Assemblée plénière – Lundi 20 juin 2022 – Intervention et amendements de Bastien Recher relatifs à la nouvelle politique contractuelle territoriale 2023-2027

Assemblée plénière

Lundi 20 juin 2022

Intervention et amendements de Bastien Recher relatifs à la nouvelle politique contractuelle territoriale 2023-2027

Intervention :

Monsieur le Président,

Monsieur le vice-président,

Nous avons vu arriver par surprise cette délibération. J’y reviendrai dans la première partie de mon propos.

Nous attendions cette réforme des contrats de territoire car nous espérions y trouver l’occasion d’un dialogue fructueux entre élus du territoire en vue d’accompagner et de mettre en œuvre une réelle transition écologique.

Une fois de plus nous sommes déçus.

Une fois de plus c’est une occasion manquée.

I. D’abord un regret : celui de constater que vous nous présentez une délibération construite dans le mépris de l’opposition et de la fonction de conseiller régional

Avant de commencer mon propos sur le contenu de la délibération, je souhaiterais revenir sur les conditions de dialogue et de travail avec l’opposition.

Je n’ai eu de cesse de demander à chaque réunion de commission permanente des informations sur le calendrier de travail, de demander des réunions d’échanges entre les groupes politiques, de demander à des réunions techniques ou avec les élus locaux

Vous n’avez même pas daigné répondre sur la question des conditions de dépôts et de prise en compte de nos éventuelles contributions.

Vous vous êtes contenté de nous expliquer, goguenards, lors de la CP de mai, que le rapport serait présenté en juin et que l’on pouvait toujours vous envoyer des contributions, alors même que le rapport était déjà bouclé.

Cette façon de faire est regrettable mais converge avec la façon dont vous traitez l’opposition depuis le début du mandat.

Sur le contenu de la délibération maintenant :

II. Une réactualisation des politiques régionales qui doit être lue à l’aulne des urgences climatiques et sociales

II.1. Une actualisation de la contractualisation qui ne prend pas la mesure de l’urgence

Comme nous sommes une opposition constructive, nous sommes capables de relever ce qui va dans le bon sens :

  • La pertinence de l’échelle intercommunale pour éviter la concurrence entre les projets ;
  • L’appui à une stratégie de territoire pour enclencher les transitions ;
  • La modulation des taux en fonction du potentiel fiscal ;
  • Le fait de mettre en place des critères d’éligibilité des projets ;
  • Et de les appuyer sur une grille d’analyse qui est un début de critérisation.
  • Mais

Nous manquons de deux choses essentielles :

  • Nous manquons de temps
  • Nous manquons d’argent

Il faut noter une bonne acculturation des présentations aux enjeux de la transition écologique et une vision d’un aménagement équilibré de la Région.

Nous pourrions écrire ou signer des paragraphes entiers de cette délibération.

Et l’on pourrait presque s’en féliciter

Nous partageons de nombreux objectifs et de nombreux constats qui sont exposés ici.

Mais afficher des objectifs sans se donner les moyens de les atteindre, c’est de la naïveté ou de la duperie.

II.2. Un projet qui garde les limites de la génération précédente des contrats de territoire

Pour bien comprendre que l’essentiel des changements annoncé tient de l’effet d’annonce, il suffit de lire attentivement les annexes à la délibération.

  • Le péché originel de votre approche est exprimé clairement en haut de la première page de l’annexe n°1 :

« tout en accompagnant » les transitions.

Vous êtes encore à considérer que la question écologique est secondaire.  Pourtant ce qui était envisageable il y a 20 ou 30 ans ne l’est plus aujourd’hui

Vous refusez de changer de paradigme et vous vous contentez de verdir, un peu, et encore si la collectivité est demandeuse, vos dispositifs

Alors certes, les objectifs de la précédente génération de contrat ignoraient totalement les enjeux environnementaux et n’évoquaient que la question des équipements, de l’attractivité et des centralités. Mais force est de constater que cette introduction montre l’absence de saut qualitatif.

