Assemblée plénière Région Normandie – Entre le soutien inconditionnel aux projets routiers et la démagogie anti renouvelables, l’exécutif régional reste enfermé dans sa vision court-termiste et ses contradictions

Assemblée plénière Région Normandie

Mardi 2 mai 2023

Entre le soutien inconditionnel aux projets routiers et la démagogie anti renouvelables, l’exécutif régional reste enfermé dans sa vision court-termiste et ses contradictions

L’Assemblée plénière du mardi 2 mai était principalement consacrée au débat et au vote sur la modification du SRADDET (Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires), laquelle porte essentiellement sur la trajectoire et les moyens de mise en œuvre d’une réduction de la consommation et de l’artificialisation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Mais les modifications adoptées par la majorité régionale ne se sont pas limitées à ce volet imposé par la loi “Climat et résilience” d’août 2021. L’exécutif a en effet profité de cette modification pour renforcer son soutien à des projets routiers et limiter le développement des énergies renouvelables, en particulier de l’éolien terrestre. Sur ce dernier point, la démagogie d’Hervé Morin ne semble plus avoir de limite. Entre la reprise des éléments de langage de l’extrême-droite sur l’éolien et la réduction de l’artificialisation, les applaudissements joints de la majorité et du RN ou encore leurs attaques conjointes contre les écologistes, la frontière entre la droite et l’extrême-droite régionale semble de plus en plus poreuse.

Si l’ordre du jour était largement occupé par la modification du SRADDET, nous avons également pu débattre et défendre nos positions sur l’extension sans fin des parcs d’activités, la mise en œuvre de la stratégie touristique de la Région ou encore le Conseil régional des jeunes.

Rudy L’Orphelin a débuté son discours de politique générale en saluant la mobilisation record du lundi 1er mai, alimentée par un mouvement social qui, derrière une intersyndicale unie, s’oppose à “une réforme essentiellement comptable qui viendra encore creuser les inégalités, aggraver la pauvreté et accroître la souffrance au travail”. Le contexte institutionnel, aggravé par un Président de la République qui “a érigé l’arrogance et le passage en force en méthode de gouvernement”, enfonce le pays dans une véritable crise démocratique dont l’extrême-droite tente de profiter.

Engager une telle réforme, régressive et inutile, est d’autant plus irresponsable à l’heure où le désastre écologique devrait nous inviter à concentrer toute notre énergie pour trouver les chemins d’un autre modèle de développement et où les risques de pénurie impliquent d’accompagner des changements bouleversants.

Partout et y compris en Normandie les luttes redoublent pour défendre les communs contre l’accaparement des terres et des ressources.” Ces luttes “témoignent des lourdes incohérences des politiques publiques qui d’une main promettent de tout mettre en œuvre pour prendre en charge la crise écologique et de l’autre s’ingénient à nous servir les recettes d’hier et d’avant-hier.” À l’image de ce que propose la majorité d’Hervé Morin, qui profite de la modification du SRADDET pour relancer le projet contournement routier de Cherbourg en l’ajoutant à la liste déjà longue des itinéraires routiers d’intérêt régional.

Plus d’artificialisation des espaces naturels et agricoles, plus de trafic automobile, plus d’émissions de carbone et un grand gaspillage d’argent public “qui s’opère au détriment des alternatives que nos concitoyens réclament, notamment en matière ferroviaire.

En matière énergétique, l’exécutif pousse également la démagogie jusqu’au cynisme, en freinant les alternatives renouvelables et en vantant les bienfaits de l’hydrogène pour sauver une filière nucléaire sinistrée par le fiasco des EPR. Et peu importe si les grands groupes gaziers trouvent dans l’hydrogène un moyen de financement public tout en poursuivant leurs activités climaticides.

