Assemblée plénière Région Normandie – Lundi 17 octobre 2022 – Catastrophes climatiques, crise sociale et énergétique : l’exécutif régional toujours plus déconnecté de la réalité

Assemblée plénière Région Normandie

Lundi 17 octobre 2022

Assemblé plénière – Catastrophes climatiques, crise sociale et énergétique : l’exécutif régional toujours plus déconnecté de la réalité

Après un été marqué par des catastrophes climatiques inédites et en pleine crise énergétique et sociale, les mesures votées et l’attitude de la majorité régionale lors de cette Assemblée plénière sont apparues cruellement déconnectées de la réalité. Les choix budgétaires de l’exécutif restent imperméables au contexte écologique et social, aux dépens des Normandes et des Normands qui subissent la crise énergétique et l’inflation.

Nous avons proposé une série d’orientations et de mesures qui nous semblent nécessaires pour faire face aux enjeux énergétiques et surmonter la crise sociale. Nous sommes également intervenus sur le Contrat de plan État-Région, la stratégie régionale pour la biodiversité ou encore l’ouverture à la concurrence des transports ferroviaires régionaux, adoptée par l’Assemblée malgré notre opposition.

Dans son discours de politique générale, Rudy L’Orphelin a alerté sur la gravité du contexte énergétique, social et climatique actuel. Après un été exceptionnellement chaud et sec, qui « ne fut pareil à aucun autre, sauf sans doute à ceux à venir », nous ne pouvons que constater que les impacts du changement climatique se font déjà ressentir dans tous les territoires. Pourtant, la prise de conscience des pouvoirs publics se fait toujours attendre : entre 2021 et 2023, 100 milliards d’€ d’argent public a été engagé par le gouvernement pour financer la consommation d’hydrocarbures – qui, faut-il le rappeler, sont responsables du changement climatique.

Au-delà des choix dramatiques du gouvernement, l’élu caennais a mis en avant l’absence de réponse de l’exécutif régional à sur cet enjeu. Car plutôt que de proposer un plan d’urgence de lutte contre le changement climatique en pleine crise énergétique, Hervé Morin nous a présenté une liste de politiques qui aggravent la situation. En matière de mobilités en particulier, le Président reste un fervent défenseur du transport routier. Sans considération pour des enjeux écologiques et des besoins de mobilité des Normand.e.s, cet argent public alimente « les situations de dépendance qui plongent nos concitoyen.ne.s dans de graves difficultés économiques et augmente les pollutions et émissions de gaz à effet de serre. »

En matière de transition énergétique, la ligne de l’exécutif régional est très claire : s’en remettre à d’hypothétiques progrès scientifiques ou technologiques (comme de nouveaux EPR à Penly qui seront mis en service au plus tôt en 2040), plutôt que de proposer des solutions aujourd’hui. « Au bout de votre route, c’est « business as usual », au détriment de la planète, au détriment des Normandes et des Normands. »

L’exécutif nous a ensuite présenté un protocole d’accord du Contrat de plan État-Région (CPER) 2021-2027. Celui-ci doit permettre de financer des projets structurants en matière d’enseignement supérieur, recherche et innovation, d’infrastructures et de mobilités, de transition écologique et énergétique, d’attractivité et de cohésion des territoires et enfin en matière de santé.

Laetitia Sanchez est intervenue pour exprimer la position des écologistes sur les orientations choisies, qui ne permettent pas la réorientation des investissements au bénéfice de nos concitoyens, des finances publiques et privées et du climat. En matière d’infrastructures et de transition énergétique, la Région se contente d’un « saupoudrage qui ne donne pas de nouveau cap et qui affiche au contraire des choix à rebours des enjeux climatiques. » Les investissements dans la rénovation des bâtiments, les énergies renouvelables, la culture ou l’enseignement supérieur sont largement insuffisants. Concernant les transports, les priorités affichées sont claires : des crédits plus de 8 fois supérieurs pour le routier que pour le ferroviaire, sans aucune réorientation qui tiendrait compte des nouvelles réalités climatiques, économiques et sociales, auxquelles s’ajoutent l’objectif du zéro artificialisation nette. Dans ce protocole d’accord, le choix est également celui des « illusions technologiques », qui justifient de « continuer comme avant ».

Nous avons présenté trois amendements à cette délibération, afin de réorienter les crédits consacrés aux routes vers la transition écologique et énergétique, de faire de cette transition la première priorité du CPER et d’augmenter significativement les investissements dans le réseau ferroviaire. Suite à leur rejet et considérant les choix opérés, nous avons voté contre le protocole d’accord.

En matière de développement économique, la priorité reste le financement de l’innovation technologique, des grands groupes industriels. Grâce au programme France 2030 et à son volet régionalisé, ces secteurs vont continuer à recevoir de l’argent public sans contreparties et en toute opacité. Véronique Bérégovoy a rappelé qu’ils « ont bénéficié d’un soutien public massif mais ont continué à supprimer des emplois ou à verser des dividendes records » et regrette que la Région n’ait pas orienté le volet régionalisé du programme vers les besoins liés à la transition écologique et énergétique. Nous avons voté contre cette convention qui permet de créer un guichet supplémentaire de subventions pour les entreprises, sans considérations sociales et écologiques.

