Il y a 3 ans, en novembre 2022, le Président de la République annonçait vouloir développer un équivalent du RER francilien dans 10 métropoles françaises, comme alternative à la voiture.
En tant qu’écologistes, nous militions depuis des années pour l’abandon des projets obsolètes de contournements autoroutiers, qui renforceraient les fractures entre les métropoles et leurs périphéries, au profit de modes de déplacements plus vertueux pour relier les cœurs métropolitains et les territoires périphériques. Pour aller travailler, étudier, se soigner ou se divertir, nous savons depuis l’étude
Normandoscopie de 2016, que les Normands ont besoin de moyens de transport réguliers, avec une large amplitude, de la fréquence, des correspondances et des tarifs adaptés, pour pouvoir se passer d’une voiture. On sait qu’entre l’investissement et les charges, une voiture coûte en moyenne 5000€ par an. Or, les déplacements aux heures de pointe constituent moins d’un quart de tous nos déplacements, et pour
pouvoir se passer de la souplesse d’une voiture, il faut que l’offre de service alternative soit à la hauteur des besoins. Nous avons donc bien sûr salué l’annonce présidentielle volontariste de créer ces
systèmes de RER métropolitains, aujourd’hui baptisés Services Express Régionaux Métropolitains.
Ce que nous votons aujourd’hui est l’acte de candidature conjoint de la Région Normandie, de la Métropole Rouen Normandie, et de l’Agglomération Seine-Eure, auprès de l’Etat, afin d’obtenir la labellisation qui permettra d’engager le processus. Comme vous l’avez souligné, ce processus s’articulera en différentes phases, à l’horizon 2030 dans un premier temps – à infrastructures constantes -, puis en lien avec les travaux de la Ligne Nouvelle Paris Normandie, dont la nouvelle gare de Rouen Rive Gauche.
De quoi s’agit-il ? Il s’agit avec ce projet de SERM de renforcer l’offre de service de mobilités entre la
métropole de Rouen et les territoires voisins, par des liaisons cadencées à l’heure dans un premier temps, puis à la demi-heure, puis au quart d’heure, pour un montant global à terme de 1,6 Mrds€. Il s’agira concrètement, sur une étoile à 5 branches, de créer 67 points de dessertes, ferroviaires ou routières -par des cars express -, avec l’ambition que dans un rayon de 40 kilomètres autour de la métropole, chaque territoire se trouve à moins d’un quart d’heure à pied, en vélo ou en voiture d’un de ces 67 points de dessertes. Le 28 novembre dernier, tous les acteurs du projet étaient réunis à Rouen, avec le Préfet de Région, le délégué interministériel à la Vallée de la Seine, M. Castel, le nouveau directeur régional de la SNCF, les présidents de la métropole et des EPCI voisins, vous-même M. Gastinne, et la Société des Grands Projets qui pilote les études. La présentation qui vous a été jointe y a été faite, puis est arrivée l’épineuse question de la clé de répartition financière entre les différents acteurs. Si on a pu noter un
volontarisme, certes prudent, de la Région et des EPCI, la participation de l’Etat, à travers SNCF Réseau notamment, ainsi que celle des Départements, sont restées incertaines, pour ne pas dire défaillantes.
Quels sont donc les points de blocage ?
Il y a bien sûr les incertitudes financières des collectivités, dont les dotations par l’Etat baissent, et qui vont devoir trouver de nouvelles ressources financières pour financer ce nouveau projet. Le rapport de la Société des Grands Projets s’est basé sur les conclusions de la conférence Ambition France Transport, remises en juillet dernier au Ministre des Transports, M. Tabarot, pour ouvrir plusieurs pistes de financement, dont les deux suivantes – que nous soutenons depuis longtemps dans cet hémicycle et ailleurs :
- Il y a d’abord l’évolution du Versement Mobilité des entreprises – ce qui profitera largement à leurs salariés, et donc à la réduction des émissions de gaz à effet serre indirectes causées par leurs déplacements. On sait qu’une injustice existe en France, entre d’une part Paris et les départements
franciliens, qui peuvent percevoir jusqu’à 3,2% de Versement Mobilité, et les autres collectivités françaises qui sont elles plafonnées à 2% de la masse salariale (pour les entreprises de plus de 11 salariés). Mais si la Région commençait déjà par tout simplement mettre en place ce Versement Mobilité, ce serait une recette très importante pour financer ces projets ! - La deuxième source que nous relevons dans le Rapport est l’écocontribution poids-lourds, qui vise à taxer la pollution pour développer des infrastructures de transports plus propres. Une Région de droite comme l’Alsace l’a ainsi mise en place, pour limiter l’afflux des poids lourds qui contournaient la taxe poids-lourds allemande. A l’heure où le débat sur la décentralisation a été remis à l’agenda par le Premier Ministre, ces questions de recettes fiscales se posent avec d’autant plus d’acuité.
Ce sont des choix, qui profiteraient largement aux Normands, à condition bien sûr que cela se traduise aussi pour eux par des conditions tarifaires incitatives ! Mais ce sera l’objet de notre prochaine discussion sur l’ouverture à la concurrence. Les dernières inquiétudes, et non des moindres, touchent une certaine forme de désengagement d’acteurs indispensables à ces projets : les départements et l’Etat. Je veux d’abord citer mon département de l’Eure, dont on connait hélas le peu d’appétit pour le ferroviaire, avec un abandon de la liaison directe entre les deux préfectures voisines d’Evreux et Rouen en passant par Louviers – sans aucune volonté ni du maire d’Evreux, ni du Président du département, ni des vice-présidents eurois à la Région. Dans l’Eure, on préfère repasser les routes à 90 km/h, transformer les anciennes lignes ferroviaires en voies vertes, et assumer des millions d’euros de surcoût pour des projets routiers comme la déviation sud-ouest d’Evreux ! Toutefois, je peux concevoir que le département de l’Eure se sente un peu le parent pauvre du SERM, avec seulement 3 dessertes ferroviaires – contre 20 pour la Seine-Maritime. Le reste, ce seront des cars, pour aller à Bourg-Achard ou dans la vallée de l’Andelle. Autrement dit la 3 ème classe pour les ploucs…
La deuxième inquiétude concerne la part de l’Etat, dont on subit déjà les atermoiements concernant la LNPN – qui sera intrinsèquement liée au projet de SERM comme nous l’avons déjà dit – mais on dont découvre également le désengagement concernant la mise en conformité obligatoire des passages à niveaux, qui représentera près de 140M€ ! Or, c’est une rupture dans la définition des missions de SNCF Réseau qui sont pourtant, d’après leur présentation officielle, « d’entretenir, moderniser, développer et exploiter le réseau ferré » ! On le voit, le développement de l’offre de mobilité propre est un long chemin semé d’embûches. Mais il est de notre responsabilité de nous y engager avec beaucoup de détermination, au service des Normands des villes comme des campagnes, pour les relier, et donner à tous le droit à une mobilité propre et accessible (dans tous les sens du terme).
