Assemblée plénière Région Normandie – Budget 2023 : encore une année de perdue aux dépens des Normand.e.s

Assemblée plénière Région Normandie

Lundi 12 décembre 2022

Assemblé plénière – Budget 2023 : encore une année de perdue aux dépens des Normand.e.s

Lundi 12 décembre, la majorité d’Hervé Morin a adopté un budget 2023 en tous points identique à celui de 2022, comme si le contexte social, énergétique et économique n’avait pas changé. Nous avions déjà alerté sur les choix de l’exécutif lors du débat d’orientation budgétaire d’octobre, qui traduisent un désintérêt pour les questions écologiques et sociales, une focalisation sur les enjeux budgétaires et de développement économique ainsi qu’un manque de vision à long terme.

À l’occasion du vote du budget, nous avons donc proposé une série d’amendements qui auraient permis à la Région d’engager une réelle transition écologique et de soutenir les acteurs économiques et les ménages normands dans la période de crise que nous connaissons, en déployant un bouclier écologique, social et économique.

Dans son discours de politique générale, Laetitia Sanchez a appelé à ce changement d’orientation, pour aller « dans le sens d’un développement basé sur la régénération, qui permettrait de mettre fin à la guerre contre la Nature, dont nous dépendons entièrement », reprenant les mots du Secrétaire général des Nations Unies à l’occasion de la COP15 sur la biodiversité qui se tient en ce moment à Montréal.

Ce changement d’orientation, certain.e.s l’appellent déjà de leurs vœux, comme de nombreux.ses citoyen.ne.s à l’occasion de la concertation publique sur le projet de doublement de la RN13 entre Evreux et Chaufour-lès-Bonnières. Le bilan de cette concertation a en effet fait apparaître « un projet daté, voire obsolète » (selon les mots de la Commission Nationale du Débat Public), qui ne répond pas aux impératifs environnementaux et sociaux. En conclusion, les garant.e.s du débat ont interrogé la possibilité d’un autre scénario d’aménagement, un « scénario zéro », qui se contenterait d’améliorer l’existant en le sécurisant et en abaissant la vitesse à 80km/h pour la sécurité des usagers. Laetitia Sanchez souligne ainsi le fait que « les habitants se sont emparés de ce débat pour mettre en avant leur désir de recourir aux alternatives à la voiture, et au premier chef le train ».

Nous espérions donc, à la lecture du premier plan d‘actions faisant suite aux travaux du GIEC normand, constater la prise en compte de ce changement d’époque. Il n’en est rien. Car en même temps que ces actions à l’impact très limité, l’exécutif présente « un budget copié-collé de celui de l’an passé, de l’année d’avant, de celle d’avant, et d’encore avant ». Des alternatives sont pourtant possibles et souhaitables. En abandonnant les projets inutiles et destructeurs, de la RN13 à l’autoroute à péage à l’est de Rouen, en soutenant le fret ferroviaire et fluvial ou encore en investissant dans le réseau ferré pour rouvrir des lignes comme Rouen-Evreux.

En matière énergétique, la Co-Présidente du groupe a rappelé l’importance d’un changement d’époque, là aussi, en sortant du tout-nucléaire pour investir massivement « dans les économies d’énergie, avec l’isolation des bâtiments, la chasse au gaspi, l’efficacité énergétique, et les énergies renouvelables », dont aucune ne peut servir « d’arme de guerre comme la centrale nucléaire de Zaporijia ou les pipelines » qui peuvent être des cibles militaires. Pour donner un espoir de paix et de sécurité, nous devons enfin acter ce « changement d’époque ».

Ce n’est pourtant pas ce que propose la Région avec le nouveau Schéma Régional de Développement Économique des Entreprises pour l’Innovation et l’Internationalisation (SRDEEII) 2022-2028, comme l’a montré Véronique Bérégovoy lors de son intervention sur le projet présenté à l’Assemblée.

Soulignant tout d’abord que l’élaboration de ce schéma essentiel de l’action régionale a fait l’objet d’une concertation et d’un processus d’élaboration minimaliste – un questionnaire en ligne et une réunion de restitution des résultats -, sans association des élu.e.s régionaux, elle estime qu’il « répond plus à un cahier des charges de certaines entreprises qu’à une volonté politique ». Ainsi, l’exécutif continue de « promouvoir une économie productiviste pour une large partie dépendante des fluctuations internationales, toujours plus d’activités industrialo-portuaires, d’agriculture intensive, de logistique avec son lot de routes, d’autoroutes ».

