Intervention et amendements de Rudy L’Orphelin et Laetitia Sanchez sur la nouvelle politique Eau et changement climatique

Assemblée plénière

Lundi 20 juin 2022

Intervention et amendements de Rudy L’Orphelin et Laetitia Sanchez sur la nouvelle politique Eau et changement climatique

Intervention :

Nous consommons chaque jour 5000 litres d’eau, cachés dans nos assiettes et notre mode de vie.

Or depuis le début de l’année 2022, deux limites planétaires ont été franchies : l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère, et la perturbation du cycle de l’eau douce.

4 autres limites ont déjà été dépassées tels le changement climatique, l’érosion de la biodiversité et le changement d’usage des sols.

En 2009, des scientifiques ont en effet identifié et défini 9 limites planétaires. Il s’agit de 9 seuils à ne pas dépasser, au risque de déstabiliser gravement l’équilibre du système terrestre. Aurélien Boutaud, chercheur du CNRS, auteur du livre Les limites planétaires, fait cette comparaison : « Imaginez que des scientifiques vous disent que vous pouvez avancer sur la banquise jusqu’à 10 mètres et qu’ensuite la glace peut céder à tout moment. Aujourd’hui l’espèce humaine a dépassé cette limite, elle est à 15 mètres. Si la glace n’a pas encore cédé, cela peut arriver à tout moment. Avec le franchissement de ces limites planétaires, nous risquons un emballement irréversible du système. »

Le cycle de l’eau douce est la sixième limite planétaire à être franchie depuis le mois d’avril dernier. Le cycle de l’eau est très dégradé : cela signifie que nos sols ne sont plus capables de contenir l’eau, les cycles de l’azote et du phosphore étant eux aussi déjà touchés. Et comme les sols n’ont plus assez de matière organique pour conserver l’eau, à la moindre chaleur cette eau s’évapore. Alors les sols s’assèchent et meurent.

Et l’évaporation, c’est de la vapeur d’eau dans l’atmosphère, c’est-à-dire un gaz à effet de serre. Cette eau retombe ensuite violemment et s’écoule vers les océans. Et les sols dégradés n’étant plus capables de plus retenir l’eau, à cause de l’agriculture intensive, des monocultures, de la déforestation et du changement climatique, le cycle vertueux de l’eau se transforme alors en cercle vicieux évaporation-inondations. Et toutes les régions du monde sont concernées. Nous l’avons tragiquement éprouvé en Normandie, avec les pluies diluviennes de la Pentecôte qui ont noyé une femme à Rouen.

Or, loin de définir une réelle politique régionale de l’eau, vous publiez un énième APPEL A PROJET pour communiquer sur les bonnes pratiques. C’est un pansement sur des plaies !

Plutôt que de vouloir faire des actions exemplaires, l’urgence est de changer de logiciel et d’engager partout des actions d’adaptation au changement climatique. Arrêter l’artificialisation, végétaliser les toits, faire des chaussées et des parkings drainants, par exemples. Mais sur les secteurs touchés de Mont-Saint-Aignan ou Bois-Guillaume, on n’arrête pas de construire comme avant, partout du béton, du macadam, et cela continue avec de nombreux permis attribués pour des résidences sans mixité sociale et sans se soucier des conséquences sur le ruissellement. Le profit immédiat des promoteurs et des propriétaires des terrains l’emporte sur toute considération écologique.

Quant aux plateaux Est de Rouen, ils ne seront pas épargnés. C’est en effet sur la carte des « bétoires », ces entonnoirs naturels des sols calcaires qui recueillent les ruissellements et les eaux de pluie, que l’on veut implanter l’autoroute du contournement de Rouen. Mais si les terres qui seront préemptées ne sont pas constructibles, c’est en raison de la présence de ces bétoires dans la marne ! Vous rajouterez ainsi une nouvelle source de pollution des eaux souterraines.

En ce qui concerne les terres agricoles, on constate ces dernières années une augmentation de l’utilisation des pesticides, qui polluent les captages. C’est le problème majeur de la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine en Normandie, et je n’ai rien lu à ce sujet dans le document.

Faisons donc des agriculteurs des producteurs d’eau, à l’instar de ce que des écologistes ont mis en place près de chez moi dans l’Eure, sur la zone de captage des Hauts-Prés, en convainquant les présidents de Région et d’agglomération de l’époque d’y installer des agriculteurs biologiques plutôt qu’une usine de dénitrification à 10 millions d’euros !

