Assemblée plénière – lundi 19 juillet 2021 – Discours de politique générale de Laetitia Sanchez

Monsieur le Président, mesdames et messieurs les conseillers,

Tout d’abord, permettez-moi de vous féliciter pour votre élection, puisque vous ne nous en avez pas offert la possibilité lors de notre dernière séance d’installation.

Ce deuxième mandat pour vous, à l’échelle de la Normandie, avec les compétences qui sont celles de la Région définies par la loi NOTRe de 2015, doit être pour nous tous, collectivement, celui de la responsabilité.

De la responsabilité face aux crises ; de la responsabilité face au changement climatique ; de la responsabilité vis-à-vis des générations nées en ce 21ème siècle.

Notre responsabilité immédiate, c’est la gestion de la crise sanitaire et économique, qui nous a durement touchés et qui court encore, avec la quatrième vague qui s’installe. Depuis de longs mois, nous avons montré, collectivement, notre capacité à nous adapter, à résister, à nous transformer. Nos concitoyens, les entreprises, tout le tissu culturel, sportif, associatif, ont été soumis à rude épreuve. Des solidarités se sont mises en place, pour tenir, et rester debout face à la tempête.

Cette capacité d’adaptation doit aujourd’hui se doubler d’une capacité d’anticipation.

Pour ne plus avoir à seulement subir et nous adapter, notre responsabilité collective, c’est aujourd’hui notre capacité à anticiper les crises.

En matière de santé, d’environnement ou d’économie, nous les écologistes avons un principe constant : prévenir vaut toujours mieux que guérir ! Ajouter des pansements pour colmater les brèches, c’est un tonneau des danaïdes, qui se vide à mesure qu’on le remplit.

Notre responsabilité, c’est aujourd’hui de nous projeter à l’horizon 2030. Cela tombe bien, puisque ce mandat doit nous mener jusqu’en 2028 !

Nous ne pouvons nous contenter d’accompagner un modèle à bout de souffle : notre rôle c’est d’agir pour sa transformation.

C’est en ce sens que nous avons une responsabilité.

Cheffe de file pour le climat selon la loi NOTRe, la Région doit prendre sa part avec volontarisme dans la réduction de nos émissions carbone, dans la lutte et l’adaptation face au changement climatique.

Si votre majorité au Sénat a rejeté l’inscription du climat dans la constitution française, soyez au rendez-vous à l’échelle de la Région !

Toutes nos politiques doivent être mises en cohérence autour de cet objectif, que le dernier rapport du GIEC explicite clairement comme un objectif de survie de l’humanité sur une planète vivable. Ces mises en garde du GIEC sont à prendre au pied de la lettre, pour agir, à tous les niveaux. Les épisodes météorologiques extrêmes des dernières semaines nous le rappellent cruellement, des dômes de chaleur du Canada, d’Espagne ou même du Groenland d’un côté, aux inondations meurtrières d’Allemagne et de Belgique il y a quelques jours. Dès 1990, le GIEC indiquait que l’effet de serre accentuera les deux extrêmes du cycle hydrologique, les pluies d’un côté et les sécheresses de l’autre.

Dans un encart de 4 lignes de votre rapport d’activités 2020, vous soulignez les périls qui menacent les Normands, avec la hausse des températures, l’élévation du niveau de la mer, la baisse du débit des cours d’eau et des nappes phréatiques, la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes, les canicules bien sûr, mais aussi les tempêtes et les crues, appelant (je vous cite) « à la mise en œuvre rapide et ambitieuse d’actions d’adaptation et d’atténuation ».

Pourtant, loin de cette prise en compte transversale des enjeux climatiques, que note-t-on par ailleurs ? Dans tous les rapports, dans tous vos chapitres budgétaires, c’est le règne du « en même temps » et la non-critérisation des politiques économiques, de transport ou énergétique menées et soutenues par la Région.

Dans un pur parallélisme des formes, quand le climat ne représente que 4 lignes de votre rapport d’activités, à l’inverse, votre rapport de développement durable ne mentionne à aucun endroit l’agriculture et ses 19% d’émissions de GES ou les activités économiques.

Gouverner, c’est choisir, mais vous voulez « en même temps » des trains, des vélos ET plus de routes, d’autoroutes et d’aéroports.

En matière d’énergie, vous misez sur un soutien aux énergies fossiles à travers l’hydrogène gris, et une hypothétique technologie de captation de carbone. Où avez-vous vu fonctionner cette technologie ? Et quel serait le coût énergétique de la cryogénisation ?

Pour ne rien changer à notre modèle, vous mettez en avant des technologies, qui pour l’heure n’existent pas. Capter le carbone, ensemenser les nuages pour fabriquer de la pluie, voilà des croyances rassurantes, pour surtout ne rien changer !

Pourtant les puits de carbone existent : la nature nous les offre. Ce sont les arbres, les tourbières, les prairies. Le meilleur mécanisme de captation de carbone, c’est de stopper l’artificialisation des sols ! Les climatologues des Nations Unies recommandent ainsi la réhabilitation de techniques ancestrales pour enfermer des millions de tonnes de CO2 dans le sol, souvent surexploité. « Garder le carbone dans le sol et redonner de la vigueur à la végétation naturelle, aux pâturages… Voilà la clé ». Cette stratégie permettrait de stocker les gaz à effet de serre sous forme de biomasse.

Au lieu de cela, vous poursuivez votre politique de soutien aux zones logistiques routières, aux routes, aux autoroutes qui dévorent les hectares naturels et agricoles. C’est toujours le « en même temps » : d’un côté, replantons des haies, de l’autre tondons-les !

Rappelons qu’avant de compenser les destructions, il est toujours préférable de les éviter. Un frêle arbrisseau mettra du temps à offrir les services d’une forêt. Et ajouter des routes et des autoroutes ne fera qu’ajouter encore plus d’étalement urbain, de trafic et de pollution, aggravant encore le dérèglement climatique.

Enfin, votre responsabilité, Monsieur le Président, c’est de garantir l’avenir des générations nées au 21 siècle, nos enfants, en leur laissant une région habitable, qui prenne toute sa part des objectifs de réduction par moitié de nos émissions carbone ; et qui assure leur sécurité, en ne les laissant pas comme héritage des déchets radioactifs pendant des milliers d’années et dont nous ne savons que faire, hormis des bombes.

La course à l’EPR est une fuite en avant, un gouffre financier qui menace l’avenir l’EDF et sera payé par les contribuables et les usagers, doublé d’un fiasco technologique, avec toutes les malfaçons dangereuses signalées par l’ASN, qui ont mené aux fuites radioactives le 14 juin dernier sur le premier EPR en fonction en Chine. Rien de comparable avec les pales d’éoliennes qui suscitent pourtant tant d’émois !

La meilleure énergie, c’est celle que nous ne consommons pas. Sans céder aux caricatures faciles de décroissance, réduire nos consommations d’énergie, c’est développer tous les emplois utiles de la rénovation des bâtiments, de l’efficacité énergétique, des mobilités propres, des circuits courts, d’une agriculture biologique beaucoup moins émettrice de GES, ou encore du télétravail qui a considérablement réduit la congestion routière. La démobilité, des déplacements qui sortent des heures de pointe, sont des alternatives moins onéreuses et destructrices que les kilomètres de bitume que vous nous promettez.

La Normandie pour la Paix à laquelle vous aspirez, à laquelle nous aspirons, c’est une Normandie qui sécurise l’avenir, en désamorçant les bombes climatiques, chimiques et nucléaires, qui sont autant de menaces pour notre environnement, nos santés, nos économies et nos sociétés.