M. le président, chers collègues,
Je commencerai par remercier l’ensemble des services et des directions qui se plient à l’exercice du rapport pour nous présenter un document synthétique mettant en relation l’activité de notre région avec les 17 Objectifs de Développement Durable de l’ONU. Je rappellerai simplement que ceux-ci abordent aussi bien les défis environnementaux que l’éducation, l’économie, la santé ou la lutte contre la pauvreté, favorisant une analyse globale plutôt qu’une approche éclatée.
Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas reprendre page à page ce rapport. Je rappellerai à nouveau cette année que les régions ont « l’obligation d’élaborer un rapport sur leur situation en matière de développement durable » afin « d’en alimenter les discussions et les orientations budgétaire ».
Et c’est une nouvelle fois sur ce point, sur ce lien entre le rapport et nos orientations budgétaires, que le bât blesse. Car si nous répondons bien à l’obligation de produire ce rapport, nous n’en faisons toujours pas l’outil qui nourrit nos décisions.
Et même si nous le souhaitions, pourrions-nous le faire ? Probablement pas. Un document comme celui qui nous est présenté n’est pas suffisamment étayé pour indiquer si l’une ou l’autre de nos politiques est favorable, défavorable ou neutre vis à vis des 17 objectifs de développement durable.
Et c’est là où l’effort demandé aux services pour produire un document synthétique en est certainement aussi la limite. Comment nous appuyer sur celui-ci pour appuyer notre analyse budgétaire ? La production d’un tableau global indiquant quels budgets concourent à quels ODD pourrait être un premier point pour éclairer les orientations de la région sur le développement durable.
Bien sûr, un budget vert est bien en cours de création, et je réitère d’ailleurs dans cette assemblée la demande effectuée en commission de pouvoir échanger avec celles et ceux qui forgent ce nouvel outil. Mais faire de bonnes mesures ne garantit pas de faire de bon choix et nous vous proposons d’ores et déjà quelques autres outils pour s’inscrire dans les ODD.
Parlons conditionnalité. Le groupe Normandie Écologie demande depuis des années que les versements d’aides de la région soient soumis aux respects de conditions écologiques et sociales. Celles-ci viendraient alors contribuer à renforcer les objectifs de développement durable, sans risquer d’aller à leur encontre.
Comment imaginer respecter les ODD en soutenant la construction de nouvelles routes, de contournement ou de voies rapides alors que celle-ci contribuent à augmenter le trafic routier, à rogner les terres agricoles et naturelles, à émettre des particules respirées par les riverains ?
Comment poursuivre sur la voie de la méthanisation financière, qui ne profite qu’à une minorité, sans bénéfice pour les collectivités locales alors que celles-ci devraient être au cœur de nos politiques d’accompagnement des énergies renouvelables. Planifions les implantations avec les acteurs de nos territoires plutôt que de les laisser subir leurs conséquences.
Nous avons déjà pu nous exprimer sur les limites des appels à manifestations d’intérêt de la région, sur les Haies par exemple, qui ne s’adresse pas d’emblée à l’ensemble de nos EPCI. Nous pensons au contraire qu’il faut arrêter avec les dossiers à compléter entre deux dates butoirs, et qui ne seront limitées qu’à 10 lauréats sur les 69 EPCI normandes. Même renouvelables et renouvelés, ces AMI n’encouragent pas le dépôt des dossiers par les EPCI les moins pourvues en ingénierie ou celles qui estiment avoir peu de chance d’être retenues. Renouons avec la logique du service public sur les aides que nous attribuons, et non de mise en concurrence des EPCI entre elles.
Nos collectivités locales ont besoin d’aides financières, mais elles ont aussi besoin de s’appuyer les unes sur les autres pour poursuivre ou engager leurs transitions. Les mettre en concurrence pour bénéficier de nos aides n’est pas le meilleur moyen d’engager ces coopérations, ces partages d’expériences. Comme nous l’avons toutes et tous compris lors des réunions de présentation, et dans votre introduction à ce rapport, vous n’êtes pas le plus grand défenseur du ZAN, que vous « impose la loi ». Mais il semble que vous deveniez un partisan du « en même temps » en indiquant que la région Normandie serait un exemple en matière de développement durable. Un développement durable qui continuerait de consommer les surfaces agricoles et naturelles en somme. Bref, du développement tout court.
Si je ne remets bien évidement pas en cause les actions citées (Normandie bâtiment durable, Normandie en Transition ou Normandie Haies, Normandie Qualité Tourisme responsable, etc.), il en faut plus pour montrer de l’ambition et faire de la Normandie la terre des transitions.
Ces années tournées vers le développement tout court nous font prendre un retard considérable sur la transition écologique alors que nous pourrions en être les leaders. Quelle autre région française bénéficie d’autant de vents, de courants, de biomasse bocagère ? Quelle autre région peut se targuer d’autant de diversités de productions agricoles, de ports de pêche, de transports fluviaux et maritimes ?
Ces atouts sont là, attendant l’impulsion de notre région qui ne vient pas. Quelles aides pour la filière bio alors que nous ne respectons pas la loi EGALIM ? Quels accompagnements pour les énergies renouvelables à part pour les méthaniseurs et quelques panneaux solaires ?
Enfin, si j’ai noté que vous aviez à nouveau choisi d’illustrer le rapport avec des éoliennes (ou aérogénérateurs), je n’ai pas vu poindre le début d’un crayonné de dessin de centrale nucléaire. J’ai du mal à imaginer qu’il s’agit d’un acte manqué, mais qui sait, peut-être rêvez-vous plus du vent de nordet ou de norois faisant tourner des pales que d’un réacteur nucléaire de fin de série toussotant lors de ses premiers démarrages à Flamanville…