  • Et plus loin dans l’annexe n°2, cette orientation est confirmée :

« ces projets devront favoriser la prise en compte des enjeux de sobriété foncière, d’aménagement et de développement durable. »

« Favoriser la prise en compte »… on a connu plus ambitieux et plus contraignant…

L’expression « favoriser la prise en compte » est d’ailleurs reprise à la fin de l’annexe n°3 à côté de la première évocation du SRADDET, quasiment donc à la fin du document.

  • Ensuite les intentions affichées, formulées dans les annexes, ne sont clairement que des effets d’annonce :

Exemple : « aides au financement des équipements sportifs d’intérêt régional »

  • Cette aide est détournée en financement de terrains privés de paddels

Autre exemple : « requalification des espaces touristiques dans la perspective de mieux répondre aux enjeux écologiques »

  • Dans la réalité, vous continuez à soutenir, voire à impulser, des projets absurdes comme DDay Land qui conduiront à artificialiser des dizaines d’hectares

Autre exemple : « dispositif d’aide à la rénovation urbaine »

  • Dans la réalité, les projets soutenus contiennent encore trop de destruction de logements et ne sont donc acceptables ni socialement, ni écologiquement.

Autre exemple : vous annoncez la création d’un observatoire régional des friches et une nouvelle politique de mobilisation du foncier

  • Dans la réalité, vous continuez à soutenir des projets de ZAE en extension, sans aucune étude foncière préalable, et sans même savoir ce qu’il en est des projets : lors de la dernière CP personne n’a pu me répondre à propos de mon inquiétude sur la quantité d’hectare mobilisés par une ZAE à Yerville…

Autre exemple : vous annoncez soutenir une offre culturelle pérenne dans une perspective d’équilibre territorial

  • Dans la réalité votre projet de fusion de l’ORN avec l’Opéra de Rouen va directement limiter les activités de diffusion et de médiation culturelle à destination de tous les territoires normands

Et l’on pourrait continuer ainsi pendant des heures…

II.3. Une prise de décision qui demeure opaque

La mécanique des contrats de territoire reste cependant profondément viciée par le fait qu’elle transforme la région en guichet à subventions et qu’elle favorise le clientélisme.

La grille proposée est ainsi sans réelle ambition et surtout sans aucun caractère contraignant.

L’arbitrage, la prise de décision, reste au bon vouloir du président en toute opacité.

Rien n’est dit sur son utilisation ou d’ailleurs sur la publicité du document après l’instruction.

J’imagine que vous allez accepter notre proposition de création par amendement d’une  commission ad hoc pour examiner les projets, mais je souhaiterais également que vous vous engagiez à rendre publique cette grille, une fois complétée, en la mettant en annexe des rapports qui passeront en commission permanente.

D’autres éléments restent obscurs :

Quid de la sous-enveloppe réservataire de 23 M pour des projets d’ampleur régionale ?

Serait-ce une sorte de « réserve parlementaire » dévolue au président ?

III. Nous proposons donc les amendements qui nous semblent nécessaires pour rendre ce projet meilleur et plus efficace

III.1. L’occasion manquée de construire une stratégie d’aménagement du territoire s’appuyant sur un document de planification et des dispositifs de mise en œuvre

Comme je le disais, le SRADDET est à peine évoqué :

  • Une fois dans la délibération
  • Trois fois dans les annexes

Alors qu’il devrait justement est le cadre de la mise en œuvre de ces nouveaux contrats de territoire.

III.2. Des amendements qui reposent sur deux piliers : le renforcement de l’accompagnement et une critérisation renforcée

Nous proposons en réalité de nouveaux qui visent à :

  • Augmenter les subventions régionales aux projets des territoires pour en augmenter, mécaniquement, la qualité ;
  • En contrepartie, nous voulons une exigence renforcée sur la question de l’artificialisation
  • Enfin, nous voulons la transparence sur l’attribution des subventions.

Conclusion :

Comme pour le BS 2022, nous réservons notre vote à la prise en compte de nos propositions.

Car pour le moment, les objectifs que vous affichez ne sont au final que des éléments de langage, de la communication, du greenwashing comme on dit.

Mais nous craignions que vous ne vous obstiniez à démontrer, une fois de plus, votre absence de vision et de stratégie pour la Normandie. Je vous remercie.

