Monsieur le Président, chers collègues,
Nous avons reçu il y a quelques jours une invitation de Madame Lutrot pour une formation sur le Budget vert – un budget vert que nous appelons de nos vœux depuis le début du mandat -, le mail d’invitation rappelant que la loi de finances pour 2024 impose désormais aux collectivités de plus de 3500 habitants de publier, à partir de cette année, une annexe budgétaire intitulée « Impact du budget pour la transition écologique ».
Depuis 2023, nous avons également noté que la maquette du CPER s’assortit désormais d’une annexe fixant un cadre national relatif aux critères d’éco-conditionnalité – ce que nous appelons également de nos vœux assemblée après assemblée.
Pour les 5 volets du CPER, une liste nationale de critères impose de considérer la performance écologique des projets, ainsi que des clauses relatives à l’emploi et à l’insertion sociale. Je cite le rapport : « Le principe d’éco-conditionnalité doit donc être appliqué comme élément d’appréciation transversal de l’ensemble des projets du contrat de plan (…) et exclure du financement du CPER des projets qui auraient des incidences néfastes pour l’environnement. »
Vous nous avez rappelé, Monsieur le Président, que le Contrat aujourd’hui présenté n’est qu’une consolidation du Contrat présenté en 2023, auquel vous avez intégré l’Avenant Mobilité – comme vous le demandait Rudy L’Orphelin dans son intervention de juin 2023.
Le préambule du Contrat rappelle à juste titre les multiples crises auxquelles nous sommes exposés, auxquelles nous pouvons rajouter aujourd’hui la lourde crise géopolitique ouverte par l’élection de Donald Trump. Avec cette élection, comme avec la montée des extrêmes droites dans le monde, nous notons que les enjeux climatiques sont balayés, et que la course folle aux énergies menace l’équilibre et la sécurité de ce monde.
Face à ces périls, les collectivités doivent tenir bon, et offrir protection à leurs habitants.
Nous regrettons à ce titre que la transition écologique ne soit toujours pas une priorité de ce Plan, avec un total de crédits Etat-Région qui la place à l’avant-dernière position des 5 Volets du Plan. On y trouve pêle-mêle 100 M€ pour la rénovation thermique des bâtiments, 56 M€ pour les énergies renouvelables et l’économie circulaire, 80 M€ pour la protection de l’eau et de la biodiversité, 3 M€ pour la prévention des risques majeurs, 42 M€ le renouvellement urbain, et enfin 15 M€ pour l’adaptation au changement climatique – dans une Région aux 640 kms de côte ! Ce sera l’objet de notre deuxième amendement.
Concernant les énergies renouvelables, au moment où l’on apprend que les nouveaux EPR ne seront pas livrés au mieux avant 2038 – faute de devis et de garanties techniques et financières sur la viabilité des projets -, la Région Normandie s’illustre par son obstination idéologique contre l’éolien et le solaire – des énergies pourtant immédiatement disponibles et compétitives, avec de très bons potentiels sur la Région. Avec seulement 1 GW de puissance éolienne terrestre installée sur le territoire, et tout juste 2% de la puissance solaire installée à l’échelle nationale, la Normandie décroche, alors que tous les scénarios prospectifs (ADEME, RTE, Négawatt, etc.) soulignent la nécessité impérieuse d’agir dans cette décennie contre le changement climatique. Ce sera l’objet de notre amendement n°1.
En ce qui concerne les mobilités, nous notons certes un renversement de la tendance par rapport à la première phase du CPER 2021-2022, où nous déplorions un investissement dans les projets routiers du double de celui dans le ferroviaire, avec 260 M€ pour le routier contre 134 M€ pour le ferroviaire.
L’avenant 2023-2027 renverse ce rapport avec près de 580M€ pour le ferroviaire (y compris les SERM), contre 225 M€ pour le réseau routier.
