Assemblée plénière – lundi 19 juillet 2021 – Intervention de Bastien Récher sur le compte administratif 2020

Monsieur le Président,
Mes cher.e.s collègues,

L’examen du compte administratif 2020 est un exercice difficile pour les nouveaux élus de cette mandature. Il n’est jamais évident d’avoir à se prononcer sur des exercices budgétaires antérieurs, surtout avec des délais de transmission des documents très courts et des conditions d’examen de centaines de pages sur des tablettes…
Nous l’avons d’ailleurs tous constaté lors de la commission des finances qui
heureusement a été utile grâce aux présentations organisées par les services.
Nous aurons l’occasion d’y revenir à plusieurs reprises, cette séance, mais aussi lors de la mandature, mais vous porterez pendant tout ce mandat la faute commise contre les droits de l’opposition.
Dans une assemblée régionale, l’opposition a très peu de moyens d’actions et de contrôles et vous l’avez privé du principal, celui d’assurer la responsabilité de la présidence de la commission des finances qui permet notamment de prévoir des auditions, de convoquer les vice-présidents, de demander des précisions aux services…
C’est donc uniquement dans les débats budgétaires en séance plénière que nous pourrons nous exprimer puisque la commission des finances, contrôlée par la majorité, devient une simple chambre d’enregistrement.
Commençons donc avec ce compte administratif !
Dans votre discours inaugural vous avez donné les grandes orientations de la mandature à venir, votre vision du territoire normand et des défis des années à venir.
Nous avons retenu nucléaire et routes, ce qui peut sembler réducteur au regard des compétences et des politiques publiques régionales. Mais dans l’attente du débat budgétaire, il nous semble important de montrer dès maintenant d’une part les contraintes idéologiques libérales qui entravent les capacités d’action de la Région mais aussi les insuffisances nettes en matière de transition écologique.
Ceci étant posé, nous avons évidemment bien conscience des contraintes fortes qui ont pesé sur l’exercice 2020 de la Région :

  • La prise de compétence pour les trains intercités
  • Le PRIC
  • La crise COVID

I. Ce CA 2020 montre des choix budgétaires cohérents pour une majorité
libérale et que l’on retrouve dans le bilan de l’exécution budgétaire

C’est évidemment à l’aulne de l’utilisation des crédits de paiement que l’on mesure l’activité de la collectivité en 2020.
Plusieurs éléments nous semblent nous semblent importants à relever :
I.1. Une présentation claire de l’impact de la crise COVID sur les finances de la Région
Je tiens avant tout à saluer la mobilisation de l’administration régionale, malgré la crise COVID. Cette mobilisation se traduit par des taux d’exécution tout à fait remarquables dans un contexte aussi particulier.
La présentation de l’impact de la crise COVID dans les pages 95 et 96 du CA 2020 est particulièrement claire et permet de bien comprendre le coût net global de 128,3 M€.
Nous le disons clairement, Monsieur le Président, les 90 M€ de dépenses
supplémentaires semblent pertinents au regard de l’ampleur de la crise sanitaire mais aussi de la nature de notre collectivité qui est plus une collectivité d’intervention stratégique que d’intervention quotidienne.
I.2. Nous contestons la soumission au dogme libéral sur les dépenses de
fonctionnement et d’investissement
La structure même du budget que vous mettez en place, au nom de votre stratégie de 2017 conduit à alimenter les vieilles antiennes libérales : les dépenses de fonctionnement sont mauvaises par nature, les dépenses d’investissement sont elles les seules à encourager.
Donc avec 1,396 MM d’euros de recettes de fonctionnement pour 1,157 MM€ d’euros de dépenses de fonctionnement, vous dégagez effectivement une épargne brute de 239 M, qui après remboursement de la dette devient 184,2 M€ d’épargne nette, réinjectée pour financer les dépenses d’investissement.
En résumé, ce sont les économies en fonctionnement qui servent à financer 22 % des dépenses d’investissement.
Cette mécanique que vous présentez comme vertueuse, nous semble contestable :

  • D’une part compte tenu de la nature de certaines dépenses d’investissement
    (les routes par exemple) et de certaines dépenses de fonctionnement (les
    actions en faveur des associations par exemple) ;
  • D’autre part compte tenu des marges de manœuvre importante de la Région sur la question de la dette.
    I.3. Nous constatons en effet une mobilisation de la capacité d’endettement de la Région très insuffisante en temps de crise
    Les éléments présentés à partir de la page 102 interpellent effectivement les nouveaux élus que nous sommes.

Vous vous glorifiez d’un encours de dette par habitant à 179 euros alors que la moyenne régionale est à 399 euros et que la 2 e Région sur la question de l’encours de dette est à 297 euros.
Compte tenu des taux pratiqués actuellement, d’une charge de la dette à seulement 63,1 M par an, on voit bien que la collectivité disposerait de leviers d’actions pour lancer des plans ambitieux en changeant radicalement sa façon de concevoir la dette.
Notre groupe porte, par exemple, l’idée de déployer en Normandie un plan ambitieux de rénovation énergétique des bâtiments. Mobiliser de l’emprunt dans ce domaine permettrait d’avancer à la fois dans la transition du territoire mais aussi de créer des emplois durables.
Pourquoi persister dans cette gestion aussi stérile de la dette ?
Par ailleurs, nous nous interrogeons de l’absence de précisions sur les emprunts et sur la nature des financements mobilisés par la Caisse d’Epargne de Normandie et le Crédit agricole notamment. Nous demandons à ce que la Région ne mobilise que de l’emprunt durable et éthique auprès de ses partenaires financiers.

