Intervention et amendements de David Fontaine et Geneviève Augé relatifs à la nouvelle politique régionale en faveur de la filière équine

Assemblée plénière

Lundi 20 juin 2022

Intervention et amendements de David Fontaine relatifs à la nouvelle politique régionale en faveur de la filière équine

Intervention :

Monsieur le Président, cher.e.s collègues,

L’équitation est le 3ème sport français en nombre de licenciés. La Normandie est une référence, que ce soit en nombre de chevaux, en équipements et lieux de pratiques, centres équestres, lieux d’élevages, ou cliniques. L’équitation a deux images qui lui collent à la peau : la course d’un côté, avec ses paris et ses millions engendrés pour quelques-uns, mais aussi le peu d’accessibilité populaire d’un sport pourtant très complet et aux effets très bénéfiques dans de nombreux domaines.

Je connais personnellement ce monde dans ce qu’il a de plus sain et de plus humain, les lieux associatifs et les clubs de petits propriétaires en saut d’obstacles et dressage, loin des milliardaires. Car si nous avons une passion commune pour notre région Monsieur le Président, nous en avons une seconde, ce sont les chevaux. Prendre soin est le cœur de ce sport, le lien avec l’animal est puissant pour peu qu’on l’envisage comme un partenaire sportif et non comme un investissement financier ou une usine à rentabilité.

Le soutien régional à cette filière est stratégiquement décisif et n’est pas nouveau. Au fil des décennies, pour l’emploi et l’attractivité, la Normandie s’est dotée d’équipements innovants de très haute qualité, de championnats attrayants pour les cavaliers français comme du monde entier (je veux citer par exemple la qualité exceptionnelle d’EquiSeine qui reviendra en novembre prochain au parc expo de Rouen) et de nombreux évènements locaux qui multiplient les challenges, rencontres et découvertes.

Tous les enfants abordent avec joie un passage par l’équitation. Concentration, maîtrise de ses émotions, apaisement psychologique, exigence du soin donné à son animal-partenaire, ce peut être un lieu populaire d’enseignement, d’apprentissage, d’éducation et de culture. Pourtant, crises après crises, face aux défis climatique, économique et social, nous devons rester humbles et ne pas tomber dans une surenchère qui inciterait quelques-uns à montrer du doigt un soutien public qui apparaîtrait comme déraisonnable alors que ce sport mérite notre bienveillance. Nos efforts d’investissement et de soutien aux nombreuses filières méritent un équilibre.

La situation financière de la région Normandie est relativement saine. Héritage de la précédente majorité, et continuité d’une gestion dite « sérieuse » des deniers publics, le peu d’endettement apparait vraiment comme un manque d’engagement de la force publique face aux immenses défis qui ne sont non plus « à venir » mais bien déjà présents. Conjuguer fin du monde et fin du mois n’est plus à regarder comme un projet mais bien comme une préoccupation urgente de tous les jours. J’illustre ce propos en précisant que je suis usager quotidien de la ligne Rouen-Le Havre pour me rendre à mon travail et je vous assure que nous sommes encore si loin du compte. Il faut encore acquérir des trains, cesser de supprimer des trajets, rouvrir les petites lignes, soutenir le personnel tout en baissant vraiment les prix des abonnements pour réussir la transition écologique qui sera bénéfique au pouvoir d’achat. Nous en avons tellement les moyens. Pourtant, si vous ne regardez pas à la dépense pour les chevaux, vous regardez à la dépense sur cette priorité régionale en ayant supprimé par exemple dernièrement des contrôleurs. Sans parler des soucis trop récurrents comme une porte du train défaillante où le conducteur sort de sa cabine à chaque arrêt pour aller l’ouvrir et la fermer manuellement puisqu’aucun autre agent n’est plus présent à bord. Je pourrais vous citer 10 anecdotes rien que sur les dernières semaines. Leur quotidien, notre quotidien, c’est cela.

Nous ne pouvons donc pas comprendre que le robinet soit paradoxalement si ouvert pour la politique équine à coût de millions d’euros. Je suis autant conseiller régional qu’usager, à cheval ou en train. Les discours et les actes, depuis cette assemblée jusqu’au quotidien des Normands, c’est cela que l’on nous demande de clarifier.