Amendements :

Amendement n°17 déposé par Bastien Recher, Rudy L’Orphelin et Laetitia Sanchez :

Il est ajouté les éléments suivants à la délibération : 

«En ce qui concerne le cadre financier de la politique :

  • De définir une enveloppe de 500 M€ pour la mise en œuvre de cette politique sur cette période, dont 300 M€ pour le FRADT et 200 M€pour les dispositifs sectoriels. ».

Exposé des motifs:

La mise en œuvre de ces nouveaux « contrats de transition écologique territoriale » que nous appelons de nos vœux, implique un changement de paradigme mais aussi un changement d’échelle. A notre sens, le rôle de la Région est bien d’accompagner les territoires pour les aider à mettre en œuvre des solutions adaptées à la crise écologique et climatique que nous traversons et qui peuvent être plus coûteuses. 

Nous souhaitons ainsi que l’engagement de la Région en faveur des territoires normands soit porté de 72 M€ par an à 100 M€. 

Les crédits complémentaires ainsi mobilisés pourront servir prioritairement à : 

  • Réaliser les études foncières nécessaires afin d’éviter les dynamiques d’artificialisation en mobilisant les friches disponibles sur les territoires des signataires de ces contrats ;
  • Améliorer la qualité énergétique des bâtis réhabilités ou construits ;
  • Contribuer au développement des mobilités douces et de l’intermodalité, notamment via l’aménagement des espaces publics autour des gares.

Un amendement au budget supplémentaire 2022 permet de porter également cette mesure.

Amendement n°18 déposé par Bastien Recher, Rudy L’Orphelin et Laetitia Sanchez :

Ajouter un nouvel alinéa entre les alinéas 7 et 8 (ajouts en gras dans le texte ci-dessous) :

« De créer une commission ad hoc, rassemblant des élu.e.s de tous les groupes politiques de la Région, à due proportion du poids de ces groupes, afin d’examiner, préalablement à leur passage en commission en permanente, le contenu des conventions et la réalité des projets proposés par les collectivités normandes.

Cette commission pourra organiser des auditions des collectivités souhaitant contractualiser avec la Région afin de mieux appréhender leurs spécificités, et le cas échéants leurs difficultés.

L’instauration d’un tel dialogue permettra de promouvoir les nouveaux contrats de transition écologique territoriale et d’accompagner les élus dans la mise en œuvre des nécessaires transitions. »

Exposé des motifs:

L’examen des dossiers en commission permanente ne permet pas d’accompagner efficacement les collectivités normandes. Aucun dialogue n’est possible au stade de la commission permanente car les dossiers sont finalisés et les informations sont parfois trop succinctes pour permettre une bonne appréhension des intentions de la collectivité bénéficiaire de subventions régionales. 

La mise en œuvre des nouveaux contrats de transition écologique territoriale doit se concevoir comme une démarche collaborative et donc itérative. Il est important que les élu.e.s et les services de la Région jouent pleinement leur rôle de conseil et d’accompagnement pour améliorer l’efficacité des crédits mobilisés. 

L’instauration d’une telle commission permettrait de décliner le principe que l’on observe déjà dans les commissions d’appel d’offres où siègent l’opposition. La Région répondrait ainsi au mieux à l’exigence de transparence démocratique qui se manifeste de plus en plus fortement chez nos concitoyen.n.e.s.

Amendement n°19 déposé par Bastien Recher, Rudy L’Orphelin et Laetitia Sanchez :

Il est ajouté les éléments suivants à la délibération : 

« En ce qui concerne le cadre de contractualisation :

  • D’adopter, pour la mise en oeuvre de cette politique, le cadre de contractualisation suivant :
  • une échelle de contractualisation qui sera celle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ou, le cas échéant, de structures à une échelle supérieure bénéficiant d’une délégation à l’unanimité des EPCI qui la composent, 
  • des contrats tripartites signés par la Région, le Département concerné volontaire et l’EPCI, pouvant être révisés deux fois sur la période, 
  • un soutien à des projets d’investissement structurants entrant dans le cadre des compétences régionales et répondant aux orientations stratégiques précitées.