L’Assemblée régionale a ensuite adopté la stratégie d’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs en Normandie, contre l’avis des syndicats, tous mobilisés à cette occasion devant le Conseil régional.

Cette ouverture à la concurrence doit commencer par « l’étoile de Caen » en 2027 puis concerner le reste du réseau en 2030. Marianne Rozet a exprimé l’opposition des écologistes à un choix justifié par des arguments au mieux très faibles, au pire fallacieux, alors que ce projet portera en réalité atteinte à la qualité du service.

Elle a mis en avant les échecs de l’ouverture à la concurrence dans d’autres pays européens et en France avec le fret ferroviaire, dont les parts de marché n’ont cessé de diminuer, tandis que la demande croissante entraîne une augmentation du fret routier. En pleine crise climatique et énergétique, « la Région devrait avoir une vraie politique de mobilité, avec des transports ferroviaires efficients, irriguant le territoire y compris les zones rurales aujourd’hui oubliées, ouvrant plus de gares, proposant plus de trains, plus de régularité, plus d’intermodalité. » Le choix de la droite régionale est au contraire de financer de nouvelles routes, quand les enjeux climatiques doivent nous inciter à investir massivement dans les mobilités actives et les transports en commun.

Guillaume Hédouin est intervenu sur les délibérations relatives à l’environnement et à l’énergie. D’abord sur le rapport annuel 2021 de développement durable, une obligation réglementaire pour laquelle l’exécutif se contente du strict minimum. Ce rapport constitue pourtant une occasion de procéder à l’évaluation de l’ensemble des politiques publiques au regard des objectifs du développement durable, et donc de proposer des évolutions « qui éviteraient peut-être de présenter des orientations budgétaires autant à contre-sens des enjeux écologiques et sociaux ».

Concernant la stratégie régionale pour la biodiversité, il a salué l’engagement important des nombreuses associations ayant participé à son élaboration. Mais malgré les bonnes intentions affichées, les engagements « sont souvent incantatoires et les moyens ne sont pas en rapport avec l’enjeu de la sauvegarde de la biodiversité ». Au vu des choix opérés jusqu’à maintenant, nous doutons de la réelle volonté et des moyens que la Région se donnera pour obtenir des résultats. Bien que favorable à cette stratégie, notre groupe s’est abstenu en raison de l’absence d’engagements concernant sa mise en œuvre et d’augmentation des moyens qui devraient y être consacrés.

Nous étions ensuite invité.e.s à nous prononcer sur le soutien à des études pour l’installation des systèmes de rebours de Breteuil (27) et du Perche (61). Mais la délibération soumise au vote ne contenait aucune information sur ces deux projets. De plus, comme l’a relevé Guillaume Hédouin, nous ne savons pas « dans le cadre de quelle stratégie ces projets sont soutenus, à quels besoins ils répondent. » Sur le développement de la méthanisation de manière générale, il a une nouvelle fois appelé l’exécutif à se doter d’une vraie stratégie régionale, accompagnée de moyens pour imposer des règles strictes aux porteurs de projet et pour les accompagner afin d’éviter des désastres agricoles, financiers ou écologiques. En l’absence d’informations sur les projets et de stratégie globale encadrant le développement de la méthanisation, nous avons voté contre cette délibération.

Rudy L’Orphelin est de nouveau intervenu suite à la présentation du rapport sur la programmation des fonds européens 2021-2027 pour saluer la mise en place d’un système d’avances pour les porteurs de projets bénéficiaires, une mesure que nous avons proposée il y a plusieurs mois. Il s’agit d’un vrai plus pour accompagner les nombreuses initiatives du monde associatif normand.

Bastien Recher s’est exprimé sur les orientations budgétaires de l’exécutif pour l’année 2023 pour démontrer leur déconnexion totale des enjeux sociaux et écologiques. Dans un contexte de forte inflation et de crise énergétique, nous ne sommes probablement qu’aux prémices d’une « catastrophe sociale ». Si notre région est victime des choix politiques et budgétaires du gouvernement, qui invente un « État providence pour les entreprises et plus précisément pour les actionnaires », rien n’oblige la majorité régionale à s’inscrire dans la même logique. Dans un moment où les finances publiques sont en difficulté, il a au contraire proposé de « concentrer les financements vers les actions et les services publics qui profitent à toutes et tous. »

Mais ce rapport sur les orientations budgétaires montre que l’exécutif navigue à vue et refuse de prendre des mesures coordonnées, de planifier des investissements pour passer la crise et lutter contre le changement climatique et ses effets.

Le constat est identique sur les modifications au budget 2022 qui nous ont été présentées. Bastien Recher est également intervenu sur cette délibération et a regretté « une nouvelle occasion manquée de commencer à opérer les bifurcations nécessaires ».

