À Jean Morin, Président du Conseil départemental de la Manche, à Bertrand Bellanger, Président du Conseil départemental de la Seine-Maritime, à Hervé Morin, Président du Conseil régional de Normandie, aux député.e.s, sénatrices et sénateurs de Normandie, à toutes et tous les élu.e.s des territoires normands.
Le gouvernement a annoncé le 8 février dernier vouloir réformer le mode de gouvernance de la sûreté nucléaire en France. Le projet de réforme prévoit le démantèlement de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) en transférant ses activités d’expertises et de recherches à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). L’IRSN a été créé en 2002 par la fusion de l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), faisant partie du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA), et de l’Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants (OPRI), alors en charge de la surveillance de la radioactivité. L’objectif était de créer un organisme indépendant pour fournir une expertise et mener des recherches dans les domaines de la sûreté, de la radioprotection et de la surveillance de la radioactivité sur le territoire.
Le dispositif de gouvernance actuel de la sûreté nucléaire est dit « DUAL », avec d’un côté l’IRSN chargé de l’expertise et de la recherche et de l’autre l’ASN, organe de décision. Cette structure est le fruit d’une longue évolution, influencée notamment par des crises sanitaires (crise de la “ vache folle”, crise du sang contaminé), qui a abouti à l’inscription du principe de séparation de l’expertise et de la décision dans le code de l’environnement.
L’adoption des 2 amendements au projet de loi « d’accélération du nucléaire » que le gouvernement prévoit de soumettre au vote de l’Assemblée nationale la semaine prochaine constituerait un retour en arrière par l’abandon de ce principe de séparation de l’expertise et de la décision. Acter une telle réforme par voie d’amendement, en quelques semaines seulement, témoigne d’une méconnaissance et d’un désintérêt préoccupant vis-à-vis des enjeux liés à l’indépendance de l’expertise et de la recherche scientifique. Il nous paraît impensable de bouleverser à ce point la gouvernance de la sûreté nucléaire en France sans en avoir fait un diagnostic sérieux, établi clairement les objectifs d’une réforme et en envisager les conséquences.
Avec la disparition de l’IRSN, le gouvernement engage pourtant la désorganisation totale de cette gouvernance. Ce choix précipité nous paraît inutile et irresponsable, en particulier au moment où se pose la question de l’avenir énergétique en France et de la construction de nouveaux réacteurs. Car dans le même temps, le gouvernement s’engage dans une relance à marche forcée du nucléaire et souhaite, si l’on en croit les propos de la Ministre de la transition énergétique, construire au moins 14 réacteurs de type EPR 2.
Mais quels que soient les choix qui seront faits, l’entretien et la prolongation de la durée de fonctionnement des réacteurs actuellement en service nécessitent une expertise indépendante et de qualité.
Depuis sa création l’IRSN n’a eu de cesse de cultiver son indépendance, sa transparence et son ouverture à la société civile, fidèle aux missions que son statut lui confère. Faire disparaître l’IRSN reviendrait à détruire ce travail de longue haleine pour développer une relation de confiance et de transparence avec l’ensemble du milieu associatif, des élu.e.s des territoires et des citoyen.ne.s.
La Manche et plus largement la Normandie sont des territoires fortement nucléarisés avec 3 Centres Nucléaires de production d’électricité le long du littoral à Paluel, à Penly et à Flamanville. Soit 8 réacteurs auxquels s’ajoutent un neuvième de type EPR en cours de construction, une usine de retraitement à la Hague, le site de stockage de déchets nucléaires de l’ANDRA et la base navale de Cherbourg.
Que nous soyons pour ou contre la relance du nucléaire, nous pensons que nous ne pouvons transiger sur la sûreté et la protection de nos concitoyennes et concitoyens. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons de soutenir l’IRSN et de faire connaître votre opposition à son démantèlement, qui menace l’indépendance et la qualité de l’expertise, au détriment de la sûreté et de la confiance des citoyen.ne.s.
Rudy L’Orphelin et Laetitia Sanchez
Co-Président.e.s du groupe Normandie Ecologie
Marianne Rozet
Conseillère régionale