Pour finir, est-ce une action exemplaire pour le changement climatique que de soutenir une méga sucrerie à Moulineaux – Grand Couronne, en zone inondable, qui polluerait la Seine et les captages tout proches ; qui mobiliserait 50.000 ha de terres agricoles pour la culture intensive de betteraves fortement consommatrices de pesticides, et notamment de néonicotinoïdes tueurs d’abeilles ; qui induirait des noria de camions pour acheminer les betteraves dans un rayon de 150 km, 1 camion par minute 24h/24 pendant 4 mois de campagne sucrière, et qui ferait mourir les 2 dernières sucreries normandes qui essaient de survivre à Fontaine le Dun et Etrepagny ? Est-ce cela une action exemplaire ?

Amendements :

Amendement n°30 déposé par Laetitia Sanchez et Rudy L’Orphelin :

Dans la partie « Considérant », ajouter le paragraphe suivant :

« La nécessité d’adapter l’ensemble de notre environnement aux conséquences du changement climatique sur le bien commun que constitue l’eau ; »

Dans la partie « Il vous est proposé », ajouter les paragraphes suivants :

«
● Que dans le cadre de l’exercice de ses compétences (lycées, infrastructures, transports collectifs, développement économique, etc.) la Région mette en œuvre sans délai l’ensemble des actions nécessaires à la protection, la lutte contre le ruissellement et les inondations ainsi qu’à maîtrise de la consommation de l’eau ;

Qu’un Rapport annuel soit présenté lors de la deuxième assemblée plénière de chaque année sur l’avancement des actions entreprises ; »

Exposé sommaire :

Le 28 mai, une équipe de scientifiques conduite par Johan Rockström pour le Stockholm Resilience Center publiait dans Nature une étude intitulée « Une limite planétaire pour l’eau verte ». Ils démontrent que les impacts anthropiques sur l’eau dite “verte” (précipitations, évaporation et humidité des sols) auraient été sous-estimés. Ils estiment, au regard de l’impact du changement climatique et les autres pressions humaines, que la détérioration du fonctionnement naturel du cycle de l’eau est déjà critique. Leur conclusion est claire : une nouvelle limite planétaire a été franchie.

Au niveau local, la succession des vagues de chaleur et des périodes de sécheresses nous donne un aperçu des conséquences du changement climatique et de la détérioration du fonctionnement du cycle de l’eau.

Dans ce contexte, la Région ne peut pas se contenter d’actions ponctuelles ou de déclarations d’intentions et doit mobiliser tous les moyens à sa disposition pour agir. Nous proposons que chaque volet de la politique régionale, chaque subvention, prenne en compte les diverses problématiques liées à l’eau et contribue à atténuer le changement climatique et les activités humaines en général et à s’adapter à ses conséquences sur le cycle de l’eau.

Amendement n°31 déposé par Laetitia Sanchez et Rudy L’Orphelin :

Dans la partie « Considérant », ajouter le paragraphe suivant :

« La nécessité d’adapter l’ensemble de notre environnement aux conséquences du changement climatique sur le bien commun que constitue l’eau ; »

Dans la partie « Il vous est proposé », ajouter le paragraphe suivant :

« L’organisation, avant la fin de l’année 2022, d’un débat associant toutes les tendances politiques de l’Assemblée visant à définir des critères de conditionnalité des aides à l’investissement relatifs à la protection des milieux aquatiques, la lutte contre le ruissellement et les inondations ainsi qu’à la maîtrise de la consommation de l’eau ; »

Amendement n°32 déposé par Laetitia Sanchez et Rudy L’Orphelin :

Dans la partie « Considérant », ajouter le paragraphe suivant :

« La nécessité d’adapter l’ensemble de notre environnement aux conséquences du changement climatique sur le bien commun que constitue l’eau ; »

Dans la partie « Il vous est proposé », ajouter le paragraphe suivant :

Dans la partie « Considérant », ajouter le paragraphe suivant :

« L’organisation, avant la fin de l’année 2022, d’un débat associant toutes les tendances politiques de l’Assemblée sur la politique agricole régionale en vue de l’adoption d’amendements intégrant la protection du cycle de l’eau, la lutte contre le ruissellement et les inondations ainsi que la maîtrise de la consommation de l’eau dans les priorités de la politique agricole régionale ; »