Assemblée Plénière – Lundi 23 juin – Intervention de Guillaume Hédouin relative à la création du dispositif IDEE Parcours

Monsieur le président, cher·es collègues,

Nous examinons aujourd’hui un dispositif qui, sur le papier, semble répondre à une vraie nécessité : celle d’accompagner la transition écologique non pas uniquement par la technique, les infrastructures ou les aides financières, mais par un travail en profondeur sur les comportements, les représentations et les leviers psychosociaux du changement.

Ce dispositif, baptisé IDÉE Parcours, s’inspire directement des travaux du GIEC normand, que la Région a elle-même contribué à structurer. Il se fonde sur une approche psychosociologique innovante, que je salue personnellement, car elle reconnaît enfin que la transition écologique est aussi une transformation culturelle et sociale.

Il ne s’agit plus seulement de poser des panneaux solaires ou d’isoler des bâtiments, mais bien d’emmener une société entière vers une vision désirable du futur, en agissant sur les récits, les imaginaires, les expériences concrètes, le sentiment d’efficacité, la proximité émotionnelle avec les enjeux.

Cette approche est juste. Elle est scientifiquement fondée. Les travaux du GIEC normand et de nombreux laboratoires de recherche l’ont montré : nos concitoyennes et concitoyens changent quand ils se sentent concernés, capables, soutenus, et quand ceux qui les gouvernent leur montrent l’exemple.

C’est pourquoi le dispositif insiste sur deux leviers essentiels :

La mise en récit qui permet de raconter collectivement une histoire de la transition qui donne envie, qui soit concrète et positive.

La mise en expérience pour permettre à chacune et chacun d’expérimenter dans sa vie réelle des pratiques soutenables, pour se sentir acteur du changement.

Et c’est précisément là que le paradoxe devient insupportable.

Car quelle est la crédibilité d’un dispositif fondé sur le changement de comportement, si ceux qui le mettent en œuvre refusent eux-mêmes de changer ?

Quelle légitimité pour appeler les citoyennes et citoyens à adopter de nouveaux récits, quand la majorité régionale continue de répéter les vieux discours anti-écolo dignes des années 1990 ?

Je le dis avec gravité : il est incohérent, voire malhonnête, de promouvoir une transition psychosociale d’un côté, et de la torpiller à longueur de médias de l’autre.

Citons quelques exemples :

Le député Les Républicains Jérôme Nury a proposé un moratoire sur les projets d’énergies renouvelables.

Un moratoire ! Alors même que l’urgence exige d’accélérer drastiquement leur développement.

Vous même, M. le président, répétez à qui veut l’entendre que l’éolien “défigure nos paysages”, que si cela était légal, vous en refuseriez le déploiement sur les terres normandes, et préférez “la pause” plutôt que l’action.

Vous dénoncez régulièrement la prétendue “écologie punitive”, alimentant la confusion, le rejet, et le cynisme face aux enjeux environnementaux. Alors que ce qui punit nos concitoyennes et concitoyens, ce sont les conséquences de l’absence d’écologie : canicules, tempêtes, inondations ou submersion…

Et dans les votes nationaux, la famille politique à laquelle appartient la majorité régionale s’oppose régulièrement à toutes les grandes réformes écologiques : que ce soit sur la fiscalité verte, la régulation des pesticides, les zones à faibles émissions ou encore la sobriété énergétique.

Mais la population n’est pas dupe. Cette dissonance entre les propositions locales et les actes et discours nationaux destructeurs mine la confiance. Elle crée du scepticisme, du désengagement, de la résignation.

Et cela aussi, les chercheurs du GIEC normand l’ont montré.

Si les institutions ne sont pas perçues comme cohérentes et exemplaires, aucun changement collectif profond ne peut s’installer.

Alors comment pouvez-vous demander aux Normandes et Normands d’adhérer à de nouveaux récits, de s’engager, de transformer leur quotidien, quand vos propres positions freinent, voire annulent, les dynamiques de transition ?

À cela s’ajoute une autre incohérence, plus technique mais tout aussi problématique : la suppression des dispositifs IDÉE Action Régionale et IDÉE Innovation.

Ces dispositifs, qui permettaient de financer des projets éducatifs, associatifs ou territoriaux, sont aujourd’hui retirés sans réelle évaluation de l’impact pour les structures bénéficiaires.

Des acteurs de terrain, petites associations, collectivités rurales, établissements de formation, risquent de se retrouver sans relais financier clair.

Pourquoi ne pas avoir mis en place une transition douce ? Pourquoi ne pas avoir mesuré les effets de cette réorganisation sur l’écosystème régional ? Pourquoi ne pas avoir tout simplement ajouté le dispositif IDÉE Parcours au dispositifs existants afin d’en augmenter la force.

Nous ne remettons pas en cause la pertinence du dispositif IDEE Parcours.

Nous saluons son ancrage scientifique et sa volonté de massifier une nécessaire transformation au niveau culturel ou social.

Mais nous refusons le double discours, les incohérences politiques, et le manque d’exemplarité des décideurs régionaux.

Alors, à la majorité régionale, je dis ceci :

Commencez par vous appliquer à vous-mêmes ce que vous demandez aux citoyennes et citoyens.

Montrez que vous croyez à ces récits. Engagez-vous pour de bon. Cessez d’avoir un discours dénigrant l’écologie tout en prétendant porter des politiques vertes ici, dans cette assemblée.

Car ce n’est que lorsque les actes seront cohérents avec les discours, que le récit collectif pourra devenir une réalité partagée.

Alors seulement, il deviendra crédible.

Alors seulement, il permettra la transformation.

Je vous remercie pour votre écoute attentive qui saura, j’en suis convaincu, vous permettre de gagner en cohérence.

Je vous remercie.