Monsieur le Président, chers collègues,
Depuis près de 15 ans maintenant, le sujet de la LNPN a fait prendre un retard considérable au ferroviaire normand, et à la nécessaire décarbonation de nos transports.
Alors qu’on estime que chaque francilien a une consommation visible et invisible de 20 tonnes par an, le fret s’est massivement reporté sur les routes (vous avez rappelé M. le Vice-Président la part de 85% pour le fret routier), à grands coups de projets routiers et autoroutiers, bordés d’entrepôts logistiques.
Et pour les habitants de notre région, les trains du quotidien ont en parallèle continué à péricliter, avec des fermetures de lignes, de haltes et de guichets, une perte de cadencement et d’amplitude, et une augmentation des tarifs. Les liaisons interrégionales sont tombées en désuétude, à l’instar des liaisons entre Caen, Le Mans, et Tours ou Rennes.
Enfin, la liaison avec l’Ile de France n’a cessé de se dégrader au fil des années, du fait d’une concurrence des transports normands et franciliens sur les mêmes sillons.
La Région Normandie est en effet la seule région limitrophe de l’Ile de France à ne pas disposer de sillons propres. Mais depuis les premières annonces de 2009, tous les projets ont été gelés, dans l’attente de la solution miracle de la LNPN !
Les années passant et les milliards se raréfiant, l’option de la Grande Vitesse à 12 Milliards d’€- qui mettrait Le Havre à 1h15 de Paris et ferait pousser des gares au milieu des betteraves – a été progressivement repoussée aux calendes grecques d’après 2050.
Il s’agit aujourd’hui de se concentrer sur le nœud du problème : la phase de travaux de 19 kms entre Les Mureaux et Mantes La Jolie, et la nouvelle gare de Rouen rive gauche qui permettra de développer le Service Express Régional Métropolitain (SERM).
Ne nous y trompons pas : le tronçon Les Mureaux-Mantes est bien d’intérêt national et interrégional.
Depuis le Débat Public de 2012, les élus écologistes nationaux, régionaux et locaux, de Normandie et d’Ile de France, défendent une position commune, car elle profitera à tous. D’ailleurs, seuls les écologistes et les communistes ont voté contre la motion de Mme Pécresse en Île de France. Et avec les élus d’Ile de France ou les parlementaires écologistes, nous sommes bien entendu volontaires pour participer à la délégation transpartisane que vous proposez pour rencontrer le nouveau Ministre des Transports.
Nous nous attristons en effet de voir que le dialogue est rompu au sein de votre famille politique, Monsieur le Président, quand la Présidente d’Ile de France, le nouveau gouvernement et la majorité des élus des Yvelines sont du même bord politique que le vôtre !
C’est pourtant cette voie supplémentaire entre Paris et Mantes, dédiée à la Normandie, qui mettra fin à la concurrence qui pénalise actuellement les trains des deux régions. C’est en effet un préalable impératif à l’amélioration des conditions de transport sur la ligne J du transilien et à l’arrivée du RER E jusqu’à Mantes-la-Jolie.
Outre le gain en termes de qualité de service pour l’ensemble des voyageurs franciliens et normands, cela apporterait également une alternative au transit routier qui sature nos routes de camions, et une solution supplémentaire à la montée en charge programmée du fret ferroviaire.
La FNAUT suggère même que ces travaux nous permettraient d’économiser le couteux saut de mouton, à condition de rénover le poste d’aiguillage de Saint-Lazare.
En parallèle, les réouvertures ou réhabilitations de lignes existantes doivent être privilégiées aux nouvelles constructions (ligne Evreux-Louviers-Rouen et raccordement de la nouvelle gare de Rouen rive Gauche aux voies à Malaunay). Cette articulation assurera une consommation de terres réduite, en capitalisant sur les voies existantes, en proposant une solution ferroviaire capable de participer à la désaturation des autoroutes A13 et A14 et à la décarbonation des mobilités.
Le débat sur un projet de transport si important ne peut être mené dans l’antichambre des partis de droite. La consultation du public doit reprendre au plus vite, pour informer les habitants des différents départements concernés de la réalité du projet, débattre pour améliorer le projet de tracé de SNCF Réseau avant l’enquête publique et permettre à chacun de poser les conditions de son soutien.
Pour les écologistes, bien entendu, l’arrêt à Mantes des trains normands n’est pas négociable et la consommation des terres doit être pensée de manière à limiter au maximum les impacts fonciers du projet. En l’état, ajouter une voie ferrée entre des voies ferrées déjà existantes et une autoroute ne constitue pas une menace pour la souveraineté alimentaire.
L’enjeu de la concertation du public sur le tracé est d’échanger et de trouver des compromis, avec une boussole pour les écologistes : face au péril climatique, le ferroviaire est toujours une solution, pas un problème.
Nous demandons au gouvernement l’inscription des crédits nécessaires au CPIER Vallée de Seine en cours de négociation. En parallèle, Valérie Pécresse et Hervé Morin doivent intégrer la LNPN dans leurs schémas directeurs d’aménagement en cours de révision (SRADDET pour la Normandie et SDRIF-E pour l’Ile-de-France), afin d’anticiper l’impact du projet dans les calculs d’artificialisation des Espaces Naturels Agricoles et Forestiers (démarche ZAN).
Enfin, face aux impératifs d’adaptation de nos sociétés aux dérèglements climatiques, de sanctuarisation des terres agricoles nourricières, et afin de permettre à nos régions de se conformer aux objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), l’abandon de Grands Projets Inutiles doit enfin être acté (ligne 17 Nord, 18 Ouest et 19 du Grand Paris Express ainsi que les projets autoroutiers A133-A134-A154 et routiers RN13).
Je vous remercie.