Rudy L’Orphelin a conclu son introduction aux débats en proposant “d’ouvrir un chantier sur notre démocratie régionale”. Après 5 mois sans Assemblée plénière, nous aurions pu nous attendre à un ordre du jour plus conséquent que les 7 dossiers présentés. Il a aussi regretté l’annulation de la moitié des commissions thématiques : “depuis 5 mois, n’y a -t-il donc aucune actualité, aucun dossier en cours, aucun bilan réalisé sur les politiques engagées qui auraient pu justifier de réunir les membres de notre Assemblée ?” Si nous avons déjà alerté à de multiples reprises sur le fonctionnement du Conseil régional, nous constatons qu’Hervé Morin continue de mépriser le débat démocratique et les élu.e.s, au détriment de la qualité des débats et des politiques régionales et donc des Normand.e.s.

La traduction de la nécessité de réduire la consommation foncière et l’artificialisation des sols dans le SRADDET constituait une véritable opportunité de développer un modèle d’aménagement plus sobre et résolument orienté vers la préservation des espaces et la satisfaction des besoins essentiels : se nourrir, se loger et se déplacer. Mais l’exécutif d’Hervé Morin se perd dans ses contradictions : alors qu’il reconnaît les conséquences néfastes de la périurbanisation, de la destruction des milieux naturels et du changement climatique, il continue d’opposer activités économiques et écologie, toujours au détriment de la préservation des espaces et de la sobriété.

Laetitia Sanchez a relevé la contradiction fondamentale entre cette logique de développement économique à court terme et la nécessaire préservation de l’avenir. Les orientations prioritaires choisies par l’exécutif “restent bien ancrées dans une conception de la mondialisation où la Normandie jouerait un rôle de base-arrière logistique, avec les ports en point d’entrée des importations, et la vallée de la Seine en hub pour des flux marchands essentiellement routiers.

Le manque de vision globale et de perception des véritables enjeux des décennies à venir est malheureusement évident à la lecture des modifications présentées : loin de vouloir limiter l’artificialisation, la majorité régionale cherche en réalité à contourner par tous les moyens les objectifs inscrits dans la loi en maximisant l’utilisation de l’enveloppe foncière légalement disponible dans les années à venir.

La volonté d’extension du réseau routier, qui entre en totale contradiction avec les objectifs de réduction de l’artificialisation, reste pourtant intacte dans la majorité. Le soutien au pseudo contournement Est de Rouen y est rappelé, tandis que celui au contournement Sud-Ouest de Cherbourg s’ajoute à la liste des “itinéraires routiers d’intérêt régional”. Nous avons donc de nouveau appelé à un moratoire sur l’ensemble des projets d’élargissement du réseau régional, qui consomment à eux seuls une large proportion de l’enveloppe foncière dédiée aux projets d’intérêt régional ou national : l’A133-A134 et ses 516 hectares consommés, le contournement de Cherbourg, l’élargissement de la RN 13 entre Evreux et Chaufour-lès-Bonnières (entre 80 et 100 hectares), le projet de 3 voies Saint-Lô-Coutances (125 hectares) ou encore la mise à 4 voies de Flers-Argentan (125 ha).

Le pseudo contournement Est de Rouen consommerait plus de la moitié des réserves foncières dédiées à des projets d’intérêt général. Or, comme l’a rappelé Laetitia Sanchez, “toutes les cartes nous montrent que ce projet de deux autoroutes à péage entre l’A28 et l’A13, éloigné à l’Est de Rouen, serait en réalité un axe Nord-Sud européen qui viserait à contourner l’Île-de-France par l’Ouest, pour des camions allant du Nord au Sud de l’Europe. Quel serait l’intérêt économique pour notre territoire régional d’attirer ce cabotage routier international, situé à l’opposé de l’activité économique et portuaire normande basée à l’ouest de la métropole ?

Conserver des réserves foncières pour des projets d’intérêt général est d’autant plus nécessaire à l’heure du changement climatique, qui entraîne une montée du niveau marin accélérant le recul du trait de côte. Alors que seulement 40 hectares sont prévus pour la relocalisation des activités jusqu’en 2030 et que la Région ne fait rien pour anticiper ces besoins, nous avons proposé de doubler les réserves régionales destinées aux projets d’intérêt général, qui incluent cette relocalisation.