Où est donc la traduction de ce changement d’époque ? Pas non plus dans le volet énergétique du Schéma : l’exécutif mise tout sur le nucléaire et l’hydrogène qu’il permettra de produire, qui mobilisent déjà des sommes considérables et n’apportent pas « les réponses rapides et efficaces face aux crises énergétique et climatique, dont nous avons besoin maintenant ».

Enfin, ce schéma très imprécis ne structure en rien la politique de développement économique de la région. N’étant « pas du tout à la hauteur des défis que nous devons relever », notre groupe s’est opposé à son adoption.

Véronique Bérégovoy est également intervenue sur la Stratégie Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire, dont « nous partageons les ambitions et axes prioritaires ». Rappelant les bienfaits de l’ESS en termes d’emploi, de solidarité, de développement local ou encore d’innovation, elle a mis en avant la nécessité d’un accompagnement et d’un soutien adaptés aux spécificités des entreprises de l’ESS. Si la consolidation de l’accessibilité des structures de l’ESS aux dispositifs classiques de soutien à l’économie, le budget spécifiquement consacré au soutien à ces structures est en baisse pour 2023. 

Sur le Schéma Régional Enseignement Supérieur, Recherche et Innovation (SRESRI) 2022-2028, Laetitia Sanchez est de nouveau intervenue pour annoncer l’abstention des écologistes. Ce schéma traduit en effet « une vision utilitariste de l’enseignement supérieur », qui ne repose que sur « l’excellence » et est « centrée sur une concurrence entre les établissements et au sein des établissements ».

Une vision qui s’exprime par la volonté d’aligner l’enseignement supérieur sur les besoins du monde économique. Un choix pensé pour le développement économique à court terme, alors que les filières évoluent rapidement et que celles qui peuvent être considérées comme prioritaires aujourd’hui ne sont pas forcément celles d’avenir.

Concernant le financement des thèses, l’exécutif opère cette fois un revirement important : alors qu’Hervé Morin a longtemps plaidé pour une fusion des universités, il souhaite désormais passer outre la structure normande (la ComUE) pour distribuer les financements par établissement. Les conséquences de ce changement posent question : « sur quelle base va-t-on déterminer le volume de thèses financées ? Quelle garantie qu’on ne financera pas deux ou trois thèses qui traitent du même sujet ? ». Cet enjeu n’intéresse visiblement pas l’exécutif, qui renvoie la responsabilité des choix aux universités, contribuant donc à leur mise en concurrence.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s’est abstenu sur ce schéma et sur les dispositifs qui y sont associés.

La Stratégie de développement touristique pour la Normandie 2022-2028 contient des engagements et des orientations que nous pourrions saluer s’il ne s’agissait pas simplement de greenwashing, comme l’a relevé Guillaume Hédouin. Aucun des critères mentionnés n’exclut le soutien financier à des projets susceptibles de détruire des terres agricoles, des zones humides ou de mettre à mal le tissu socio-économique des territoires. L’élu manchois a rappelé que « nos territoires littoraux n’ont pas vocation à devenir des déserts de résidences secondaires ou de tourisme qui ne bénéficient qu’à quelques rentiers ». En matière de transports, l’exécutif prend acte dans cette stratégie de l’impact climatique de l’aviation internationale, tout en se fixant pour objectif d’attirer toujours plus de touristes étrangers, en particulier une clientèle américaine. Nous estimons que l’enjeu est au contraire « d’accompagner les filières pour cibler des publics plus locaux, français ou européens et de renforcer notre infrastructure ferroviaire ».

En conclusion, « il subsiste trop de contradictions, en particulier sur le développement des clientèles internationales ou l’accompagnement de la croissance des escales de croisières » pour que nous approuvions cette stratégie. Nous avons donc choisi de nous abstenir.

Concernant le rapport annuel égalité femmes-hommes de la Région, Laëtitia Malherbe a pris la parole pour dénoncer un affichage politique de la part de l’exécutif. Ce rapport se limite en effet à lister des actions menées par la Région, ne fournit pas certaines données sociales obligatoires et ne présente aucun outil d’évaluation des actions engagées.

En matière de ressources humaines, nous nous sommes abstenus sur le tableau des emplois de la Région et avons appelé à mettre fin aux contrats de projet, qui précarisent les agents en empêchant leur titularisation et font obstacle à toute fidélisation. Notre proposition de mettre fin aux contrats de projets et d’engager un plan de titularisation des agents contractuels, a été rejetée par l’exécutif.

