Assemblée plénière
Lundi 17 octobre 2022
Intervention et amendements de Laetitia Sanchez relatifs au protocole d’accord du Contrat de plan Etat-Région 2021-2027
La lecture des 28 pages du protocole d’accord avec l’Etat pour la mise en œuvre du nouveau contrat de plan 2021-2027, que vous nous dévoilez enfin, après plus de deux ans de bras de fer selon vos termes, nous laisse pour le moins surpris, pour ne pas dire inquiets. On a envie de dire : tout ça pour ça ?
Je me souviens du grand discours de décembre 2020, à l’issue de la première présentation du rapport du GIEC normand aux élus réunis en Assemblée plénière à Caen, lorsque vous vous disiez prêt, Monsieur Morin, à renoncer à financer les projets routiers pour obtenir de l’argent de l’Etat pour l’université. Ce sont vos mots, vous vous en souvenez ?
Or, depuis deux ans, les sécheresses, les canicules, les mini-tornades nous ont frappés, en Normandie comme ailleurs, la guerre en Ukraine fait peser sur les ressources énergétiques le risque permanent de la pénurie, les factures explosent, pour les particuliers, les entreprises et les collectivités, la sobriété est de mise à tous les étages… et, que nous dévoile ce protocole ?
Cette décennie devrait être celle d’un changement complet de cap, d’une réorientation de nos investissements au bénéfice de nos concitoyens, des finances publiques et privées, du climat :
- en mettant le paquet sur les économies d’énergie – quand on sait que 20 milliards d’euros par an seraient nécessaires pour la rénovation thermique des bâtiments à l’échelle de la France – ;
- en apportant des solutions aux difficultés de mobilité qui soient plus pérennes qu’un chèque essence ponctuel ;
- en travaillant à réorienter le fret, de la route vers le ferroviaire et le fluvial.
Ce changement de cap réclame une mobilisation générale, du monde économique, des partenaires sociaux, du réseau des collectivités, de la société. Or, qu’en est-il ? Où est le dialogue ? Où sont les partenariats ? De quels appuis vous dotez-vous pour appuyer vos rapports de force, avec les ministères ou les puissantes régions voisines ?
Les infrastructures et la transition écologique sont dans les premières priorités affichées dans ce protocole, mais qu’en est-il lorsque l’on examine les chiffres ? Nous y voyons un saupoudrage qui ne donne pas de nouveau cap, et qui affiche au contraire des choix à rebours des enjeux climatiques.
Avez-vous pu obtenir de l’Etat les 100 millions que vous réclamiez pour l’Université ?
Pour ce qui concerne la rénovation thermique des bâtiments publics, les 150 millions du Plan de relance, pour 6 ans, sont bien loin des milliards qui seraient nécessaires pour un plan massif et durable d’économies d’énergies. Vous avez amplement cité les écologistes dans vos interventions ce matin, avis lorsque nos concitoyens ont froid, ont des difficultés à payer leurs factures d’énergie pour se loger ou se déplacer, ce n’est pas à cause de l’écologie ! Au contraire, c’est précisément l’absence d’écologie qui est ici punitive.
Pour ce qui est des énergies renouvelables, on est à peine à 100 millions, avec une prime à la méthanisation. Les projets d’éolien en mer commencent certes enfin à décoller. Mais c’est bien sûr le nucléaire qui concentrera tous les crédits de l’Etat hors CPER – quand on voit les milliards d’euros déjà engloutis en 15 ans à Flamanville sans qu’un seul MWh n’ait été produit à ce jour !
Pour la culture, ce sont 8 projets pour 6 ans, sur les milliers de lieux qui existent en Normandie.
Enfin, quand on voit les difficultés croissantes à se déplacer, à recruter des chauffeurs de poids lourds, quand on sait que le transport reste la première source d’émission de gaz à effet de serre, et la seule qui ne diminue pas, que nous promettez-vous ? Plus de trains du quotidien ? Plus de fret ferroviaire et fluvial ? Vous allez me dire qu’il faut attendre le rapport du Conseil d’Orientation des Infrastructures qui vous permettra de rédiger un avenant au contrat en fin d’année. Mais vos orientations à vous sont assez claires, et les priorités du volet 2 sont affichées sans ambiguité, avec des crédits plus de 8 fois supérieurs pour le routier que pour le ferroviaire, et la volonté soulignée de poursuivre les opérations inscrites au précédent CPER, sans aucune réorientation qui tiendrait compte des nouvelles réalités climatiques, économiques et sociales, auxquelles s’ajoutent l’objectif du zéro artificialisation nette. Vous invoquez sans cesse, Monsieur le Président, le résultat des urnes de 2021 pour ne rien changer. Nous sommes pourtant dans un contexte inédit, et rien ne redeviendra comme avant. C’est maintenant qu’il faut agir, et c’est votre responsabilité dans cette décennie de mandat qui vous mènera jusqu’en 2028 ! Concernant la liaison Rouen-Evreux, que vous prétendez, de façon répétée, faire, contrairement aux exécutifs précédents, s’il vous plaît ne réécrivez pas l’histoire ! Ce projet était très concrètement à l’ordre du jour du mandat du Président de Haute-Normandie Alain Le Vern en 2010 – j’ai même eu l’occasion de participer à ces échanges – lorsque le débat LNPN en 2011 est venu inclure ce projet dans le périmètre de la Ligne Nouvelle Paris Normandie.
