Monsieur le Président, chers collègues,
Nous abordons aujourd’hui l’actualisation du Plan de mobilité employeur de la Région Normandie. Il ne s’agit pas d’un simple ajustement technique ou administratif. Ce plan s’inscrit dans un contexte d’urgence climatique qui nous impose d’agir vite, fort et collectivement.
Nous le savons, les effets du changement climatique sont désormais visibles, concrets, et en accélération. En Normandie, le GIEC normand a rappelé avec force que nous n’avons que dix ans pour inverser la tendance, pour atténuer les effets les plus graves et adapter nos modes de vie à la réalité du dérèglement climatique. La mobilité est un levier central : elle représente près de 30 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle nationale, et demeure un enjeu majeur en matière de pollution de l’air, de bruit, de santé publique.
Dans ce contexte, l’exemplarité des institutions publiques est non seulement souhaitable, mais indispensable. Notre collectivité, en tant qu’acteur territorial majeur, se doit de montrer l’exemple, de démontrer que des solutions sont possibles, applicables et efficaces. Le Plan de mobilité employeur est une pierre angulaire de cette responsabilité collective.
Mais malheureusement, à la lecture du document qui nous est présenté, force est de constater que l’ambition n’est pas au rendez-vous.
Le premier constat que nous faisons, c’est celui d’un plan 2021 qui a largement échoué dans sa mise en œuvre. Trois ans après son adoption, seulement 28 % des sous-actions prévues ont été réalisées. Ce chiffre, à lui seul, est révélateur d’un manque de pilotage, d’un défaut de priorisation, et d’une difficulté manifeste à inscrire la mobilité durable dans le fonctionnement réel de notre administration.
Les raisons invoquées – flou dans le pilotage, manque de temps des directions, perte d’intérêt pour certaines actions – sont autant de signaux inquiétants sur la place réelle de cette politique dans l’agenda régional. Peut-on vraiment se satisfaire de ces explications alors que l’urgence climatique s’impose à nous avec autant de force ?
La version 2025 proposée aujourd’hui reprend un certain nombre d’actions intéressantes. Elle simplifie, elle tente de relancer la dynamique, elle actualise le diagnostic. C’est un effort, certes. Mais cet effort reste en deçà des enjeux.
Sur le fond, les mêmes blocages subsistent :
• Le télétravail est encouragé mais toujours mal accompagné dans sa mise en œuvre managériale.
• Le covoiturage repose toujours sur une application critiquée (Tuboujou), peu ergonomique, et mal connue.
• Les transports en commun sont présentés comme une alternative… mais les systèmes de réservation sont complexes, rigides, et le remboursement des frais reste lent.
• Les mobilités actives progressent… mais les infrastructures de base sont insuffisantes : peu de douches, peu de casiers, flotte vélo partiellement hivernée une partie de l’année !
• La valorisation de la marche à pied, pourtant essentielle, est quasiment absente.
• Et l’information, pourtant clé du changement de comportement, reste éclatée, dispersée, peu personnalisée.
Le volet dédié aux agents des lycées reste trop timide, malgré le fait qu’ils représentent les deux tiers des effectifs de notre collectivité. Surtout, il ne répond pas à l’impératif d’agir de manière différenciée selon les territoires. En effet, les lycées implantés en zones rurales ou dans les petites villes, souvent mal desservis par les transports en commun, sont confrontés à un isolement structurel en matière de mobilité. Pour ces agents, la voiture individuelle reste souvent la seule option. Pourtant, ce sont justement ces établissements qui auraient le plus besoin d’un accompagnement renforcé, d’un appui logistique, d’une réflexion sur le covoiturage organisé, voire de solutions de navettes régionales coordonnées.
L’autonomie des établissements ne doit pas devenir un prétexte à l’inaction. La Région a les moyens d’agir, notamment via ses compétences en matière d’aménagement, d’équipement ou de conventions d’objectifs avec les lycées. Or, le plan présenté n’apporte pas de réponse structurée, ni de stratégie ciblée pour ces territoires éloignés. Il n’y a pas de plan de déploiement, pas de priorisation géographique, pas de vision globale.
Le dialogue avec les autorités organisatrices de la mobilité est évoqué, mais il reste flou, non opérationnel, et sans articulation réelle avec les besoins concrets des personnels en zones peu denses.
Nous saluons toutefois la qualité de l’enquête menée auprès des agents. Les résultats sont éclairants : ils montrent une forte volonté de changement, un potentiel avéré d’évolution des comportements. Près d’un tiers des agents déclarent pouvoir abandonner leur voiture au moins une fois par semaine. Cela montre que la transition est possible. Mais cela ne suffira pas sans des actions fortes, visibles, concrètes.
Les agents ont formulé des propositions claires : navettes entre les gares et les sites, valorisation de la marche, intégration des plateformes de réservation, aides à l’achat de vélos, équipements de sécurité… Ces idées sont là, elles sont riches, elles doivent être reprises, amplifiées, mises en œuvre.
En conclusion, ce plan manque de souffle, et la Région manque l’occasion de faire preuve d’exemplarité.
Le Plan de mobilité 2025 de la Région Normandie va dans la bonne direction, mais à pas comptés, dans une course de fond qui exige au contraire un sprint. Face à l’urgence climatique, il ne suffit plus d’ajuster, de lisser, d’actualiser. Il faut transformer, accélérer, mobiliser massivement.
En l’état, ce plan reste en-deçà de l’exemplarité attendue pour une collectivité comme la nôtre. Il manque de portage politique fort, de moyens dédiés, de cohérence inter-services, et d’un suivi rigoureux.
Pour toutes ces raisons, le groupe Normandie Écologie s’abstiendra sur cette délibération. Ce n’est pas un refus de principe. C’est un appel à revoir nos ambitions à la hausse. Nous restons pleinement mobilisés pour travailler à un plan de mobilité plus structurant, plus engageant, à la hauteur des enjeux climatiques et des attentes des agents.
Je vous remercie.