Nous nous sommes ensuite opposé.e.s à la modification de la charte du temps de travail des agents des lycées, en raison de modifications défavorables concernant la prise en compte de la pénibilité. L’exécutif régional est malheureusement resté sourd à notre opposition et à celle des syndicats sur ce sujet, qui étaient réunis devant le Conseil régional à cette occasion pour marquer leur opposition à cette décision.

L’Assemblée était ensuite invitée à se prononcer sur le Programme FEDER FSE+, auquel s’ajoute le volet relatif au Fonds de Transition Juste (FTJ). Ce nouveau fonds est destiné aux territoires industriels fortement émetteurs de gaz à effet de serre et a pour objectif d’accompagner socialement et économiquement leur transition écologique et énergétique. Mais la Région entend visiblement l’utiliser pour financer encore plus certains secteurs déjà privilégiés, comme l’hydrogène ou plus généralement le développement industriel de la vallée de la Seine. Laetitia Sanchez a également regretté une occasion manquée d’accompagner des évolutions dans le transport de marchandises depuis la route vers le fluvial et le ferroviaire. Considérant ces choix de l’exécutif, nous nous sommes abstenus sur ce Programme.

Bastien Recher est intervenu sur la délibération relative au budget principal pour l’année 2023, dont les grandes orientations sont parfaitement identiques à celles des années précédentes.

Tout d’abord, ce budget pose problème en termes de méthode. La délibération la plus importante de notre Assemblée est en effet débattue de manière expéditive, parmi 36 autres, sans présentation des orientations budgétaires par secteur – comme c’est pourtant le cas partout ailleurs.

Sur le fond, la trajectoire budgétaire est fondée sur « l’austérité, l’incapacité à penser l’avenir et un léger greenwashing, qui d’ailleurs est de plus en plus léger ». Ainsi, « les fondamentaux du budget sont encore caractérisés par un dogmatisme libéral avec le recul de l’intervention public comme horizon ». Afin de se présenter comme un bon gestionnaire, Hervé Morin choisit en effet de poursuivre une stratégie de sous-investissement, au détriment des Normand.e.s.

Sur les compétences phares de la Région, certaines hausses apparentes des budgets cachent par ailleurs des erreurs stratégiques et une réelle absence d’ambition. C’est le cas dans le secteur des transports ou des lycées. Pour le premier, les dépenses effectuées en faveur du matériel roulant empêchent l’investissement sur le réseau (moins de 30M€ pour 2023), alors que la Région continue à subventionner le développement du transport routier (pour lequel elle n’est pas compétente) et augmente son soutien au secteur aéroportuaire. Concernant les lycées, « la procrastination sert de feuille de route » : pas de plan de rénovation et une couverture incomplète des hausses des coûts pour les établissements, qui limite leur marge de manœuvre en matière pédagogique.

Nous avons donc proposé une série d’amendements pour réorienter le budget et déployer un triple bouclier afin de protéger les Normand.e.s face aux crises :

Bouclier écologique

Engager des plans de développement des énergies renouvelables : solaire photovoltaïque, éolien terrestre et offshore et réseaux de chaleur. Pour structurer les filières, travailler avec les collectivités, mobiliser du foncier et soutenir les projets.

Mettre en place les conditions pour atteindre l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) : création d’un fonds de compensation, fin du soutien aux projets ne respectant pas les principes du ZAN, augmentation des moyens consacrés à la mobilisation et à la réhabilitation des friches.

Mettre fin aux investissements dans les projets routiers inutiles et polluants pour réorienter les fonds vers l’entretien et le développement du réseau ferroviaire.

Bouclier social

Augmenter les moyens consacrés à la rénovation des logements : face à l’inflation, aux tensions sur le marché de l’énergie et aux étés de plus en plus chauds, rénover efficacement les 217 000 passoires thermiques de la région devrait constituer une priorité absolue.

Créer un fonds régional de solidarité aux familles (FRSF) des lycéen.ne.s normand.e.s afin que la baisse du pouvoir d’achat n’empêche pas les familles de subvenir aux besoins des enfants et d’accompagner leur parcours scolaire.

Mettre en place la gratuité des transports régionaux pour les moins de 26 ans en formation ou en insertion professionnelle : faciliter leurs déplacements est en effet indispensable pour la poursuite de leurs études et la réussite de leur insertion professionnelle.

Bouclier économique

Augmenter les moyens alloués au développement de l’économie sociale et solidaire (ESS) : malgré la nouvelle Stratégie régionale de l’ESS et les engagements inscrits dans celle-ci, le budget destiné aux entreprises de l’ESS est en baisse.

