votre première élection, et nous allons regarder précisément la façon dont cet argent est en réalité détourné du secteur public.
Ensuite, les routes bien évidemment, car la Région n’a pas compétence pour intervenir dans ce domaine, elle ne le fait que par l’artifice de la définition d’un réseau routier d’intérêt régional. Des économies faciles et bonnes pour la planète.
Citons également, pour faire plaisir à notre collègue Gastinne, les 50 millions programmés pour le terminal de Floride et pour aller polluer les Havrais.
5 ) Enfin, les dépenses destinées à ceux qui n’en ont pas besoin
Et je citerai au premier rang de ceux qui n’en ont pas besoin, le secteur de la filière équine, car la Région dépense des millions pour cela, au prétexte de la création d’emplois.
IV. Mais répondre à l’urgence ne suffit pas, il faut définir une nouvelle stratégie régionale tournée vers l’avenir
Puisque nous en sommes aux orientations budgétaires et aux exercices de prospectives, nous pensons qu’il y a une alternative à votre politique une alternative sérieuse et ambitieuse qui rompe avec les logiques pro business et le biberonnage de filières qui n’ont pas besoin
L’essentiel de ce que nous proposons se ferait à périmètre budgétaire identique.
Vos piliers de 2016 ont conduit à mener une politique de rigueur au moment où il fallait investir pour l’avenir.
Maintenant que nous sommes en crise, le mur n’est plus devant nous, nous sommes dans le mur.
Il faut donc reprendre vos piliers et c’est ce que l’on peut faire rapidement :
1 ) Remplacer « Maîtriser l’évolution des dépenses de fonctionnement » par « Concentrer les dépenses de fonctionnement sur les politiques en faveur de l’emploi et des familles normandes ».
Les dépenses de fonctionnement doivent être utiles à l’emploi et doivent aider les familles normandes. Et vous pouvez agir facilement par le biais de vos compétences lycée ou encore transport.
2 ) remplacer « Dégager une épargne brute moyenne annuelle de 246 M » par « Adapter le niveau d’épargne brute aux économies soutenables, à l’inflation et aux crises, pour garantir la stabilité de l’intervention régionale »
Ce dogme de l’accroissement de l’épargne brute conduit à renoncer à adapter les dépenses de fonctionnement aux besoins et aux crises. Il relève de la plus pure idéologie libérale.
3 ) Pour le pilier « Porter à 600 millions en moyenne les dépenses d’investissement » : alors celui-là c’est le plus simple, il suffit d’ajouter « réellement » et « d’avenir ».
Pour cela, un seul exemple :
Dans la partie « Déclinaison des orientations budgétaires par objectif stratégique, on trouve peu de chiffres, trop peu de chiffres.
Mais on trouve des chiffres sur la rénovation thermique des lycées, et ces chiffres sont pour le moins inquiétants :
Page 22 de cette partie : 30 millions d’AP à venir…
Et c’est tout !
Alors que, comme vous l’indiquez quelques lignes plus haut, le PPI 2017-2022 n’a pas été remplacé.
En 2025, et pour la 3e année consécutive, nous n’aurons toujours pas de PPI pour investir sur les lycées normands.
C’est bien la preuve que l’on peut faire autrement et mieux !
4 ) remplacer « Maintenir une capacité de désendettement inférieure ou égale à 6 ans à l’horizon 2028 » par « Mettre en œuvre une trajectoire budgétaire dont l’impact en matière de dette se situe dans la moyenne des régions de taille équivalente »
Il est absurde de se fixer des objectifs théoriques qui peuvent conduire à décrocher de trajectoires nécessaires, notamment en matière de dépenses d’avenir.
Le seul garde-fou doit être la comparaison ave des régions de taille similaire.
Nous sommes en 2024, Monsieur le président, à mi-mandat, il n’est pas trop tard pour accepter de reconsidérer les fondamentaux de vos orientations budgétaires.
Il nous revient maintenant d’attendre avec espoir et inquiétude, votre projet de budget prévisionnel 2025.
Je vous remercie.