Assemblée plénière – lundi 19 juillet 2021 – Intervention de Véronique Bérégovoy sur la Chapelle Darblay

La Chapelle Darblay, l’heure des choix !
Je ne vais pas revenir sur tout l’historique de la situation mais juste
quelques mots sur ce qui se passe actuellement et pourquoi l’Etat
comme la région ont le devoir et la responsabilité de soutenir et de
porter le projet le plus exemplaire en matière de recyclage et
d’économie circulaire répondant, ainsi à l’urgence d’engager vraiment
la transition écologique en Normandie.
Le projet qui a été proposé dernièrement n’est, en effet, pas à la
hauteur de ces ambitions. D’ailleurs les salariés qui se battent, depuis
plus d’un et demi pour que leur usine revive, ont demandé une
expertise de ce projet (demande d’expertise qui a été accordée) ce qui
permettra aussi d’étudier, enfin, des projets beaucoup plus ambitieux
qui malheureusement ont été mis de côté jusqu’à maintenant !
Ainsi le projet qui doit être expertisé s’organise autour d’une double
reprise, un investisseur en hydrogène SAMFI et un grand groupe
spécialiste du tri et du traitement de papier PAPREC. Mais la limite de
ce dernier c’est qu’il ne fait que du tri.
Et donc si cette proposition devait aboutir, concernant la partie papier,
cela conduirait presque inévitablement à la destruction des machines
qui sont opérantes sur la partie recyclage. Ce qui serait une catastrophe
pour l’avenir de cette filière. Et le signe que nous donnerions aux
citoyens, à qui on demande, de trier serait très mauvais : Faut-il
rappeler que cette usine traitait l’équivalent des déchets papiers de 23
millions d’habitants soit 350 000 tonnes ce qui représentait 40% de la
capacité de recyclage français avec un chiffre d’affaire de 95 millions
d’euros.
Ainsi, les papiers seraient en parti définitivement, acheminés par
camions pour être recyclés à l’est de la France (dans les Vosges) ou en
Allemagne (des milliers de camions supplémentaires sur les routes) et
au pire incinérés ou enterrés. D’ailleurs, depuis sa fermeture c’est
malheureusement ce qui se passe.

Comme vous le savez, le site de La Chapelle Darblay est gigantesque,
riche de ces 33 ha, il y a en effet assez de place pour :
1- porter un projet qui répond à l’enjeu du tri, du recyclage ainsi que
de l’isolation thermique en sauvant tous les emplois et,
2- aussi de développer un projet hydrogène.
Comme vous le savez aussi, il y a plusieurs projets de reprises qui sont
sur la table mais qui n’ont pas été étudiées jusqu’au bout ! Nous
sommes en droit de nous interroger sur cet état de fait ? Mais nous
espérons, enfin, qu’ils vont être étudiés sérieusement.
Des investisseurs potentiels sont prêts à relever le défi et assurer une
production écologique diversifiée avec des ressources en vieux papiers
et cartons issus du tri des collectivités du grand ouest d’une part et de
la région parisienne arrivant par péniche, d’autre part.
D’ailleurs l’entreprise Véolia (l’une des leaders mondiales du
traitement des déchets et de l’eau) a répondu à l’offre en pouvant
s’associer avec le canadien Fibre Excellence (opérateur papetier) lui
même travaillant avec deux PME normandes, Têtu Group et Coves.
(pour produire différents types de biens papetiers issus des deux flux
de pâte recyclée).
Ainsi, l’ensemble du fonctionnement de cette usine exemplaire, en
matière d’économie circulaire avec le tri, le recyclage, la chaudière
biomasse qui brûle les résidus tout en alimentant le fonctionnement
des machines et sa station d’épuration, pourrait reprendre son activité
avec des adaptations et investissements nécessaires.
Il pourrait y avoir la fabrication d’emballage souple en papier, un
papier d’impression à forte valeur ajoutée pour des commandes
spécifiques dont on a encore besoin dans une logique de proximité et
puis la fabrication de ouate de cellulose pour l’isolation des logements
et des bâtiments. Cet enjeu est primordial car il permet de lutter contre
les émissions de gaz à effet de serre, d’économiser un maximum
d’énergie et par la même de baisser considérablement la facture
énergétique et ainsi la précarité énergétique, le tout en améliorant le
confort des logements.
Enfin, cette innovation, la ouate de cellulose pour l’isolation a été
validée par le centre technique du papier de Grenoble qui est la
référence en la matière.

Et la boucle vertueuse serait définitivement en place puisque cela
permettrait aussi de garder les 230 salariés au savoir-faire exemplaire
et de maintenir, voir de développer les 1000 emplois induits.
De plus, cette production diversifiée se compléterait avec le carton
fabriqué à quelques kilomètres chez Double A à Alizay dans l’Eure.
Ainsi, comme le dit Jean De Beir, enseignant-chercheur en économie,
élu écologiste à Rouen et qui a été auditionné par le CESER sur ce
dossier « L’arc de la Seine pourra être celui d’une offre papetière qui
résume la priorité d’une industrie qui relève le défi d’une économie
circulaire de proximité. Les usines à papier utilisant des fibres
recyclées produisent des biens marchands mais sont aussi,
implicitement des centres de recyclage et de valorisation de déchets
qui évitent l’enfouissement de ces ressources, leur incinération ou leur
exportation par la route sur de longues distances ».
Enfin, comme le démontre ce projet, je pense que nous sommes tous
d’accord pour construire une politique industrielle écologique à
l’échelle locale et nationale qui répond aux crises climatique,
économique et social, tout en préservant et créant des emplois sur le
territoire normand.
Aujourd’hui, la balle est dans le camp de l’Etat mais aussi de la région
au vu de ses compétences en matière économique pour porter,
défendre et faire des propositions concrètes sur la mise en place et le
portage d’un tel projet. L’Etat et/ou la région pourraient tout à fait
préempter le terrain et le bâti en attendant que les industriels finalisent
leur projet et remettent en marche les outils de production. Si il y a la
volonté politique d’engager la transition écologique nécessaire au
développement de note territoire alors ce projet doit voir le jour.
Et concernant, la partie « hydrogène » qui peut avoir, bien sûr, toute sa
place sur le site, mais ne nous focalisons pas, que sur l’hydrogène,
comme un nouvel eldorado ! Ne mettons pas tous nos œufs dans le
même panier. Aujourd’hui, en France se sont des dizaines de projets qui

voient le jour et qui sont énormément soutenues financièrement, entre
autre par l’Europe.
Mais La Chapelle Darblay, il n’y en à qu’une en France ! Et parce qu’elle
est le fleuron de l’économie verte, d’une économie vertueuse dont nous
plus que jamais besoin, parce qu’elle est l’avenir, elle doit reprendre
son activité le plus vite possible dans l’intérêt de tous, pour ses salariés
et pour toute la population !
« Pour qu’industrie rime avec écologie ! ».