Le 14 mars dernier, le journal du BTP, Le Moniteur, a publié un dossier sur les routes, intitulé « Reconstruire la route sur la route », avec ces questions en préambule : « Et si le réseau routier avait atteint son apogée ? Et si, désormais, les travaux ne se résumaient qu’à de l’entretien et de la maintenance ? »
Et ce constat qu’« en pratique, ce recentrage sur l’existant a déjà produit ses effets, dans les entreprises comme chez les donneurs d’ordres », avec « une transition des métiers de la route qui s’accompagne (…), cela va sans dire, d’interrogations financières. »
Après l’arrêt brutal de l’A69 sous le coup d’une décision de justice, assisterions-nous donc à l’enterrement, sans tambours ni trompette, du vieux projet d’autoroutes A133 et A134 à l’Est de Rouen ?
Les réalisations en cours sur les têtes sud et nord du Pont Flaubert à Rouen – achevant ainsi le contournement de la ville par l’Ouest (comme le signifiait Jean-Louis Borloo, alors Ministre de l’Écologie, lors de l’inauguration du Pont Flaubert en 2008) – semblent aller dans ce sens.
Pour le ferroviaire en revanche, si nous saluons la volonté affichée d’investir, nous regrettons votre manque d’ambition, afin d’accélérer la mise en place massive des reports de la route vers le fer, pour les voyageurs comme pour le fret.
Si par la volonté des élus de la Métropole Rouen Normandie les travaux du SERM de Rouen vont effectivement pouvoir se concrétiser, avec près de 300 M€ d’investissements (entre les travaux et les études), le SERM de Caen lui reste au point mort, avec à peine 2,5 M€ d’études.
Si le manque de volonté politique des élus locaux en est une explication, nous ne voulons pas entendre que ce serait un manque de moyens, au moment où la Région Normandie reste l’une des dernières régions de France à refuser de mettre en place le versement mobilités des entreprises, au profit de la mobilité des normands – y compris des salariés de ces entreprises – et du transport de marchandises. Ce manque à gagner, chiffré à 40 M€ par an par France Urbaine, amènera là encore au décrochage de notre Région par rapport à toutes celles qui sauront prendre ce train !
Loin du Plan Marshall ferroviaire de votre programme électoral, Monsieur le Président, nous allons ainsi d’abandon en abandon. La mobilité des normands est pourtant un enjeu majeur face aux crises, y compris en zone rurale. Quid de la réouverture des « petites » lignes, du développement des transports en commun et du réseau cyclable ?
Ici vous annoncez le renoncement à la liaison entre les Préfectures voisines d’Evreux et Rouen. Et là c’est la capitulation sur les travaux indispensables du Mantois, face à la Présidente de la Région Ile de France et à vos amis politiques, élus des Yvelines.
S’il faut raisonnablement renoncer à l’irréaliste LGV Paris-Le Havre, le tronçon LNPN du Mantois est lui en revanche indispensable, pour donner à la liaison Paris-Normandie ses propres sillons, au profit de la fluidité des transports pour les Normands et les franciliens, ainsi que pour les tonnes de marchandises nécessaires à l’alimentation de la Région capitale.
Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, avec ce hiatus entre un affichage écologique et la volonté concrète de mise en œuvre avec des financements adéquats, nous nous abstiendrons sur ce Plan.
Je vous remercie.
AP 25-ADT-06-03 1
RÉGION NORMANDIE
Conseil Régional
Réunion du 24 mars 2025
Groupe Normandie Écologie
Amendement n°1 déposé par Laetitia Sanchez et Rudy L’Orphelin :
I. – Augmenter les crédits Région du sous-volet 3-2 » Efficacité énergétique et développement des énergies renouvelables » du Contrat de plan État-Région 2021-2027 pour la Normandie de 35 033 500€
II. – Cette augmentation entraînera un ajustement des crédits pluriannuels lors du vote du Budget primitif 2026
Exposé sommaire :
Cet amendement vise à augmenter les crédits régionaux destinés au financement des énergies renouvelables via le CPER 2021-2027 pour atteindre un niveau équivalent à ceux engagés par l’État via l’ADEME.
