Assemblée plénière – Lundi 18 décembre 2023 – Intervention de Guillaume Hédouin relative au Plan Régional Santé-Environnement 2023 – 2028

Assemblée plénière

Lundi 18 décembre 2023

Intervention de Guillaume Hédouin relative au Plan Régional Santé-Environnement 2023 – 2028

M. le président, cher.e.s collègues,

Nous nous penchons aujourd’hui sur la 4ème déclinaison régionale du Plan National Santé Environnement.

J’aurais souhaité ne pas avoir à rappeler que la santé humaine et son environnement sont étroitement liés, vu le nombre d’études et d’exemples qui montrent que la dégradation de la nature entraîne inexorablement des atteintes à la santé humaine.

Ce rappel est néanmoins nécessaire devant l’arsenal déployé par celles et ceux qui souhaitent prolonger le statu quo sur le dos de la santé de nos concitoyens et nos concitoyennes. Certaines firmes agro-chimiques continuent par exemple de calculer des coûts-bénéfices et ne lésinent pas sur le recours aux lobbyistes et aux campagnes de communication pour prolonger la durée d’exploitation de substances nocives, avec un cynisme probablement égal à leur chiffre d’affaire. Quand on mesure que le PRSE n’est doté que de 1,5M€, on constate que la bataille est inégale.

Le bilan est pourtant effarant. Effrayant même. Après toutes ces années à scruter notre environnement, le saisissement est toujours le même. Pourquoi ne faisons-nous rien, ou presque rien ?

Comment accepter que près d’une normande ou d’un normand sur 6 se retrouve à consommer une eau non conforme concernant les pesticides ? La moitié d’entre eux de manière ponctuelle, l’autre moitié de manière récurrente. Nous ne pouvons l’accepter.

Comment accepter aussi qu’un normand ou une normande sur 6 vive dans une situation de précarité énergétique ? Et que même un quart des ornais et ornaises sont dans ce cas. La précarité énergétique conduit à moins chauffer son logement, mais aussi à économiser sur l’ensemble des postes du foyer. C’est l’ensemble de la vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens qui se dégradent quand quand la précarité énergétique les saisit.

Et nous devons hélas y ajouter la précarité énergétique liée à la mobilité, qui touche tout autant les normands et les normandes. Pour 16 % d’entre eux, se déplacer en voiture entraîne des coûts qui se répercutent sur leur qualité de vie.

Nous n’acceptons pas que les normandes et les normands puissent avoir à choisir entre se chauffer, se déplacer ou manger, faute d’alternatives soutenues.

Comment accepter que les normandes et les normands meurent plus que sur le reste du territoire hexagonal : surmortalité liées aux cancers, aux maladies de l’appareil circulatoire et aux suicides ? Cette surmortalité atteint 18 % chez les hommes et 10 % chez les femmes. Pour ce qui concerne les seuls cancers, ce sont 531 personnes de plus qui perdent la vie chaque année en Normandie par rapport à la moyenne de la France métropolitaine. Les maladies cardio-vasculaires et respiratoires sont plus fréquentes dans notre région. Entre 7 % et 14 % supplémentaires sur ces maladies qui peuvent être directement liées à des facteurs environnementaux : particules fines, oxydes d’azote, ozone, pesticides, etc.

Nous n’acceptions pas non plus que la dégradation de notre environnement par les effets de la circulations ou de la pulvérisation dans l’air de composés chimiques continuent d’avoir un effet sur nos concitoyens et nos concitoyennes.

Je pourrais aussi citer les dégradations de la qualité de la santé reproductive masculine, en indiquant que les ex hauts normands sont la 3eme pire région française, les ex bas normands n’étant pas beaucoup mieux, mais certain pourraient considérer qu’il s’agit encore d’une attaque des écologistes contre la virilité masculine, je m’abstiendrai donc de tout commentaire.

Comment accepter que 30 % seulement des eaux souterraines sont en bonne état chimique, la majorité de nos masses d’eau étant de qualité médiocre. Cette dégradation est principalement due aux polluants d’origine agricole, dont les nitrates et les pesticides. Plus de la moitié des masses d’eau de surface risquent de ne pas atteindre un bon état écologique en 2027, dont 22 % pour cause de présence de phytosanitaires diffus.

Seulement 15 % des eaux littorales présentent un bon état chimique, la majorité des 85 % restant étant en mauvais état par la présence des PCB stockés dans les sédiments et de molécules industrielles et phytosanitaires.

Nous n’acceptons pas cette dégradation de la qualité des eaux normandes. Venons-en donc maintenant au Plan Régional Santé Environnement, 4ème du nom, qui nous est proposé pour faire face à ces périls sur notre santé. Nous espérons que celui-ci sera mieux doté que son prédécesseur qui n’avait disposé que d’1,5 millions d’euros entre 2018 et 2021.

Nous constatons déjà l’échec du plan Ecophyto avec une augmentation du tonnage de pesticides utilisés en Normandie depuis 2019, avec près de 4500T en 2021. Hélas, aucune action réellement volontariste ne semble être mise en place et la part de la Bio reste extrêmement faible ; 6 % de la surface agricole seulement. C’est pourtant une transition accélérée vers ce modèle qui permet de résoudre les problèmes de pesticides et de pollution par les nitrates que nous avons pu déjà énumérés. Quand allons-nous enfin accepter dans cette assemblée que la Bio est une des solutions aux problèmes des pollutions ? Quand respecterons nous les engagements de la loi Egalim dans nos restaurations collectives ?

Quand dénoncerons-nous le HVE pour ce qu’il est : un concurrent de la Bio créé de toutes pièces, mais qui n’en présente ni les garanties, ni les exigences. L’UFC Que Choisir parle ainsi de label « agriculture intensive-compatible ».

Quels que soient les axes retenus, le PRSE4 semble mettre en avant la sensibilisation, l’amélioration des connaissances et le renforcement des « capacités à agir » des territoires ou du grand-public. Comment ne pas y lire un terrible aveu de l’incapacité de notre Etat de réguler et de s’opposer aux lobbies qui détruisent notre santé ?

Devant l’ampleur de la tache, nous aurions souhaité que les différents opérateurs qui devront mettre en œuvre le PRSE4 puissent compter sur des moyens pour faire appliquer la réglementation. Le positionnement du PRSE4 aux croisements de plusieurs politiques est une intention louable, mais comment ne pas craindre que celui-ci soit vidé de sa substance si, par exemple , le plan Ecophyto II+ connaît le même insuccès que son prédécesseur ?

Tout comme le CESER, nous regrettons l’absence de lien avec le PRAPS (Programme régional d’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies) alors que les inégalités sociales, environnementales et territoriales sont mise en avant dans le PRSE4.

Nous rejoignons aussi le CESER qui pense « que l’on pourrait demander plus d’efforts au monde agricole sur les intrants (eau, alimentation …) et les extrants (qualité de l’air…). Préciser que l’on ne doit pas traiter quand le vent expose des lieux d’habitation paraît très insuffisant tant cette précaution tombe sous le sens ».

Il nous est aujourd’hui douloureux de voir que le PRSE4 ne semble pas pleinement répondre aux enjeux primordiaux de la santé environnementale et qu’il ne fait qu’édicter des principes de concertation, de sensibilisation et de « pouvoir d’agir » qui restent théoriques et qui ne seront pas contraignants.

Nous ne pouvons néanmoins nous passer du seul plan régional dont nous disposons sur la santé environnementale et, aussi peu ambitieux soit-il, nous voterons pour ce plan, en mettant tous nos espoirs dans un renforcement des moyens qui seront dédiés à la santé environnementale.