Assemblée plénière – Lundi 18 décembre 2023 – Intervention de Marianne Rozet et amendement de Rudy L’Orphelin relatifs au Plan Gares Normand

Assemblée plénière

Lundi 18 décembre 2023

Intervention de Marianne Rozet et amendement de Rudy L’Orphelin relatifs au Plan Gares Normand

Monsieur le Président, cher.e.s collègues,

Ce plan gares dans le texte est pavé de bonnes intentions mais quand on creuse un peu, on se rend compte que c’est de la poudre aux yeux !

On nous vante je cite : « une politique volontariste » MAIS dotée d’un « budget maîtrisé ». C’est là le Hic ! Vous mettez le paquet pour moderniser les trains, très bien mais vous vous arrêtez au milieu du gué puisque les moyens ne suivent pas pour redévelopper le réseau de lignes ferroviaires et garantir aux usager.e.s un minimum de services qu’ils sont en droit d’attendre dans les gares.

Par exemple, un tableau décrit les services essentiels « garantis » dans toutes les gares qui sont :

  • Le minimum de dispositifs d’informations nécessaire, à savoir la présence de totem gare, signalétique, affichage statique, et horloge,
  • Et pour un minimum de confort : la présence de poubelles, éclairages, bancs et abris.

Nous avons là en tout et pour tout les seuls services que vous vous engagez à fournir aux usagers d’une gare quelque soit sa catégorie, on peut dire que vous ne vous mouillez pas trop ! Vous non mais les usager.e.s des gares Normandes ne peuvent pas en dire autant tant il est parfois compliqué de trouver un lieu abrité de la pluie pour attendre son train : les bâtiments voyageurs n’étant pas forcément ouverts et les abris sur les quais parfois insuffisants voire même absents. On m’a même rapporté que certains abris étaient démontés et pas forcément remontés pour des raisons de maintenance.

À la lecture de ce même tableau, on peut noter que les sanitaires ne sont pas considérés comme des services essentiels puisqu’ils ne sont rendus obligatoires que dans les gares de catégorie 1 et soumis à la volonté des collectivités pour les gares de catégories 2. Quant aux usager.e.s des gares de catégories 3 et 4 qui représentent quand même 70 % des gares normandes, ils peuvent se passer de sanitaires.

Même la vente des titres de transport n’est pas garantie dans les gares puisque pour les gares de catégorie 3 et 4, il est indiqué que l’offre de ce service est « fonction des possibilités » comme c’est le cas pour un certain nombre d’autres services par ailleurs.

Pire, il y a des services pour lesquels il est écrit noir sur blanc que cela est « fonction de l’implication des collectivités territoriales ». C’est ainsi que vous comptez vous appuyer ici sur une mairie pour assurer l’ouverture d’un bâtiment voyageur, là pour l’entretien des sanitaires, ailleurs vous comptez sur un commerce proche de la gare ou sur de potentiels nouveaux opérateurs issus de l’ouverture à la concurrence pour assurer la vente des billets et j’en passe…

Pour ce qui concerne la présence de personnel dans les gares, je vous cite : « à l’heure où la digitalisation de notre société impose des évolutions profondes notamment sur la vente de titres et l’information voyageurs, la Région est sensible à maintenir l’accès à des services humanisés pour préserver l’accès de certaines populations. Cette nécessité est régulièrement évoquée par le défenseur des droits. » Dont acte !

Mais quand nous allons voir ce qui est réellement prévu à ce sujet, pour les gares de catégories 1 et 2 vous comptez sur l’ouverture à la concurrence pour combler les manques constatés aujourd’hui, éventuellement aussi sur l’aide des collectivités locales. Collectivités locales sur lesquelles vous comptez également pour assurer l’ouverture/fermeture des bâtiments voyageurs pour les gares de catégorie 3 et 4.

Globalement, à la lecture de ce plan, on peut constater que les gares de catégories 4, les moins bien dotées en services sont des gares de seconde zone, réservées aux zones rurales !

Puisque nous parlons des zones rurales, j’en profite pour vous dire mon étonnement quand je vois que la gare de Coutances considérée comme une gare régionale sur la carte des dessertes régionales de Normandie en 2015 devient à travers votre plan une gare de catégorie 4 ! On croit rêver, ou cauchemarder plutôt !

Quand on prend un peu de hauteur pour regarder le réseau des lignes et des gares, il apparaît qu’une fois de plus ce sont les zones rurales qui sont lourdement pénalisées ! En effet, les gares les mieux équipées et la plus grande densité de réseau et de gares se concentrent essentiellement autour des grands pôles urbains en particulier Caen, Rouen et le Havre avec les projets des Services Express Régionaux Métropolitains (SERM). Mais sorti de ces grands pôles urbains, le maillage du territoire laisse à désirer. J’y vois là une grande source d’inégalité entre les territoires. Plus de lignes, plus de gares et plus de services pour les villes et des miettes pour les zones rurales dont les habitant.e.s restent malgré eux prisonniers de la voiture qui demeure aujourd’hui le mode de transport principal dans nos campagnes.

Pour finir sur une note plus optimiste, en travaillant sur cette délibération, j’ai été stupéfaite de voir à quel point les anciens avaient développé le réseau ferroviaire. J’ai même trouvé un article qui évoquait le réseau normand en 1914 avec des trains qui desservaient même des hameaux. J’ai pu me rendre compte également que la Manche par exemple a compté jusqu’à près d’une centaine de gares sur son territoire, chiffre que j’ai rapidement comparé aux 101 gares et haltes pour toute la Normandie aujourd’hui.