II. Une prise de compétence transport qui implique un changement de nature profond de la Région dans une certaine impréparation
L’examen approfondi des évolutions en autorisations de programme et
d’engagement interroge fortement sur le choix fait, et ses modalités de mise en œuvre, de récupérer la compétence trains intercités.
II.1. La Région confirme son rang de collectivité majeure et la prise de
compétence transports augmente considérablement son budget
Cette prise de compétence transports a pour conséquence un accroissement
important de la capacité d’action de la Région :
En effet, 2,3 MM d’euros sont mobilisés en 2020 en autorisations de programme et d’engagement, contre 1,4 MM€ en 2019.
Dans le détail :

  • On passe de 721,6 M d’AP en 2019 à 992 M en 2020, dont 197 M€ à 627 M€
    pour les transports.
  • Les AE connaissent une croissance encore plus forte : 706,6 M€ en 2029 à
    1 347,6 M€ en 2020, dont 92 M€ à 855,4 M€ pour les transports.

II.2. La modification de la répartition des autorisations de programme fait
craindre un désengagement massif de la Région dans l’exercice de
compétences pourtant essentielles

Dans l’absolu, la prise de la compétence trains intercités est une bonne chose pour la Région car elle semble la conforter.
Cependant, les variations observées, notamment en autorisations de programme, font craindre un désengagement de la Région en faveur du développement économique et du développement durable des territoires.
Que signifient Monsieur le Président une diminution de 33,4 M€ pour le
développement économique et de 86,7 M€ pour les territoires.
A quoi allez-vous renoncer ?

III. A l’inverse, nous demandons à reconsidérer des dépenses de 2020 au
regard de l’urgence climatique et de la crise sociale
III.1. Nous regrettons une faiblesse structurelle en faveur du développement
économique
En 2020, l’OS n°1 relatif au développement économique ne représente que 11 % des dépenses globales de la collectivité soit 222,7 M€
A signaler que les dépenses en faveur de l’ESS atteignent à peine 1,7 M€ avec une baisse de 0,4 M€. Cette faiblesse de l’action régionale montre bien la nécessité d’un plan ambitieux pour soutenir le secteur.
A ceci s’ajoute, on le verra des interrogations sur l’externalisation de l’intervention de la Région dans le domaine de l’aide aux entreprises.
Rappelons simplement que les dépenses de gestion de l’ADN s’élèvent à 55 % de son budget total quand les aides effectivement distribuées ne s’élèvent qu’à 45 % de ce budget…
III.2. L’urgence écologique est la grande oubliée de votre précédent mandat
La prise de compétence des trains intercité dissimule mal les carences régionales dans la capacité à concevoir des transports décarbonés pour demain.
En résumé, on note un engagement en faveur des trains qui se traduit par l’achat de matériel roulant (356 M) mais par un désengagement sur les infrastructures ferroviaires et les gares : 31,9 M€ en 2020 soit 41 M€ de moins que l’année précédente. Il n’est pas étonnant que la question des petites gares, des petites lignes, ait été au cœur de la campagne.
La baisse significative des dépenses en faveur de l’intermodalité et des nouveaux modes de déplacement interroge également tout particulièrement : – 11.5 M€, principalement pour le financement des transports en commun des Autorités Organisatrices des Mobilités.
 Les conséquences du réchauffement se voient clairement partout dans le
monde, mais vous ne faites rien pour sortir de la dépendance à la voiture
Les près de 14 M€ consacrées au développement du réseau sont évidemment anachroniques à ce titre. Et vos déclarations à propos du financement du contournement Est de Rouen montrent que vous n’avez pas compris l’urgence de changer de modèle pour décaborner les déplacements et limiter l’étalement urbain.
Dans le même ordre d’idée, les financements pour les infrastructures aéroportuaires nous semblent absolument passéistes : 3,6 M€ pour entretenir un système à bout de souffle et une compétition entre les aéroports normands !
Votre action en faveur de l’air, du climat et de l’énergie est également très
insuffisante :
Je l’ai évoqué précédemment : le Plan Normand Bâtiments Durables avec 6,9 M€ est clairement sous-doté.
Et au total, la Région aura dépensé moins de 21 M€ en faveur de la rénovation énergétique, des énergies renouvelables et des déplacements décarbonés…
 Inviter Greta Thunberg c’est bien. L’écouter c’est mieux Monsieur le Président.
III.3. Un engagement en faveur des territoires normands marqué par une
absence de stratégie de transition écologique, le saupoudrage et le
clientélisme
De la même façon, sans critérisation votre politique en faveur de l’aménagement du territoire ne peut conduire à lutter contre l’artificialisation des sols.
L’augmentation de près de 50 % de ces subventions aux collectivités, sans critère pour conduire des politiques ambitieuses et rendre concrète une stratégie d’aménagement du territoire, traduit surtout le caractère pré-électoral de l’année 2020.
Malgré le fait que l’opposition soit privée de la présidence de la commission des finances, nous demandons donc une jaune budgétaire territoriale portant sur le soutien aux collectivités afin d’avoir une vision de la façon dont les moyens de la Région sont déployés en Normandie.

Monsieur le Président, notre groupe qui compte 10 nouveaux élus sur 11, vous donne acte de ce compte administratif 2020. Nous avons marqué nos désaccords, nous les affirmerons lors des prochains débats budgétaires.
En conséquence, nous nous abstiendrons sur cette délibération.
Je vous remercie.