Assemblée Plénière – Lundi 24 mars – Intervention de Véronique Bérégovoy relative à l’avenant n°1 au protocole d’accord pluriannuel du Pacte d’Investissement dans les compétences 2024-2025

Monsieur le Président, mes chers collègues,

A travers la délibération n°6, vous nous proposez de consacrer une enveloppe financière spécifique pour la formation de demandeurs d’emplois dans le cadre de la construction de deux nouveaux réacteurs EPR2 à Penly. Une fois de plus, vous prenez le risque de tout miser sur le nucléaire alors que cette filière n’a jamais été confronté à autant d’incertitudes, de dérapages financiers et temporels.

Nous sommes, bien évidemment, d’accord pour accompagner les personnes les plus fragiles en recherche d’emploi mais orientons les vers les vrais filières d’avenir ; la filière des énergies renouvelables, la filière de la rénovation énergétique des bâtiments et des logements. Ces filières devraient être soutenues massivement à travers le développement de formations dans différents secteurs dont elles ont besoin. Elles participent tout autant à l’insertion professionnelle des plus fragiles et au développement d’emplois qualifiés de proximité et en plus, tout en garantissant la baisse de nos consommations et factures énergétiques, tout en apportant des solutions rapides et efficaces pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre.

Malgré cela, ce sont des moyens financiers colossaux qui sont engloutis dans la filière nucléaire, au détriment des énergies renouvelables dont les budgets qui leurs sont alloués sont tellement faibles au regard de cette filière !

Pourtant, le dernier rapport de la cour des comptes concernant la filière nucléaire et l’EPR est édifiant. Il actualise le coût pharaonique de l’EPR de Flamanville à plus de 23 milliards d’euros tout en soulignant sa rentabilité médiocre. De plus, il révèle l’impréparation de la filière pour relancer une série d’EPR. La crédibilité et la fiabilité financière de la technologie EPR sont structurellement remises en question.

Ce rapport précise qu’il n’est pas possible en l’état de se lancer dans la construction de nouveaux EPR. Dès 2020, la cour des comptes avait recommandé de calculer la rentabilité prévisionnelle de Flamanville 3, de l’EPR2 et d’en assurer le suivi mais cela n’a jamais été mise en œuvre. C’est est irresponsable, dangereux et tout simplement scandaleux au regard des sommes en question.

Et comme si cela ne suffisait pas, dernièrement Mr Vincent BERGER, la haut-commissaire à l’énergie atomique a demandé à l’Etat ; ni plus ni moins, de ralentir le développement du photovoltaïque en raison de risque de surproduction d’électricité sans, bien sûr, remettre en cause le nouveau programme nucléaire ! On croît marcher sur la tête quand on sait que le coût du kwt du photovoltaïque est trois fois moins élevé que l’EPR et qu’il devient urgent de développer les ENR, tellement nous sommes en retard en France et dans notre région.

Mais vous préférez être à la merci du lobby nucléaire qui pourtant n’a qu’une seule obsession, se relancer pour sa propre survie, au détriment de l’intérêt général, au détriment de la baisse du coût de l’énergie, au détriment de politiques de sobriété et d’efficacité énergétiques, au détriment de la lutte contre le réchauffement climatique ainsi qu’au détriment de notre indépendance énergétique

Est-il besoin de rappeler, que nous importons 100% de notre uranium et que nous sommes complétements dépendants de quatre fournisseurs que sont le Kazakhstan (30%), le Niger (20%), l’Ouzbekistan (20%) et la Namibi (15%). Et qu’aujourd’hui, ces 4 pays font partis intégrantes de la sphère d’influence politique et économique de la Russie et de la Chine.

Cette situation devrait, quand même, à minima, nous interroger quant à la question de la sécurité de nos approvisionnements ainsi que la pérennité de notre modèle électrique centré sur le nucléaire dans un contexte de tensions extrêmement tendues au niveau international ?

Et bien non, de manière inconditionnelle et dogmatique, vous continuez, quoiqu’il en coûte, de tout miser sur l’énergie nucléaire qui pourtant, chaque mois sur notre territoire, nous a apporté son lot de péripéties, de déboires pour ne pas dire scandales pendant des années : malfaçons, retards accumulés, dérapages financiers exorbitants, exploitations de salariés, mise en danger…

Avec le nouveau chantier à Penly, la main sur le cœur, tous les défenseurs du nucléaire nous ont promis que toutes les leçons, du chantier « assez catastrophique » de Flamanville 3, avaient été tirés, que nous avions le fameux retour d’expérience.

Et bien il n’en est rien, à peine commencé, comme l’a rappelé mon collègue Rudy L’Orphelin, un premier scandale a émergé à propos de la mauvaise qualité du béton ; en effet, un des composants du béton destiné à la construction du futur réacteur présente des non-conformités majeurs, à tel point que l’ASN, l’agence de sûreté nucléaire somme EDF de justifier la qualité de ce produit.

Ensuite, concernant les retards, entre le moment ou vous avez écrit cette délibération et aujourd’hui, un retard de trois ans est déjà annoncé à propos de la mise en service des nouveaux EPR à Penly et ce n’est que le début ! A ce rythme-là, la crise climatique et énergétique aura eu raison de nous !

Et pour terminer, l’explosion des coûts faramineux des six futurs EPR2, passant de 56 milliards à 80 milliards d’euros sans que l’on sache qui va payer la facture ?

Jusqu’où la puissance du lobby nucléaire va t’elle nous mener, jusqu’où l’aveuglement, le déni et l’irresponsabilité politique vont ils nous mener ?

Comme vous l’aurez compris, nous voterons contre cette délibération.

Je vous remercie.