Assemblée plénière
Lundi 18 décembre 2023
Discours de politique générale de Laetitia Sanchez
À quelques jours des fêtes de fin d’année, nous aimerions trouver quelques raisons d’espérer, et un peu de lumière au bout du sombre tunnel que nous traversons.
De la paix entre les peuples, et un monde qui reste vivable pour nos enfants.
Dire que 2023 est l’année la plus chaude jamais enregistrée, avec des températures atteignant 30°C en Espagne à quelques jours de Noël, ou dépassant les 50°C dans l’hémisphère sud – quand nos corps humains ont de la fièvre à 40°C -, avec des épisodes météorologiques imprévisibles et incontrôlables, comme les inondations du Nord de la France, de la Gironde, ou plus près de nous à Montivilliers il y a quelques jours : dire cela, comme vous aimez à le répéter séance après séance, ce serait tenir un discours catastrophiste !
Les scientifiques ont aujourd’hui à leur disposition de puissants outils pour faire ces mesures et calculer les modèles d’évolution de notre climat.
Et votre relativisme est une des faces modernes du climatoscepticisme, qui ne veut surtout rien changer.
Les extrémistes du monde entier se liguent aujourd’hui contre la science et, pour des promesses de court terme, conduisent leur population et le reste du monde au chaos climatique.
Les plus extrêmes proclament ouvertement leur rejet de l’Accord de Paris, pour ouvrir les vannes des émissions de gaz à effet de serre – sans bien sûr vouloir accueillir les réfugiés climatiques qui vont se multiplier à mesure que la montée du niveau des mers, la salinisation des terres, la désertification, rendront inhabitables des régions entières du globe. Ce n’est pas l’écologie qui est punitive, c’est au contraire l’absence d’écologie qui mène au chaos !
Nous avons la responsabilité de changer maintenant, sans attendre d’être dans le mur pour sortir de notre torpeur. Tout ce qui peut être fait maintenant doit l’être, et les calendriers à 2035 ou 2045 ne sont pas raisonnables.
La COP 28, sans fixer aucune date pour la sortie des énergies fossiles, ne change rien.
Et ce ne sont pas seulement les grands pays producteurs de pétrole ou de gaz qui soutiennent leurs principales sources de revenus. De grandes banques françaises et européennes continuent elles aussi à financer les énergies fossiles, à l’exemple des 400 puits de pétrole de Total en Ouganda. La France elle-même est prête à autoriser de nouveaux forages dans les forêts de Gironde ; et le Brésil de Lula, qui d’un côté prétend stopper la déforestation, investit de l’autre des milliards pour explorer de nouveaux gisements de pétrole dans l’estuaire du fleuve Amazone.
Et pour ne rien changer, d’autres, sous couvert d’un discours progressiste, soutiennent un techno-solutionnisme illusoire.
Non, il n’est pas envisageable de capter tout le CO2 de nos émissions. Les millions d’euros investis dans une technologie comme Cryocap d’Air Liquide à Port-Jérôme, n’aboutissent qu’à des résultats marginaux par rapport à nos émissions globales, et sont en réalité une couverture pour continuer à produire des gaz à effet de serre, dans une stratégie d’obstruction au changement.
Non, nous ne pourrons pas remplacer chaque voiture thermique par une voiture électrique, au vu de la quantité de métaux rares nécessaires à la confection des batteries. C’est l’amélioration des transports collectifs, un urbanisme moins étalé, la promotion des mobilités actives, vélo et marche, la taxation du kérosène, qui assureront des mobilités durables et moins polluantes.
Hormis l’amélioration et la sécurisation des routes existantes – à l’instar des investissements sur les accès du Pont Flaubert à Rouen -, il faut également réorienter les investissements du routier vers le ferroviaire. Avec les 245 M€ de l’Etat, la Région doit réorienter les 200M€ qui étaient fléchés sur les autoroutes A133-A134 à l’Est de Rouen au profit d’un renforcement du ferroviaire :
- la réouverture sans attendre de toutes les dessertes supprimées en 2019 ;
- un meilleur cadencement et une plus grande amplitude sur les lignes existantes ;
- la mise en place sans attendre des SERM sur les réseaux existants ;
- la régénération des petites lignes pour désenclaver les territoires ruraux, comme la vallée de l’Andelle dans l’Eure ;
- et un travail sur une tarification plus attractive, sur le modèle du pass rail proposé par le Ministre des Transports.
J’ai posé cette question de la réorientation de votre politique d’Autorité Organisatrice des Transports à M. Gastinne en commission la semaine dernière, il m’a répondu avec un habituel « en même temps » qui maintient la situation actuelle.
Non enfin, le nucléaire n’est pas une solution à la nécessité de réduire maintenant nos émissions de GES, puisque les nouveaux EPR n’entreraient pas en fonction avant 2045 selon les dernières prévisions ! Et s’ils suivent le chemin de l’EPR de Flamanville, on pourra continuer à les attendre comme l’Arlésienne ou Godot… Sans parler de la nouvelle chimère des petits réacteurs modulaires, les SMR, sur lesquels vous vous êtes jetés avec votre meilleur ami du nucléaire Sébastien Jumel !
Seule la sobriété énergétique, avec la rénovation des bâtiments, la rationalisation de nos déplacements et l’accompagnement des entreprises dans la réduction de leur empreinte environnementale, couplée avec un soutien franc aux énergies renouvelables, permettront de tenir collectivement nos objectifs.
Or, en misant prioritairement sur le nucléaire, avec toutes ses incertitudes et son gouffre financier, la Région continue à creuser son retard sur le développement de la rénovation énergétique des logements, avec un objectif de 5000 logements en 2024 sur 1.845.000 logements en Normandie ; et sur celui des énergies renouvelables, avec 21 projets soutenus en 2023, contre 139 en 2019 ou 165 en 2020.
Nous notons certes votre effort pour peindre votre budget en vert, avec la nouveauté de vos jolis encadrés verts ! A défaut de construire un budget réellement vert qui analyserait nos politiques publiques à l’aune de leurs impacts environnementaux et sociaux, ce qui permettrait de calculer la somme finale de la transition énergétique, avec ses pertes et ses gains, et de réorienter la fiscalité et les investissements en conséquence.
Nous avons suivi l’ouverture de la COP normande vendredi dernier à Caen en présence de deux ministres – sans y avoir pourtant été conviés : quels engagements en ressortent ? Une énième opération de communication, des ateliers, comme pour le SRADDET : pour quels résultats concrets en matière de réduction des émissions de GES en Normandie ?
Agiter les bras contre le développement maintenant des énergies renouvelables, pour vous faire les chantres du nucléaire nouveau à horizon 2050, ou des mirages de l’hydrogène et de la captation carbone, ne vaut guère mieux que les croisades don quichottesques de vos homologues présidents de Régions contre le ZAN ou les éoliennes. Partageons plutôt les solutions écologiques, comme possibilité d’habiter le monde avec douceur, en paix avec la nature et tous nos colocaterres.