Intervention de Laëtitia Malherbe sur l’expérimentation de la mise en place de salles dédiées à la pratique du e-sport

Assemblée plénière

Lundi 20 juin 2022

Intervention de Laëtitia Malherbe sur l’expérimentation de la mise en place de salles dédiées à la pratique du e-sport

Monsieur le Président, Cher.es collègues,

L’e-sport est une discipline en plein essor qui concerne plus de 9 millions de nos concitoyen.ne.s. Il est alors normal de s’intéresser à notre tour à cette jeune discipline.

Comme tout sport, la pratique compétitive de jeux vidéo permet le développement de nombreuses compétences : cognitives (planification, stratégie, prise de décision, gestion du temps…), physiques (reflexes, coordination, dextérité), sociales (travail en équipe, communication).

De plus, pour certaines personnes, la pratique des jeux vidéo est vecteur de sociabilisation grâce à la présence d’une forte communauté de joueurs et consommateurs, permettant ainsi le développement d’un sentiment d’appartenance, bénéfique au bien être psychique et physique.

Toutefois, l’e-sport nous questionne sur certains aspects.

Tout d’abord en termes d’égalité femme/homme. D’après le Baromètre France E-sports 2021, alors que la France compte 51% de femmes parmi joueurs de jeux vidéo, elles ne sont plus que 7% en compétition.

Comment expliquer une telle différence femme/homme, là où l’absence de différences biologiques devraient faciliter la mixité de la pratique ?

Cela peut s’expliquer évidemment par une construction sociale qui attribue aux hommes l’usage des jeux vidéo, qui loue la compétence masculine et l’incompétence féminine, mais aussi par de nombreux comportements sexistes dénoncés au sein de la communauté de consommateurs pouvant aller jusqu’au cyberharcèlement. 77% des joueuses ont déjà dû faire face à des remarques discriminantes lors de leurs performances (enquête Reach3 de 2020). 59% cachent ainsi leur genre, quitte a utiliser des logiciels pour modifier leur voix et se protéger des attaques constantes.

Nous ne pouvons promouvoir la pratique du E-sport sans nous questionner sérieusement sur la place des femmes dans cette pratique et les solutions à mettre en œuvre pour limiter la reproduction de ce schéma social à l’échelle.

Le deuxième point concerne l’impact écologique du E-sport. Laissons parler les chiffres. Rien que pour les PC et consoles de jeux vidéo, le coût écologique est estimé par année à 8 000 000 kg de plastique, jusqu’à 75 TW d’électricité (équivalent à 10 réacteurs nucléaires), et 12 000 000 de tonnes de CO2 aux USA (équivalents à 2 300 000 voitures) (sources : Berkeley National Laboratory, 2018 ; The Shift project, 2018). Ces chiffres datent de 2018 et nous savons que la consommation d’énergie numérique est en hausse de 9% par an. Nous avons donc de quoi nous inquiéter.

Choix du matériel, labels écologiques, consommation d’énergie… Là encore une réflexion poussée doit être menée pour trouver des moyens de réduire l’impact de cette activité sur notre planète.

En considérant cela, pour développer cette discipline sur notre territoire de manière responsable, nous devons mettre les moyens nécessaires pour améliorer l’accès aux femmes, prévenir et réduire les comportements sexistes et de cyberharcèlement, et rechercher des solutions permettant une réduction notable de l’impact écologique de cette pratique.

Ces éléments devront être pris en considération lors de l’analyse de cette expérimentation si elle est adoptée. L’étude des résultats de cette expérimentation pourrait ainsi déboucher sur une charte de bonne pratiques tenant compte de ces sujets.

En l’état actuel, nous nous abstiendrons sur cette délibération.