Cela dépend aussi de notre engagement pour la démocratisation de ce sport. Exiger le meilleur pour quiconque devrait être la base de toute décision publique. Alors oui nous pouvons vous suivre sur le soutien à une filière d’excellence à partir du moment où notre action collective la rend vraiment accessible au plus grand nombre. C’est le fondement de tout engagement d’une gauche ambitieuse et populaire.

Dans les 5 chapitres de votre politique, l’esprit de vos décisions la restreint encore à celles et ceux qui en sont le plus proches et aux propriétaires privés – et surtout les gros propriétaires privés – pour qui l’argent va toujours à l’argent, et les subventions aux plus gros investissements.  La conditionnalité des aides peut aussi s’appliquer dans le monde équin. Des exemples pourront toujours être donnés mais il faut écrire les prochaines années en mettant un axe fort sur les si nombreux clubs associatifs et petits propriétaires, et radicalement sur la transition écologique. Ils ont tous besoin, principalement les petites structures, de diminuer le coût de l’eau, de l’énergie et de la nourriture, qui sont les principales factures comme pour un ménage. Ils veulent agir massivement pour un environnement préservé. La Région peut être la locomotive d’un grand plan d’investissement pour les centres équestres qui donnent tant de plaisir aux gamins et tant d’emplois aux jeunes, souvent hélas trop précaires. Nous pouvons les accompagner pour des emplois plus durables, plus sécurisés plutôt que d’offrir des chèques aux propriétaires de Selle français (7000 naissent chaque année en France), avec toute la proximité que j’ai pour cette race formidable.

Soit la Région est en pleine forme financière, et dans ce cas le soutien massif à une filière d’excellence comme le cheval peut s’entendre « si et seulement si » nos autres politiques – solidarité / transport / transition écologique / santé – sont dotées proportionnellement d’autant d’attention. J’ajoute à cette liste tout à fait sérieuse que mon lycée stéphanais Le Corbusier aurait besoin de plus de soutien régional également. Ou alors il faut ménager nos dépenses comme vous le faites pour les transports régionaux et dans ce cas il faut aussi modérer notre engagement sur d’autres sujets, malgré ma passion pour celui-ci.

Je me tiens à votre disposition, comme au sein de Normandie Equine dont l’équipe réalise un beau travail, pour écrire durant le mandat collectivement de nouveaux axes encore plus forts pour l’équitation normande vers un projet plus solidaire, écologiste et populaire.

Amendements :

Amendement n°28 déposé par Geneviève Augé, Rudy L’Orphelin et Laetitia Sanchez :

À l’annexe 2 « Soutien aux investissements des entreprises équines de demain », dans la partie « Projets, dépenses éligibles/dépenses inéligibles », retirer les mots :

« les infrastructures ou le matériel d’occasion »

Exposé sommaire :

Cet amendement vise à supprimer l’obligation d’investissement dans des matériels et équipements neufs.

Les enjeux environnementaux nous invitent à la sobriété et devraient nous encourager au réemploi. Par ailleurs, la crise des matériaux, conséquence de la pandémie et de la guerre en Ukraine, rend difficile et couteux, voire impossible, l’approvisionnement neuf de certaines matières et de certains produits.

Amendement n°29 déposé par Geneviève Augé, Rudy L’Orphelin et Laetitia Sanchez :

Supprimer l’annexe 3 « Soutien à la performance des éleveurs normands de chevaux Selle Français ».

Exposé sommaire :

Cet amendement vise à supprimer le dispositif de soutien aux éleveurs de chevaux Selle Français.

Ces subventions sont principalement destinées aux élevages les plus importants et qui participent à des compétitions. Il serait préférable d’utiliser l’argent public là où il a le plus d’impact et en faveur de politiques qui profitent au plus grand nombre. Plutôt que de subventionner des compétitions et la sélection génétique d’une race qui n’est pas menacée, la Région pourrait renforcer son soutien aux petites structures, à l’ouverture de l’équitation à tous les publics ou encore aux apprentis et salariés de la filière.