Avec 12 projets routiers contre 10 projets ferroviaires, vos orientations sont en réalité très claires. La France a déjà le réseau routier le plus dense d’Europe, avec un million de kilomètres de voies, mais il vous en faut toujours plus ! Avec la fin programmée des véhicules thermiques, nous savons pourtant qu’il sera impossible de substituer un parc électrique identique au parc thermique existant. Pour de multiples raisons techniques, c’est un leurre de penser que nous pourrons continuer comme avant. Les illusions technologiques, comme les recherches sur la captation de CO2 que vous prônez, nous empêchent de prendre de façon responsable le cap de la transition. Trois amendements vous seront présentés en ce sens, qui conditionneront notre vote.
AP 22-FIN-06-10-2
RÉGION NORMANDIE
Conseil Régional
Réunion du 17 octobre 2022
Amendement déposé par Laetitia Sanchez et Rudy L’Orphelin
À la fin de la délibération, ajouter les mots suivants :
« De mandater le Président pour négocier avec l’État des modifications au protocole d’accord afin d’inscrire la transition écologique et énergétique comme la priorité n°1 que l’État et la Région soutiendront pour la période 2021-2027 et d’y inscrire des engagements en matière d’accompagnement social, »
Exposé sommaire :
La crise énergétique nous rappelle la nécessité de sortir des énergies fossiles, par le développement des énergies renouvelables, de la sobriété et de l’efficacité énergétiques. Le volet consacré à la transition écologique et énergétique est pourtant très faiblement doté. De plus, les conséquences sociales et économiques de la crise de l’énergie mettent en évidence le besoin d’accompagnement des ménages dans la transition. Ceux qui n’ont pas les moyens de s’y adapter étant aussi les plus durement touchés par l’augmentation des coûts de l’énergie. Cet enjeu est pourtant totalement absent du volet 3 du protocole d’accord.
Cet amendement vise donc à mandater le Président pour renégocier le protocole d’accord avec l’État afin de faire de la transition écologique et énergétique la priorité n°1 du CPER et d’inscrire dans celui-ci des engagements en matière d’accompagnement social à la transition écologique et énergétique.
AP 22-FIN-06-10-2
RÉGION NORMANDIE
Conseil Régional
Réunion du 17 octobre 2022
Amendement déposé par Laetitia Sanchez et Rudy L’Orphelin
À la fin de la délibération, ajouter les mots suivants :
« De mandater le Président pour négocier avec l’État des modifications au protocole d’accord pour supprimer les crédits destinés au développement du réseau routier et les réorienter vers les actions en faveur de la transition écologique et énergétique, »
Exposé sommaire :
Cet amendement vise à mandater le Président pour renégocier le protocole d’accord avec l’État. Les discussions devront alors porter sur une réaffectation des crédits destinés à développer le transport routier pour les rediriger vers le volet consacré à la transition écologique et énergétique. Ce volet est largement sous-doté alors que les investissements à effectuer sont considérables.
Outre leur impact climatique désastreux et l’artificialisation des terres qu’ils induisent, la multiplication de ces projets inutiles et coûteux compromet également la capacité d’investissement de la Région dans les mobilités douces et les transports en commun. Il est plus que temps que la Région dépasse l’ère du tout-routier, à contre sens des nécessités actuelles du territoire – il suffit de s’intéresser au prix de l’essence et à l’état du réseau ferroviaire pour en avoir un aperçu – et des enjeux d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.
Les crédits liés à la transition écologique et énergétique dans ce protocole d’accord sont en revanche très insuffisants. La rénovation des bâtiments doit devenir massive et les 10 M€ prévus dans le plan initial sont dérisoires par rapport aux besoins. Le développement des énergies renouvelables doit lui aussi être accéléré et apparaît comme une évidence en pleine crise énergétique, alors que nous risquons de connaître des coupures sur le réseau électrique cet hiver. Enfin, engager seulement 15 M€ sur 6 ans pour l’adaptation au changement climatique paraît déconnecté de la réalité et des impacts du changement climatique. Les travaux du GIEC Normand mettent pourtant en évidence l’étendue des besoins relatifs à l’adaptation, alors que le GIEC a clairement démontré que l’ampleur des impacts du changement climatique est telle que des investissements massifs dans l’adaptation doivent être engagés dès aujourd’hui dans toutes les régions du monde (Voir IPCC Sixth Assessment Report: « Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability »).
AP 22-ADT-06-10-2
RÉGION NORMANDIE
Conseil Régional
Réunion du 17 octobre 2022
Amendement n°3 déposé par Laetitia Sanchez et Rudy L’Orphelin
À la fin de la délibération, ajouter les mots suivants :
« De mandater le Président pour négocier avec l’État des modifications au protocole d’accord afin d’augmenter significativement les crédits destinés au transport ferroviaire pour la période 2023-2027, dont le réseau nécessite des investissements massifs qui doivent permettre une meilleure connexion entre les métropoles normandes, la réouverture de petites lignes et l’amélioration de celles existantes, l’amélioration des dessertes inter-régionales (en particulier vers Amiens, Le Mans et Rennes), l’accélération de l’électrification des lignes, une meilleure intermodalité et le développement du fret, »
Exposé sommaire :
Cet amendement vise à mandater le Président pour obtenir une hausse significative des investissements dans le réseau ferroviaire lors de sa négociation du protocole d’accord 2023-2027 avec l’État.
Malgré les promesses de la Région et du gouvernement, le sous-investissement dans le ferroviaire ne semble pas prendre fin. Au cours des dernières années, il a été masqué grâce aux achats des rames OMNEO par la Région mais a perduré. Les difficultés rencontrées par les usagers au quotidien et la nécessaire transition écologique et énergétique doivent nous inciter à enfin procéder aux investissements nécessaires au risque de voir le réseau se dégrader encore davantage et alors même que la Région prévoit d’investir massivement dans le réseau routier, pour lequel elle ne dispose d’aucune compétence particulière.