Assemblée plénière Région Normandie – Lundi 26 juin 2023 – Intervention de Marianne Rozet relative à la feuille de route 2023-2030 « La Santé au cœur de l’action régionale »

Assemblée plénière Région Normandie

Lundi 26 juin 2023

Intervention de Marianne Rozet relative à la feuille de route 2023-2030 « La Santé au cœur de l’action régionale »

Monsieur le Président, chers collègues,

Merci de me donner la parole.

Dans la feuille de route proposée dans ce rapport sur l’action régionale pour la santé pour la période 2023-2030, un constat est fait sur l’état de santé global des normand.e.s : les indicateurs de santé de nos concitoyen.ne.s sont défavorables, ils se traduisent par une surmortalité et une mortalité prématurée supérieure à la moyenne nationale, un nombre plus important de cancers et de maladies cardiovasculaires, un taux de suicide supérieur à la moyenne Française. Force est de constater qu’avec la stratégie régionale pour la santé votée en avril 2017, rien n’a changé en ce qui concerne l’état de santé des Normand.e.s.

Le bilan est toujours aussi terrible !

Si le constat est le bon, quelle stratégie proposez-vous pour améliorer la situation ?

Cette feuille de route s’inscrit dans la continuité de la précédente qui s’est montrée inefficace. En effet, si elle a permis d’augmenter les places dans les formations de soignant.e.s et d’en créer de nouvelles, de financer la création et la modernisation d’établissements de santé, elle n’a donné que peu de résultats en termes d’amélioration de l’état de santé des Normand.e.s.

Des choses sont faites mais les effets ne se font pas sentir. Le manque de médecins généralistes, spécialistes, de dentistes se fait toujours plus criant dans nos territoires. Les services d’urgences sont saturés et leur accès en est rendu de plus en plus difficile. Augmenter l’offre de formation dans le domaine de la santé et les aides matérielles proposées est très utile mais clairement insuffisant.

Une réponse à la désertification médicale pourrait être un soutien fort à la création de centre de santé dans lesquels exercent des médecins salariés : cela se fait déjà dans certains de nos territoires mais la région pourrait être vraiment motrice : pour exemple la région Occitanie a créé le dispositif « Ma santé, Ma Région », un nouveau service public pour une santé de proximité. Dispositif qui semble porter ses fruits puisqu’il a permis la création de 7 centres de santé, l’embauche de 27 médecins et 13 secrétaires médicaux en moins d’un an. Ces installations se font en partenariat avec les collectivités territoriales (Départements et EPCI) et profitent autant aux médecins qui aspirent à une qualité de vie professionnelle et personnelle qu’aux patient.e.s qui retrouvent un accès aux soins.

Une autre solution eut été de réguler l’installation des médecins mais celle-ci n’est pas du ressort des régions et nécessiterait une volonté nationale. Pour rappel, le 14 juin dernier à l’assemblée nationale, un amendement visant cet objectif a été rejeté par le vote « contre » de l’ensemble des rangs de la droite.

Les actions proposées dans la feuille de route visent à améliorer l’accès aux soins, c’est important mais qu’en est-il de la prévention ? Elle apparaît en effet dans le quatrième et dernier objectif de ce plan à travers la phrase, je cite :

« Inciter les Normands à prendre soin de leur santé au quotidien. »

C’est tout ? Inciter les Normands à prendre soin de leur santé ? Comme si faire de la prévention ne tenait qu’à la responsabilité individuelle de nos concitoyen.ne.s ?

Mais alors, que faites-vous de tous les facteurs extérieurs ?

Sur le site de l’Observatoire Régional de la Santé, avec lequel la région travaille, on trouve une brochure dont le titre évocateur est : « Un territoire durable, une bonne santé ».

Je vous livre une citation trouvée dans ce document :

« Les conditions socio-économiques (métier exercé, niveau d’éducation, habitudes de vie – alimentation, pratique sportive…) et les facteurs environnementaux interviennent pour près de 80% dans la détermination de la santé et le bien-être d’une personne. »

Et, toujours dans ce même document, je cite Guy Launoy, Professeur de santé publique, de l’Université de Caen :

« L’amélioration de la santé de la population ne dépend pas que de l’organisation des soins mais dépend de l’organisation de la société qui est beaucoup plus large : l’urbanisme, la politique de transport, la politique de protection sociale… toutes ces politiques vont interférer avec la santé. Finalement, la santé est un enjeu intersectoriel. »

La région pourrait donc agir fortement pour la santé des Normands à travers ses compétences que sont l’aménagement du territoire et les mobilités par exemple.

La stratégie de la région mise en place en 2017 affichait des objectifs allant dans ce sens en proposant de « passer d’un système de santé centré sur le soin vers un système donnant toute sa place à la prévention » et « d’Inscrire la santé et la qualité de vie dans l’ensemble des politiques régionales ».

Sur le papier, rien à dire !

Mais en réalité, qu’avez-vous fait pour la qualité de vie et la prévention ?

Le rapport du GIEC Normand décrit bien comment le dérèglement climatique va impacter notre santé, à travers les canicules, l’arrivée de nouveaux agents infectieux, l’augmentation de la pollution atmosphérique, les problèmes de ressources en eau qui s’imposeront à nous…

Nous avons le devoir d’agir pour atténuer et nous adapter aux effets du dérèglement climatique. Je ne vais pas revenir sur nos arguments à ce sujet mais nous vous avons déjà largement exprimé depuis le début de ce mandat combien la politique de la région n’est pas à la hauteur de ces enjeux !

Pour exemple le SRADDET modifié et voté le mois dernier est un schéma qui propose encore et toujours un aménagement du territoire d’un autre temps. Il fait la part belle aux plateformes logistiques, aux zones commerciales et aux zones pavillonnaires le tout irrigué par des axes routiers toujours plus nombreux. Je ne vous parle pas de la politique pour les mobilités, qui privilégie les déplacements routiers, se refusant une véritable politique ambitieuse en faveur des transports les plus sobres en émissions de CO2 que sont les transports ferroviaires et les mobilités douces.

Autre exemple : dans le domaine de l’agriculture, nous savons que la transition vers l’agriculture biologique est la solution a bien des problèmes, que ce soit en termes d’autonomie alimentaire, de sauvegarde de la biodiversité, de lutte contre le dérèglement climatique mais aussi pour la santé de la population. Qu’avez-vous fait à ce sujet ? Si peu !

Avec une surface agricole utile tout juste doublée depuis 2015, passant de 3,3 % à 7 % pour l’agriculture biologique.

Cette feuille de route manque clairement d’ambition. Vous nous proposez un plan médical plus qu’un véritable plan santé. Les Normand.e.s méritent mieux que ça ! C’est pour cette raison que nous nous abstiendrons sur ce rapport.