Autoroute A13 : Projet de demi-échangeur de La Haie Tondue à Drubec (14) – Contribution à l’enquête publique unique

Mercredi 20 décembre 2023

Autoroute A13 : Projet de demi-échangeur de La Haie Tondue à Drubec (14) – Contribution à l’enquête publique unique

Introduction

Ce projet de demi-échangeur de la haie Tondue est représentatif d’une vision désuète de la mobilité et du développement économique, porté par une croissance du réseau autoroutier qui semble sans fin, quoi qu’il en coûte sur le plan écologique et social.

Les arguments principalement mis en avant par le porteur de projet, la Société des autoroutes Paris-Normandie (SAPN), sont un hypothétique gain de temps pour des trajets depuis et vers Caen, dans l’objectif d’augmenter les flux domicile-travail et de soutenir le développement économique, la sécurité et la diminution des nuisances sur les routes secondaires. En plus de l’impact écologique évident du projet, aucun de ces arguments n’est recevable en l’état actuel des infrastructures et des dynamiques des territoires concernés.

  1. L’impact environnemental du projet

Les raisonnements purement économiques avancés par le porteur de projet et les collectivités financièrement engagées (le Conseil régional de Normandie et le Conseil départemental du Calvados), écartent toute considération écologique.

Ce projet nécessite une emprise de 2 hectares sur une zone humide ainsi que la destruction d’une haie. Des impacts qui n’ont pas été pris en compte dans le choix du scénario, comme le montrent les différentes variantes du projet et leur comparaison (Notice explicative, pages 10 à 16). Le projet retenu est en effet celui dont les nuisances environnementales sont les plus importantes en raison de l’emprise foncière sur les espaces naturels et agricoles, sans que la SAPN ne justifie précisément ce choix. Des conséquences irréversibles, pour lesquelles la compensation envisagée est “insuffisante au regard des critères du Sdage, et incertaine quant à son efficacité sur le plan des fonctionnalités écologiques” (Avis délibéré de l’Autorité environnementale, p. 3 et 20). La zone humide que la SAPN prétend « restaurer » serait isolée entre les voies, dans un îlot de chaleur et dépourvue de toute continuité écologique.

Sur le plan climatique, poursuivre des objectifs d’augmentation du trafic et de report vers les autoroutes constitue par ailleurs un contresens absolu. Les projets d’infrastructures portés par les pouvoirs publics, mais également les entreprises privées qui se veulent responsables, doivent fixer comme objectif une réduction des émissions de gaz à effet de serre.

La réalisation de ce projet entraînerait également une augmentation des nuisances pour les riverain.e.s, avec une concentration du trafic autour de l’échangeur, sur des voies non adaptées et à proximité des habitations. Le bruit et la pollution liés aux accélérations des véhicules entrant sur l’autoroute auraient des impacts inacceptables sur les habitations situées à quelques dizaines de mètres des bretelles.

Des nuisances qui ne sont pas évaluées de manière rigoureuse et cohérente, puisque les projets de zones d’activités, mis en avant pour avancer des hypothèses d’augmentation du trafic (Notice explicative, p.10), n’ont pas été soumis à l’Autorité environnementale pour son évaluation. Cela conduit cette dernière à envisager une sous-estimation des conséquences de la réalisation de l’échangeur, en particulier en termes d’émissions polluantes (Avis délibéré de l’Ae, p.22).

  1. Un projet inutile pour les trajets du quotidien

Le porteur de projet affiche comme objectif un report de trafic depuis le réseau départemental (en particulier la RD 675) vers l’A13, en particulier pour les déplacements domicile-travail. Mais l’absence de gain de temps évident pour les trajets Drubec-Caen, le coût du péage de Dozulé (3,9€ pour un véhicule léger, contre 2€ avec l’itinéraire actuel combinant l’A13 et la RD 675) et l’augmentation de la consommation en raison du report vers l’autoroute rendent l’hypothèse d’un report de trafic très incertaine pour les déplacements du quotidien. Aucune évaluation chiffrée n’est d’ailleurs avancée pour appuyer l’hypothèse d’une réduction du trafic sur la RD 675.

De plus, dans sa réponse à l’avis de l’Autorité environnementale, la SAPN reconnaît elle-même, en contradiction avec ses propres éléments de langage, l’inutilité du projet pour les déplacements domicile-travail depuis et vers Caen : “la communauté de communes Terre d’Auge a très peu d’échanges pendulaires avec l’agglomération de Caen. Les principaux flux domicile-travail de l’agglomération sont essentiellement localisés autour de Caen et sa périphérie, dans un rayon de 10 km, et concernent donc peu la zone d’étude” (Mémoire en réponse à l’avis de l’autorité environnementale, p.13).

