Assemblée plénière
Lundi 20 juin 2022
Discours de politique générale de Laetitia Sanchez
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les conseillères et les conseillers,
Permettez-moi tout d’abord de m’étonner de ce calendrier, un 20 juin au Havre, le lendemain du deuxième tour des élections législatives, comme si vous étiez pressé qu’on en finisse et de partir enfin en vacances ! De même que vous aviez fixé la commission permanente le lendemain du premier tour – sans cependant y siéger vous-même – faisant de la Normandie l’une des rares régions à adopter un calendrier aussi désinvolte au regard de l’agenda politique.
Pourtant les leçons de ce second tour sont importantes à tirer pour nous en Normandie. Si la première ministre Elisabeth Borne remporte de justesse la 6ème circonscription du Calvados, dans de nombreuses circonscriptions la majorité présidentielle se fait battre et notamment par le Rassemblement National, comme ça a été le cas hier Monsieur le Président dans 4 des 5 circonscriptions de notre département de l’Eure. Cela doit nous alarmer sur l’état de nos concitoyens de la ruralité, avec le déménagement des services publics, les déserts médicaux, l’abandon du train.
Félicitons nos collègues nouvellement élus députés. Permettez-moi aussi des félicitations amicales pour Véronique Bérégovoy et Guillaume Hédouin qui ont porté des candidatures de gauche et écologiste dans des territoires de conquêtes. Mais interrogeons-nous sur l’attitude de certains qui ont refusé le front républicain, favorisant l’installation d’un groupe de 89 député.e.s du Rassemblement national à l’Assemblée nationale. Nous n’oublierons pas le refus d’appeler à soutenir les candidats républicains dans les duels Nupes/RN, de la part des leaders Ensemble comme vous Monsieur Priollaud dans la 4ème circonscription de l’Eure, quand Ipsos révèle que 72% des électeurs Ensemble se sont abstenus, 16% ont voté Nupes et 12% pour le RN. Quelle lourde responsabilité !
Il nous appartient aujourd’hui de nous emparer de l’urgence politique à agir. Votre calendrier nous interroge, Monsieur le Président, sur la part qu’en tant que girondin autoproclamé, vous entendez faire jouer aux collectivités régionales dans ce paysage politique.
Comme si nous ne faisions pas de politique, et que nous n’étions finalement que des gestionnaires. Ce qui va de pair avec votre façon de gérer les finances régionales, au fil de l’eau, à coups d’appels à projets, sans conditionnalités, mais avec beaucoup de communication à destination des milieux économiques. L’aménagement et l’égalité des territoires, ce ne serait que de la technocratie. Quelle négation de nos responsabilités !
L’aménagement et l’égalité des territoires sont au contraire des leviers majeurs à actionner aujourd’hui.
Quand l’actualité nous met mois après mois face à des records de chaleur, avec des niveaux qui dans certaines régions du globe deviennent léthaux, parce qu’un corps vivant ne peut plus transpirer correctement quand on approche 50 degrés et que les nuits sont aussi chaudes que les jours.
Quand l’actualité nous met face aux conséquences de l’urbanisation incontrôlée, quand les sols ne peuvent plus absorber les précipitations, et que cela crée avec le changement climatique les torrents dévastateurs qui ont coûté la vie à une femme à Rouen le week end de la Pentecôte.
Quand les scientifiques nous alertent sur l’urgence à agir, maintenant, pour limiter le changement climatique. Quand des mini tornades que personne n’avait prédit tuent, y compris en Normandie, comme sur les côtes de Villers-sur-mer samedi soir.
Quand 6 des neuf limites planétaires ont déjà été franchies, dont deux en 2022 : que faisons-nous ?
Pris dans les routines des schémas d’après-guerre, nous dessinons sur les pages blanches des espaces naturels et agricoles encore et toujours des ZAC, des échangeurs, des routes et des autoroutes, pour une logistique qui reste à 90% routière.
Quand nos voisins allemands révolutionnent leur politique de mobilité, avec le ticket de transport illimité à 9€ par mois, que faisons-nous ici en Normandie ? Des études, au mieux, pour annoncer qu’il n’est pas possible de réouvrir une ligne entre les préfectures voisines d’Evreux dans l’Eure et Rouen. Ou pour repousser aux calendes de la LNPN, en jouant au saut de mouton, les travaux indispensables de doublement des lignes entre Mantes et Paris.
Au pire, ce sont des trains que vous supprimez, au mépris des usagers, et en reportant l’unique responsabilité des dysfonctionnements sur votre partenaire SNCF, que votre vice-président Bertrand Deniaud qualifie de « boîte de nuls ».
Mais qui sont ceux qui suppriment les trains, augmentent les tarifs, se battent pour inscrire des routes et des autoroutes dans les contrats de territoires, avec les collectivités locales et l’Etat, plutôt que de se battre pour offrir à nos concitoyens des solutions de déplacements alternatives à la voiture – quand le plein atteint 100€ et que tout le monde n’a pas les moyens de financer l’achat d’une voiture électrique ?
Financer la réouverture d’une ligne ferroviaire comme Caen-Flers couterait pourtant 3 fois cher qu’une deux fois deux voies routière.
La politique ce n’est pas un gros mot ou un truc de nuls : ce sont précisément ces choix, pour les finances publiques, pour le budget quotidien des normands, et pour l’avenir de nos enfants. Pour ne pas avoir à baisser les yeux parce que vous avez le pouvoir, et que vous n’aurez pas agi.
La politique c’est aussi le respect de la dignité et de la mémoire du passé, dans une région qui a payé un lourd tribut lors des guerres du 20ème siècle. Vouloir instrumentaliser la mémoire des vétérans, pour en faire une attraction touristique, choque les valeurs humanistes et suscite l’indignation de tous ceux qui font vivre cette mémoire sur nos territoires.