Je ne suis pas en train de vous dire qu’il faudrait en revenir à la situation du début du XXième siècle mais n’y aurait-il pas moyen par exemple en rêvant très fort :

Non seulement de rouvrir les gares et les haltes fermées par vos soins en 2019, tel que nous le portons dans l’amendement que va vous présenter mon collègue Rudy L’Orphelin mais d’aller plus loin en rouvrant d’autres gares fermées depuis plus longtemps encore. Par exemple la gare de Chef-du-Pont qu’il serait assez simple de remettre en service ou même mieux :

À l’image des SERM pour les grands pôles urbains, ne pourrait-on pas imaginer de mettre en place un omnibus entre Cherbourg et Lison par exemple pour rendre le train réellement accessible à l’ensemble de la population normande.

Pour aller plus loin encore, au-delà de la réouverture de lignes comme la mythique Caen-Flers, pourquoi ne pas étudier la possibilité de nous appuyer sur le réseau historique pour utiliser l’emprise de certaines lignes anciennes afin d’y implanter un service plus léger que le train comme un taxi-train ou bien un Tram Train.

Vous qualifierez sûrement ces propositions d’utopiques, mais au fond, quand on y réfléchit, face au défi climatique que nous avons à relever l’utopie c’est plutôt de croire qu’on peut se passer d’un changement radical de nos modes de déplacement et plus largement de nos mode de vie.

C’est parce que ce plan gares manque cruellement d’ambition et n’offre pas la perspective d’un vrai changement que nous voterons contre cette délibération. Sauf si notre amendement reçoit un vote favorable bien sûr !

Je vous remercie.

AP 23-TRA-06-12-2

RÉGION NORMANDIE 

Conseil Régional 

Réunion du 18 décembre 2023 

Groupe Normandie écologie

Amendement n°1 déposé par Rudy L’Orphelin, Laetitia Sanchez, Marianne Rozet, Geneviève Augé, Véronique Bérégovoy, David Fontaine, Pierre-Emmanuel Hautot, Guillaume Hédouin, Laëtitia Malherbe, Bénédicte Martin et Bastien Recher :

I. – Dans la partie « Considérant », ajouter les paragraphes suivants 

« La volonté de la Région Normandie de mettre fin aux fermetures de gares et de haltes et d’inverser la tendance actuelle de réduction du maillage territorial du réseau ferroviaire,

Que pour certaines gares et haltes situées sur ou à proximité immédiate de voies existantes et exploitées, les perspectives de création ou de réouverture sont suffisamment proches pour les inscrire dès maintenant dans le Plan Gares Normand,

Que les gares et haltes dont l’ouverture ne pourra intervenir qu’après la création de voies nouvelles, comme sur les lignes Rouen-Évreux ou autour des étoiles ferroviaires de Rouen (Flaubert, Petit-Quevilly, Grand Quevilly, Petit Couronne, Grand Couronne, Elbeuf Centre, Elbeuf Ville et Cléon) et de Caen (en particulier sur la ligne Caen-Flers) ont vocation à être intégrées au Plan Gares au fur et à mesure de la concrétisation des projets,

L’importance de garantir un service de qualité et accessible pour tous les usagers, afin de rendre le train attractif et de réduire la dépendance des Normands à la voiture individuelle,

Que la Région Normandie souhaite pour cela mettre fin aux fermetures de guichets et aux suppressions de personnels dans les gares et dans les trains, »

II. – Modifier ainsi le « Plan Gares Normand » annexé à la délibération

Inscrire les gares suivantes à la carte p.14 intitulée « Typologie des gares normandes » : Bolbec-Nointot, Carantilly-Marigny, Carpiquet, Fresné-la-Mère, Darnétal, Fond-du-val, Foucart-Alvimare, Glos-Montfort, Le Merlerault, Mondeville, Pont-Hébert, Rouen-Martainville, Saint-Martin-du-Vivier, Saint-Pierre-du-Vauvray, Saint-Sever-Calvados, Zénith de Caen. 

Sanctuariser les guichets existants et programmer la réouverture des guichets fermés au cours des dernières années, notamment les guichets des gares de : Auffay, Avranches, Briouze, Coutances, Elbeuf, Fécamp, Gaillon, Mézidon-Canon, Pontorson, Serqueux, Val-de-Reuil, Villedieu-les-Poêles et Vire. Modifier la classification proposée en conséquence.

Exposé sommaire :

Cet amendement vise à intégrer les gares et les haltes récemment fermées et celles dont la création est réalisable rapidement au Plan Gares Normand, dans une perspective d’amélioration du maillage ferroviaire du territoire.

Nous proposons que les gares et haltes fermées récemment et celles dont la création peut être envisagée d’ici une décennie figurent dès maintenant dans le Plan. Concernant les gares dont la création ou la réouverture nécessite de construire de nouvelles sections, elles pourront y être intégrées progressivement, en fonction de l’état d’avancement des projets. 

Cet objectif de réouverture de gares a vocation à s’inscrire dans une politique de développement de l’offre de transport ferroviaire sur tout le territoire régional, sur les lignes de desserte fine dans les zones rurales comme autour des métropoles, en anticipant en particulier la réalisation de projets de services express régionaux métropolitains (SERM).