Le potentiel de développement des énergies renouvelables à l’échelle de la région est explicitement mentionné dans le CPER. Bois-énergie, méthanisation agricole et industrielle, éolien terrestre, éolien offshore, hydrolien et photovoltaïque ; les gisements disponibles sont importants et variés.
Ce constat ne débouche cependant sur aucune ambition d’accélération de leur déploiement. En particulier, en refusant de soutenir les projets d’éolien terrestre et offshore et de solaire photovoltaïque hors autoconsommation, la Région se prive des deux leviers les plus importants pour produire de l’électricité bas-carbone bon marché et réduire rapidement notre dépendance aux énergies fossiles.
Si le solaire photovoltaïque tend à se développer, sa progression reste insuffisante au regard des objectifs fixés au niveau national. Le potentiel de développement de l’éolien offshore reste important et, là encore, de nouveaux investissements devront être réalisés. Quant à l’éolien terrestre, la Normandie occupe seulement la 10ème place des régions métropolitaines en termes de puissance installée.
Les crédits affectés au développement des énergies renouvelables dans le CPER sont finalement largement insuffisants pour compenser le retard de la Normandie en matière de production d’énergie d’origine renouvelable. Nous proposons donc d’augmenter les financements régionaux destinés aux énergies renouvelables à hauteur de ceux de l’État et de ne pas exclure l’éolien terrestre et offshore des financements dans le cadre du CPER.
AP 25-ADT-06-03 1
RÉGION NORMANDIE
Conseil Régional
Réunion du 24 mars 2025
Groupe Normandie Écologie
Amendement n°2 déposé par Laetitia Sanchez et Rudy L’Orphelin :
I. – Augmenter les crédits Région du sous-volet 3-6 « Approches territoriales et Adaptation au changement climatique » du Contrat de plan État-Région 2021-2027 pour la Normandie de 35 000 000€
II. – Cette augmentation entraînera un ajustement des crédits pluriannuels lors du vote du Budget primitif 2026
Exposé sommaire :
Cet amendement vise à augmenter les crédits régionaux du CPER 2021-2027 destinés spécifiquement à l’adaptation desterritoires au changement climatique.
Les conséquences etles risques liés au changement climatique doivent inciter l’État comme l’ensemble des collectivités à prendre en compte les enjeux d’adaptation dans l’ensemble de leurs stratégies et de leurs projets. Les travaux du GIEC, en particulier le deuxième volet du sixième rapport (« Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability ») et ceux du GIEC normand, mentionnés dans le projet de CPER, démontrent la nécessité d’une adaptation globale, à toutes les échelles et dans tous les domaines.
Il est également essentiel d’affecter des moyens spécifiques à des politiques et des projets d’adaptation. Engager seulement 15 M€ sur 6 ans paraît déconnecté de la réalité des conséquences actuelles et futures du changement climatique et les carences de l’État en matière de financement ne peuvent justifier un engagement aussi faible de la Région. Car les prochaines années seront cruciales non seulement pour nous adapter aux impacts immédiats du changement climatique, mais aussi pour préparer les mesures d’adaptation des décennies suivantes.
C’est pourquoi nous proposons d’augmenter les crédits destinés aux mesures d’adaptation au changement climatique. Grâce à cette augmentation, en plus de financer des études relatives aux risques liés au changement climatique, des études foncières préalables, la relocalisation d’activités, la renaturation et la restauration de friches et de parcelles agricoles, la Région s’engagera via des « contrats littoraux d’adaptation au changement climatique » avec les intercommunalités et amorce la création d’une foncière littorale, en lien avec l’EPFN et le Conservatoire du littoral, pour créer des réserves foncières à horizon 2030, 2040, et 2050.