Assemblée plénière – Mardi 2 mai 2023 – Intervention de Guillaume Hédouin relative aux dispositifs de soutien au tourisme

Assemblée plénière

Mardi 2 mai 2023

Intervention de Guillaume Hédouin relative aux dispositifs de soutien au tourisme

M. le président, chers collègues,

Nous devons nous pencher aujourd’hui sur les nouveaux dispositifs d’aides de notre Région suite au vote de la Stratégie de développement touristique qui doit nous occuper de 2022 à 2028.

Nous avions pu exprimer nos réserves sur celle-ci, en particulier sur le caractère ambivalent entre la volonté de promouvoir un tourisme durable et celle de développer les clientèles lointaines.

Nous connaissons toutes et tous la nécessité de développer un tourisme bas carbone afin de respecter les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre, comme le GIEC normand nous y incite régulièrement. Comme l’indique la Stratégie touristique que notre assemblée a adoptée, les transports représentent 77 % des émissions de gaz à effet de serre, dont 53 % pour le seul secteur aérien.

Il n’existe aucun moyen aujourd’hui d’avoir des aéroports à bilan carbone positif, sauf à ne pas y voir décoller ou atterrir des avions. La future production solaire de l’aéroport de Deauville avec ses 60 Mégawatts permettrait d’alimenter un vol d’environ 1500 km. Avouons-le nous, construire un aéroport pour réaliser un vol de 750 km aller-retour par an paraît déraisonnable.

Il ressort pourtant que la clientèle nord-américaine est particulièrement ciblée avec la promotion du tourisme autour du débarquement allié en Normandie ; ou l’impressionnisme, deux thèmes appréciés aux États-Unis.

Dans un autre registre, comment promouvoir les navires de croisière dont la consommation énergétique dépasse très largement celle des navires de transport afin d’alimenter 24h sur 24 l’ensemble des dispositifs installés à leur bord, tous aussi énergivores les uns que les autres. Les bénéfices que les ports tirent des escales restent localisés et concentrés autour des centres-villes ou des grands équipements touristiques situés à proximité et sont loin de profiter à l’ensemble de notre région.

Il existe pourtant bien un tourisme décarboné qui passe par la promotion des trains, des transports doux et de la répartition sur tout notre territoire des visiteurs touristiques. Vous avez bien indiqué dans la stratégie que vous proposez que l’attractivité normande est aussi dans nos villages, nos campagnes, notre histoire, notre littoral : engageons ce tournant pour faire de la Normandie la première région éco-touristique de France.

Nous regrettons une nouvelle fois que les aides proposées ne soient pas soumises à des conditions écologiques. Si vous indiquez que les porteurs de projets doivent prendre en compte les notions de développement durable et de transition écologique, aucun cahier des charges ou grille ne permet d’exclure des projets qui seraient particulièrement dommageables à l’environnement ou particulièrement émetteurs de gaz à effet de serre. Ne serait-il pas souhaitable que la description des projets qui accompagnent les demandes de subventions intègre obligatoirement un volet environnemental structuré ?

Les aides aux événements touristiques d’envergure régionale continuent de privilégier les thèmes que vous avez lancé lors de votre mandat précédent, particulièrement sur le tourisme de mémoire, l’Impressionnisme, la Normandie médiévale. Nous espérons que l’inflexion que vous avez prise sur le tourisme de plein air pourra lui permettre de bénéficier aussi des aides de la Région sur les événements qui pourraient advenir sur ce thème.

Nous vous rejoignons sur la nécessité de travailler sur les lieux d’accueil de vacances pour tous et de permettre au plus grand nombre d’accéder à des sites de vacances adaptés et rénovés. Au-delà des aides qui pourront être apportées aux porteurs de projet, un travail serait à mener pour faciliter le déplacement des publics, y compris au sein même de notre région, par notre réseau ferroviaire. La modulation des tarifs des billets de train permettrait à de nombreuses normandes et normands de bénéficier des sites touristiques de leur région à un prix accessible.

Comme vous l’aurez probablement compris, nous ne sommes pas favorable à la mise en place d’une politique d’aide qui accompagnerait le développement des croisières, et qui ne bénéficiera in fine qu’à un nombre restreint d’opérateurs économiques. Ces aides seraient plus profitables sur des filières qui engagent notre région dans un tourisme bas-carbone et nous ne voyons pas d’aides équivalentes pour faire de nos gares des hubs touristiques avec prestations de déplacements doux et de coordination des acteurs locaux.

Le besoin en activités de pleine nature correspond à une tendance de fond que nos concitoyennes et concitoyens expriment depuis plusieurs années et qui s’est vue renforcée par les épisodes de confinement. Pourtant, ces activités ne correspondent pas toujours avec ce que les milieux naturels sont capables de supporter. La Normandie a la chance de bénéficier de réseaux de sentiers, d’un littoral diversifié, de cours d’eau nombreux et variés, de paysages attractifs. La préservation de ces ressources passe aussi par un accompagnement des porteurs de projet afin de respecter les capacités d’accueil inhérentes à chaque milieu. Les acteurs touristiques ont besoin d’être accompagnés pour promouvoir leurs activités tout en préservant notre nature normande.

Chaque rivière n’a pas forcément vocation à accueillir des kayaks et chaque falaise à être escaladée. La mise en relation des opérateurs touristiques avec les structures de protection de l’environnement est une nécessité afin d’accompagner au mieux le développement des activités de pleine nature et la compréhension et le respect de notre environnement.

Nous regrettons que les aides sur le vélo ne soient limitées aux 5 kilomètres des grands itinéraires régionaux, limite qui n’est pas mise en place sur les itinéraires équestres.

Les aides aux lieux de visite donnent à nouveau la priorité aux thématiques dites d’excellence, les autres thèmes devant justifier d’une étude de faisabilité et démontrer leur caractère structurant. Ces critères réduisent la chance pour des projets originaux, inventifs ou innovants d’obtenir un soutien. En consolidant les thèmes déjà poussés sur la précédente mandature, notre région ne passe t-elle pas à côté du virage touristique qui sera tout autant nécessaire que sur les autres pans de nos activités économiques régionales ?

La stratégie que vous nous proposez et qui se traduit dans cette politique d’aide nous semble aujourd’hui à des lieues des impératifs de transition écologique. Alors que la stratégie laissait entrapercevoir un virage, avec des constats justes sur les émissions du secteur touristique, aucune aide majeure n’est mise en place pour encourager les acteurs à décarboner massivement. Pire encore, certaines aides viennent conforter des secteurs d’activités fortement émetteurs, allant à l’encontre de vos propres constats.

Ne pouvant scinder nos votes par dispositifs d’aides, Normandie Écologie ne pourra voter ce rapport et s’abstiendra.