Dès lors, les bénéfices annoncés du projet en termes de sécurité sont trompeurs. Car même dans l’hypothèse d’un report de trafic, l’utilisation de l’échangeur impliquerait une augmentation de la circulation sur les voies départementales proches, comme à Drubec et Beaumont-en-Auge, en concentrant le trafic au prix d’une augmentation des risques et des nuisances, en particulier avec les poids-lourds. Pour améliorer la sécurité, il serait possible de mettre en place des points de passage sécurisés pour les piétons et cyclistes entre le Nord et le Sud de la commune de Drubec, comme celle-ci le demande dans son avis.

  1. Économie et emplois

Alors que la Région Normandie a adopté en mai 2023 de nouveaux objectifs territorialisés de réduction de l’artificialisation des sols, les projections de la Communauté de Communes en matière de consommation foncière doivent être révisées à la baisse. Un problème que l’Autorité environnementale pose de manière limpide dans son avis : d’une part, le PLUi sur lequel s‘appuie la SAPN retient des “hypothèses excessives de croissance démographique et de consommation d’espace” ; d’autre part, “la révision prévisible à venir des documents d’urbanisme, pour prendre en compte les dispositions législatives relatives au « Zéro artificialisation nette », n’est pas évoquée” (Avis délibéré de l’Ae, p.3).

Pourtant, la SAPN s’appuie sur ce PLUi, qui prévoit la création de nouvelles zones d’activités économiques, pour appuyer l’hypothèse d’une augmentation du trafic de poids-lourds depuis et vers Caen. Elle avance, dans l’étude de trafic (p.30), que “l’ensemble des zones d’activités générera au total 2 480 véh/jour dont 496 PL”.

Les conséquences des évolutions en matière de consommation foncière sur le projet sont pourtant essentielles. La construction d’un échangeur est un facteur majeur de développement de zones d’activités commerciales et logistiques, comme on peut le constater le long de l’A13 (Pont-L’Evêque, Beuzeville, Ecoparc à Heudebouville, etc.) et plus largement sur l’ensemble du réseau autoroutier. En réalité, les projets de création et d’extension de zones d’activités sont largement dépendants d’accès à l’autoroute et ne peuvent se concrétiser sans ces derniers.

L’objectif de cet échangeur est donc essentiellement de renforcer le maillage autoroutier, au bénéfice du transport de marchandises exclusivement par la route et de la SAPN qui cherche à augmenter les circulations aux péages. Au détriment de la biodiversité, du climat, de l’agriculture et de l’emploi local, toujours plus concentré dans les grands pôles urbains et leurs périphéries.

Conclusions

Comme de nombreux autres projets routiers portés ou soutenus par la Région (faux contournement Est de Rouen, contournement du périphérique Sud de Caen, projet abandonné de doublement de la RN13 entre Évreux et Chaufour-lès-Bonnières, etc.), il traduit une vision du territoire en termes de logistique routière, pour les humains et les marchandises, entre des villes et villages-dortoirs et des pôles économiques régionaux, au détriment de la qualité de vie dans les territoires ruraux que ces mêmes élu.e.s prétendent par ailleurs défendre.

En matière de mobilité et de transport de marchandises, tout scénario d’aménagement doit prendre véritablement en compte les possibilités de mise en place de liaisons multimodales complètes pour répondre aux besoins de mobilité, la réduction de la dépendance aux énergies fossiles et l’atténuation du changement climatique, la préservation des terres agricoles et celle des milieux naturels. Pour répondre à ces enjeux, mais également à ceux du coût de la mobilité, de l’emploi et du tissu socio-économique des territoires ruraux, nous rappelons notre défense d’un moratoire sur les projets d’extension du réseau routier.

Les centaines de millions d’euros de fonds publics dégagés à l’échelle de la Normandie doivent être redirigés vers l’entretien des axes existants – principalement sur le réseau secondaire -, l’investissement massif dans les transports en commun, le soutien aux ménages dans la transition post-automobile et le développement des mobilités actives.

Pour le groupe Normandie Écologie

Laetitia Sanchez et Rudy L’Orphelin

Co-Président.e.s

Geneviève Augé

Conseillère régionale Calvados

Le lien vers le site de l’enquête publique : Présentation de l’enquête publique (registre-dematerialise.fr)