Pour déployer des mesures d’urgence dans un contexte de crise sociale tout en engageant des actions structurantes pour adapter notre région aux bouleversements écologiques, nous avons proposé une série de mesures qui auraient pu constituer les premiers éléments d’un bouclier social et écologique pour les Normand.e.s. Nous avons donc proposé :

  • Un soutien d’urgence aux lycées afin de leur permettre de supporter la hausse des coûts de l’énergie ;
  • Le lancement d’un plan de rénovation énergétique des lycées ;
  • L’augmentation des moyens consacrés à la rénovation énergétique des logements ;
  • Un plan massif d’investissement dans les énergies renouvelables ;
  • La création d’un mécanisme de soutien exceptionnel aux structures culturelles impactées par la hausse des prix de l’énergie.

Tous ces amendements ayant été rejetés, nous avons voté contre la décision modificative du budget 2022, qui reste totalement inadaptée au contexte social et écologique actuel.

Bastien Recher a repris la parole pour exprimer notre vote favorable au maintien de l’ex-TICPE au niveau maximum, et notre opposition à celle relative à la taxe sur les certificats d’immatriculation. Sur cette dernière, nous avons présenté un amendement visant à augmenter son montant afin d’utiliser les recettes supplémentaires pour financer les alternatives à la voiture individuelle. Le tarif aujourd’hui en vigueur est le plus bas des régions métropolitaines et des recettes supplémentaires pour la collectivité seraient particulièrement bienvenues dans ce contexte. Notre amendement a cependant été rejeté et nous avons en conséquence voté contre la délibération.

Cela est malheureusement à l’image de la politique régionale en matière de mobilité : favoriser la voiture au détriment du train.

Au sujet de la délibération relative au financement de la Ligne Nouvelle Paris-Normandie (LNPN), Laetitia Sanchez a rappelé les retards déjà pris sur la phase 2 et insisté sur la nécessité de diriger les moyens sur la phase 1, la ligne nouvelle Paris-Mantes. Bien plus que la LNPN dans sa globalité, c’est le doublement des voies du mantois qui permettra une réelle amélioration du service pour les Normand.e.s.

Nous avons ensuite voté en faveur du plan de soutien à Brittany Ferries, compte-tenu du besoin urgent de soutien de la compagnie. Cependant, le secteur des ferries est actuellement sous perfusion d’argent public et Bastien Recher a regretté l’absence de contreparties sociales et environnementales, auxquelles la Région devrait conditionner son soutien.

Concernant le bilan des aides d’État mandatées en 2021, Véronique Bérégovoy a regretté l’absence d’évaluation des impacts des aides publiques en termes d’économie, d’emploi ou d’environnement. Là encore, l’exécutif se contente du minimum sur cet exercice, avec un rapport très imprécis qui ne met pas en perspective les aides attribuées avec des objectifs régionaux. Il s’agit finalement d’un exercice d’autosatisfaction qui contraste tristement avec les effets réels des politiques menées par l’exécutif régional.

Geneviève Augé est ensuite intervenue sur la nouvelle politique régionale « Je mange normand dans mon lycée » 2022-2027. Si encourager l’augmentation de la part des produits locaux est positif pour soutenir les producteur.rice.s normand.e.s, certains objectifs affichés ne respectent pas les obligations légales, que l’exécutif choisit tout simplement d’ignorer. Ainsi, l’ambition affichée reste beaucoup trop faible, en particulier dans un contexte d’inflation élevée sur l’énergie et l’alimentation. Cette politique doit s’accompagner de moyens suffisants pour garantir à tou.te.s les lycéen.ne.s une alimentation de qualité, la cantine étant pour certain.e.s jeunes « le seul lieu où ils y ont accès, leur fournir n’est pas un coût mais un investissement et un devoir. »

Dans ce sens et afin de respecter, voire de devancer les obligations légales, nous avons proposé deux amendements visant à augmenter la part de produits bios servis dans les cantines des lycées et à proposer un menu végétarien quotidien dès lors que plusieurs plats sont proposés. Apparemment peu concernée par ces enjeux et les lois en vigueur, la majorité a rejeté nos amendements. Notre groupe s’est donc abstenu.

Sur la politique « Patrimoine agricole normand animal et végétal 2023-2027 », Geneviève Augé est de nouveau intervenue pour saluer cet engagement en faveur des espèces locales, la diversité agricole étant indispensable pour assurer la résilience de notre production alimentaire face au changement climatique. Elle a appelé à attribuer des moyens de long terme aux acteurs de la conservation. Nous avons voté pour cette politique, qui manque certes d’ambition, mais reste globalement positive.

Pour terminer cette Assemblée plénière, Guillaume Hédouin a interpellé Hervé Morin sur le projet « Hommage aux Héros ». Les porteurs de projet ayant rappelé tout au long de la concertation publique le soutien du Président de la Région, nous voulons avoir la confirmation qu’aucun moyens humains ou financiers de la Région ne sera utilisé pour le projet s’il devait être réalisé. Nous recevrons une réponse par écrit.

Rudy L’Orphelin et Laetitia Sanchez

Co-Président.e.s du groupe Normandie Écologie