Intervention de Bastien Recher sur le budget supplémentaire de la Région pour l’année 2022

Monsieur le président,
Madame la vice-présidente,
Mes chers collègues,

Nous l’avons évoqué à plusieurs reprises, nous n’avons plus le temps, le GIEC nous le rappelle, les épisodes météorologiques ou la canicule en Normandie, nous le rappellent.

Puisque nous n’avons plus le temps, nous voulons vous proposer une bifurcation par le biais des amendements que nous déposons sur votre projet de budget supplémentaire. Une bifurcation insuffisante mais qui permet de prendre un autre chemin et de construire la nécessaire réorientation des politiques publiques régionales.

Pour le moment votre bilan est simple : vous êtes le Président de l’austérité et du désarmement de la puissance publique régionale et vous êtes, pour le moment, le Président de l’inaction climatique.

Il n’est pas trop tard pour changer. Pour cela nous vous proposons d’utiliser autrement les nouvelles marges de manœuvre disponibles, de faire des économies sur des projets qui relèvent de l’écocide et d’investir dès maintenant pour les transitions.

I. Des politiques à réorienter, conforter ou abandonner dans les années à venir

I.1. Ce budget supplémentaire présente d’abord des ajustements techniques sans portée en matière de fonctionnement

La seule dépense qui semble anticiper l’avenir au regard du dérèglement climatique et du contexte international, ce sont les 2,5 M pour les dépenses d’électricité et de gaz des lycées. Mais ne croyez-vous pas que la Région devra commencer à se poser sérieusement la question de la dépendance aux énergies fossiles ? a minima pour ce qui concerne son propre patrimoine ? C’est le sens d’un amendement que nous déposons

En revanche, les 800 000€ pour développer le bio carburant sur la ligne Paris-Granville sont à interroger au regard de la crise des matières premières alimentaires que nous rencontrons.  

On peut aussi s’interroger sur les 980 000€ pour le dispositif Normandie Haie adopté pourtant en décembre dernier et qui aurait pu être directement dans le budget prévisionnel.

Précipitation ou impréparation ?

II.2. A l’inverse, les ouvertures d’AP sont massives et interrogent sur la vision à long terme déployée par l’exécutif

Près de 500 M€ d’autorisations de programme (AP) supplémentaires qui sont liés essentiellement à l’arrivée à maturation des négociations des contractualisations avec l’Etat et l’Union Européenne.

200 M€ pour le plan santé, qui interrogent au regard des besoins en matière de recrutement et de salariat de soignants : il serait plus opportun de mobiliser du fonctionnement pour cela que de l’investissement

30 M€ pour la convention Etablissement Public Foncier de Normandie (EPFN), dont nous avions trouvé qu’elle manquait d’ambition, notamment financière, et c’est le sens de l’amendement que nous portons.

L’ouverture d’AP pour le Contrat de Plan Etat-Région (CPER) mériterait des explications claires sur l’état des discussions avec l’Etat et la suite du calendrier.

D’autant que l’on trouve à nouveau, par exemple, pour le plan campus, des financements d’institutions privées, parfois confessionnelles. C’est le cas pour le financement de l’Institut Catholique de Paris…

Institut Catholique de Paris. Pour lequel une part des 5,5 M€ de nouvelles AP est donc réservé. Quel intérêt ?

Nous avons commencé à évoquer en Commission permanente le fait que la Région dépense beaucoup par étudiant pour les institutions privées mais peu pour ceux inscrits dans les universités normandes. Le chantage à l’installation, comme celui fait par Sciences Po au Havre, ne justifie pas un tel déséquilibre.

Le reste confirme que vous naviguez à vue :

  • 1,3 M pour des études sur les chaufferies de lycées « à bout de souffle » quand c’est l’ensemble du parc qui devrait être mis à niveau ;

Et « en même temps », 6,45 M pour des projets routiers de contournement d’un autre temps qui vont prolonger la dépendance des Normands à la voiture et à l’énergie fossiles.

Ce budget supplémentaire est la preuve que le bilan carbone de vos politiques régionales reste extrêmement élevé.

II. Puisqu’il est urgent d’agir, nous ne vous proposons pas maintenant un contre-budget, nous vous proposons une bifurcation

II.1. Utiliser autrement, utilement, les marges de manœuvre qui existent

Le budget supplémentaire montre que vous héritez de marges de manœuvre inattendues qui n’étaient pas prévues au budget prévisionnel 2022 :

  • Un excédent de clôture de 66,3 M ;
  • Et un excédent de recettes sur les dépenses de fonctionnement.

Ce sont donc 74,23 M d’auto-financement supplémentaire qui sont maintenant disponibles pour ce budget supplémentaire. Et qui s’ajoutent donc aux marges de manœuvre que nous pointions déjà dans le budget prévisionnel 2022.

Vous pouvez donc agir autrement sans remettre en cause radicalement les équilibres budgétaires de décembre dernier.

III.2. Des priorités claires à la hauteur des enjeux de notre temps et des transitions à construire rapidement

Tout d’abord nous vous proposons de supprimer les dépenses inutiles ou qui relève de l’écocide : ICP et routes. Ainsi la moitié des dépenses nouvelles que nous proposons sont financées par les marges de manœuvre nouvelles et par des économies.

Nous proposons d’amorcer un autre chemin que l’on pourrait retrouver dans les 3 axes suivants qui se déclinent en 9 amendements :

Un autre développement économique pour la Normandie :

  • Promouvoir une autre économie, un autre modèle de développement économique avec 12 M€ en plus pour l’économie sociale et solidaire ;
  • Renforcer le plan Normandie bâtiment durable de 20 M€ ;
  • Mettre en place un plan de rénovation thermique des lycées de 35 M€ ;
  • Créer une agence foncière agricole régionale pour 10 M€.

Amorcer la transition énergétique et protéger les territoires :

  • Investir pour des ENR vraiment vertueuses en soutenant l’éolien pour 20 M€ :
  • Mettre en œuvre un plan littoral d’adaptation au changement climatique pour 30 M€.

Lutter avec résolution contre l’artificialisation :

  • Augmenter la participation régionale dans le cadre de la convention avec l’EPFN de 35 M€ ;
  • Créer un fonds régional de compensation de l’artificialisation pour 10 M€ ;
  • Abonder de 28 M€ par an les nouveaux contrats de territoire devenus des contrats de transition.

Au total, ce sont moins de 200 millions d’€ de dépenses nouvelles, et pluriannuelles, quand l’épargne brute s’élève à 288 M€ pour 2021 et que vous prévoyez encore 234 M€ pour cette année.

C’est encore moins que la baisse des dépenses d’investissement de 293 M€ en 2021, du fait de l’arrêt du plan pluriannuel d’investissement ferroviaire.

Rien d’insurmontable, rien d’infinançable.

Conclusion :

Avec peu d’illusions, je dois l’admettre, je réserve donc le vote de notre groupe au sort qui sera fait à ces amendements que nous présentons.

Il n’est pas trop tard pour agir mais il est vraiment temps de prendre une autre direction. Nous espérons qu’à une opposition constructive répondra une majorité responsable.

Le lien vers les amendements au budget supplémentaire pour l’exercice 2022 : Assemblée plénière – Lundi 20 juin 2022 – Amendements relatifs au budget supplémentaire – Normandie Ecologie – Les élu·es écologistes de Normandie (normandie-ecologie.fr)