Ces projets devront s’inscrire en déclinaison d’un projet global, être de rayonnement supra communal, voire intercommunal ou régional, participer l’attractivité du territoire et de la Normandie, prendre en compte les objectifs du SRADDET et répondre aux enjeux d’adaptation et d’atténuation du changement climatique, en visant les meilleures performances accessibles. 

Le contrat conclu entre la région et la collectivité infrarégionale devra être conçu comme un instrument de mise en œuvre d’une stratégie commune face à ces enjeux d’adaptation et d’atténuation du changement climatique. La convention signée devra clairement poser les problématiques propres au territoire et proposer en regard les actions concrètes pour y répondre. 

Les projets soutenus dans ce cadre devront donc se conformer aux principes du « zéro artificialisation nette » ou ZAN, et pour cela la collectivité accompagnée devra : 

  • Présenter prioritairement des projets permettant de recycler des terrains déjà artificialisés ; 
  • Si le projet proposé est prévu en extension, faire la démonstration qu’il n’existait pas d’autres terrains artificialisés disponibles ou un potentiel de friches mobilisables adaptés, notamment par le biais d’études foncières réalisées en collaboration avec l’EPF de Normandie ; 
  • En cas de consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers, présenter les mesures de compensation prévues à l’échelle de son territoire, ou à défaut abonder le fonds régional de compensation de l’artificialisation, créé par amendement au budget supplémentaire 2022, selon les modalités prévues dans ce cadre.

Une bonification de 10 % de la subvention régionale sera systématiquement appliquée pour les projets recyclant des friches urbaines, industrielles ou commerciales. » 

  • De modifier le règlement d’application du Fonds Régional d’Aménagement et de Développement du Territoire joint en annexe, comprenant notamment l’application d’une fourchette d’intervention régionale variable tenant compte des spécificités des territoires.

Exposé sommaire :

La nouvelle génération de contrats de territoire doit être un instrument de mise en œuvre des trajectoires « zéro artificialisation nette » ou ZAN prévues par la loi « climat et résilience » promulguée en août 2021 et en cours de déclinaison dans les SRADDET. 

Il s’agit donc de saisir l’opportunité calendaire qui s’offre à nous entre la définition d’une stratégie globale d’aménagement du territoire normand et la création d’une nouvelle génération de contrats permettant d’accompagner les collectivités infrarégionales. 

La Région Normandie étant la 2e région qui artificialise le plus, il convient de construire un cadre partagé et financé avec les collectivités normandes pour mettre en œuvre sans attendre le ZAN sur l’ensemble de notre territoire.

Amendement n°20 déposé par Bastien Recher, Rudy L’Orphelin et Laetitia Sanchez :

Il est ajouté les éléments suivants à la délibération : 

De modifier le titre de la délibération : 

« Nouvelle politique contractuelle territoriale 2023-2027 : mise en œuvre des nouveaux contrats de transition écologique territoriale ».

Exposé des motifs :

La refonte des contrats de territoire de la Région Normandie est une formidable occasion pour mettre en œuvre une stratégie ambitieuse en matière de transition écologique. 

Région littorale, directement menacée par les conséquences du réchauffement climatique et de la montée des eaux, la Normandie est également une des régions les plus polluées et l’une de celles qui artificialise le plus tous les ans les espaces naturels, agricoles ou forestiers. 

Plus qu’ailleurs, il est temps d’accompagner les collectivités infra-régionales pour leur permettre d’entreprendre la bifurcation écologique nécessaire à la préservation du vivant dans ce contexte d’accentuation de la crise climatique. 

Notre groupe propose donc, à cette occasion, un changement complet de paradigme : il ne s’agit plus de continuer à accompagner sans vision globale les collectivités normandes pour financer des bouts d’équipements publics, mais bien de leur permettre de mettre en œuvre d’autres politiques, à la hauteur des crises écologiques que nous traversons. 

C’est le sens de ce premier amendement sur cette délibération : nous proposons de transformer les contrats de territoire en « contrats de transition écologique territoriale » afin d’orienter au mieux les subventions régionales aux collectivités. 

Les autres amendements de notre groupe sur cette délibération justifient ce changement de nom : augmentation du budget dédié, lutte contre l’artificialisation et transparence de l’accompagnement et de la décision d’inscription à l’ordre du jour des contrats et des projets des commissions permanentes.