Mettre en place un plan d’attractivité des métiers liés aux énergies renouvelables afin de répondre aux besoins de main d’œuvre et de compétences dans le cadre de la transition énergétique.

Toutes ces propositions ont été rejetées par un exécutif soucieux de raccourcir les débats et qui ne considère la crise économique et énergétique qu’au regard des coûts pour la collectivité. Le budget 2023 lui permettra de poursuivre une trajectoire de plus en plus inadaptée pour répondre aux urgences du moment et aux défis écologiques, sociaux et économiques de notre époque.

Face à l’ampleur de ces défis, le Plan d’actions du GIEC normand – Année 1 – apparaît dérisoire, en particulier lorsqu’on le compare avec certaines actions que notre institution engage, qui peuvent être classés dans la catégorie « climaticide » (comme le soutien à des projets routiers inutiles et parfaitement anachroniques). Guillaume Hédouin juge les mesures proposées dans ce plan d’action « le plus souvent timorées, sans ambition ou [ayant] vocation à être généralisées ».

Le dispositif « Territoires et climat », qui permet de mobiliser les EPCI volontaires dans leurs actions de lutte contre le changement climatique, reflète ce manque d’ambition. Nous avons proposé de l’améliorer en ne limitant pas le nombre de collectivités accompagnées et en encourageant celles-ci à désigner des référents climat (un.e élu.e et un.e technicien.ne) qui formeront un réseau d’acteurs à l’échelle de la région.

Cette proposition ayant été rejetée par la majorité, nous avons voté contre ce plan minimaliste qui ne permet certainement pas d’engager la Normandie sur la voie de la limitation et de l’adaptation au changement climatique.

Guillaume Hédouin est de nouveau intervenu pour saluer la création d’un Conservatoire Botanique de Normandie, puis pour exprimer notre position sur le « Plan Normandie Solaire »

Si l’adoption d’une telle délibération est un signal positif pour le développement des énergies renouvelables, il ne s’agit pas d’un réel « plan » qui induirait une programmation, des objectifs clairement établis et un agenda de déploiement. De plus, nous considérons que toutes les énergies renouvelables devraient bénéficier de tels plans – c’était d’ailleurs le sens de plusieurs de nos amendements budgétaires. En particulier, Guillaume Hédouin a notamment mis en avant le « tabou » qui semble exister autour de l’énergie éolienne, jamais mentionnée dans les actions de la Région en faveur des énergies renouvelables. Cela a pour conséquence un manque d’encadrement des projets privés par les pouvoirs publics, ce qui impacte négativement leur acceptabilité sociale et leur déploiement.

Marianne Rozet s’est ensuite exprimée sur la politique de covoiturage de la Région, qui vise à encourager le covoiturage via une incitation financière. Elle a salué cette généralisation d’un dispositif en cours d’expérimentation, tout en mettant en avant le manque d’objectifs, de suivi et d’évaluation et en incitant l’exécutif à envisager la mobilité des Normand.e.s de manière globale. Car finalement, « si le covoiturage courte distance, un réseau de transports en commun performant et un développement ambitieux des mobilités douces sont la solution contre les bouchons, à quoi bon s’obstiner à porter de nouveaux projets routiers » ?

Sur le dispositif « Actions collectives et structurantes en faveur de l’agriculture, de la forêt, de la filière équine, de la pêche et des ressources marines », Geneviève Augé a regretté des thématiques très vagues qui traduisent un manque de vision et débouchent sur des politiques de guichet. Elle considère que des axes plus formels auraient pu être inscrits dans le dispositif, « tels que le bien-être animal ou la démocratisation de la pratique sportive pour la filière équine, ou encore l’adaptation au dérèglement climatique et la protection des sols et de la biodiversité pour la filière forêt-bois. » Notre groupe s’est donc abstenu sur ce dispositif.

Enfin, David Fontaine est intervenu sur les dispositifs « Droits culturels en territoires normands » et « Appui au développement de l’emploi culturel permanent » pour rappeler les difficultés auxquelles sont confrontées les structures culturelles, dénoncer la baisse des budgets consacrés à la culture (notre amendement visant à les augmenter ayant été rejeté) et inviter la majorité à ouvrir un dialogue constructif avec les oppositions sur le sujet de la reconnaissance des droits culturels, qui doit nous amener à nous interroger, entre autres « sur nos politiques publiques, la place et les droits des femmes, la solidarité, l’accessibilité, la diversité pour représenter les arts de tous les territoires. »

Rudy L’Orphelin et Laetitia Sanchez

Co-Président.e.s du groupe Normandie Écologie