Autre choix parfaitement contraire à l’intérêt général, l’exécutif a profité de cette modification pour ajouter des entraves au développement des énergies renouvelables. L’agrivoltaïsme est “proscrit”, tandis que les freins à l’éolien terrestre sont tels qu’il s’agit d’instaurer un moratoire de fait sur son déploiement, comme l’a clairement exprimé Hervé Morin sous les applaudissements de l’extrême-droite. Pour compenser cette opposition à l’éolien terrestre et à l’agrivoltaïsme, nous ne trouvons aucune trace d’ambition de la majorité de développer l’éolien en mer, malgré le potentiel évident de la filière en Normandie.

Ces freins au développement des énergies renouvelables sont à l’évidence incompatibles avec nos objectifs en matière de production d’électricité renouvelable et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Notre combat contre ces dispositions va se poursuivre dans les semaines et les mois à venir, y compris s’il le faut sur le terrain juridique.

Enfin, certaines modifications portaient sur le volet gestion et prévention des déchets du Schéma. La co-présidente du groupe a invité à développer une politique cohérente visant prioritairement à réduire la production de déchets. Car là encore, le principe ERC (éviter-réduire-compenser) est détourné pour permettre toujours plus de production. En témoigne l’augmentation de l’incinération (ou “valorisation énergétique”), “à rebours de la hiérarchie des normes qui doit d’abord rechercher la réduction des déchets, puis la réparation, la réutilisation, le recyclage, et à la fin seulement l’incinération et la mise en décharge”.

Nous nous sommes donc opposé.e.s à la proposition de modification du SRADDET, très éloignée et souvent à rebours des enjeux de sobriété et de préservation des territoires qu’elle aurait dû engager. Nos amendements pour y remédier ayant tous été rejetés. Nous proposions :

  • De reporter l’examen et le vote pour engager une véritable concertation, ouverte et transparente, et proposer des modifications à la hauteur des enjeux ;
  • D’augmenter les objectifs de réduction de la consommation foncière et de l’artificialisation des sols pour les prochaines décennies, afin de réellement atteindre “zéro artificialisation nette” et de compenser le retard pris par notre région qui est l’une des plus consommatrices d’espaces ;
  • D’utiliser un référentiel national et non régional pour mesure la consommation foncière ;
  • D’augmenter la part de l’enveloppe foncière consacrée aux projets d’intérêt général ;
  • La représentation de toutes les tendances politiques dans la commission chargée de définir les projets d’intérêt régional ;
  • De rationaliser l’offre aéroportuaire ;
  • D’instaurer un moratoire sur les projets routiers régionaux ;
  • De lever les freins au développement des énergies renouvelables ;
  • D’instaurer un comité de suivi citoyen pour la mise en œuvre du SRADDET.

La deuxième délibération présentée à l’Assemblée concernait la révision du dispositif d’aide aux parcs d’activités. Un dispositif qui ne conditionne pas le soutien régional aux créations ou aux extensions à des critères environnementaux et sociaux clairs. Véronique Bérégovoy a regretté cette absence totale d’exigence alors que la consommation foncière doit être réduite, restreignant les modifications proposées à « un greenwashing, qui permet de ne rien changer, de rester ancré dans le modèle économique du 20ème siècle ». « La bonne volonté des uns et des autres ne suffit pas pour engager les transitions nécessaires. Les subventions de la Région doivent avoir un caractère obligatoire pour accompagner l’ensemble des acteurs afin de répondre aux défis d’aujourd’hui ».

En ce sens, Bastien Recher a présenté 3 amendements visant à conditionner les subventions à l’application du principe de zéro artificialisation nette, de supprimer la clause permettant de soutenir les projets en dehors des critères prévus par le dispositif et de créer une commission transpartisane chargée d’examiner les dossiers sur le fond. Tous ces amendements ayant également été rejetés, nous avons voté contre la délibération.

Guillaume Hédouin est intervenu sur les dispositifs de soutien au tourisme et sur le dispositif d’aide à l’organisation d’évènements touristiques à l’occasion du 80ème anniversaire du Débarquement et de la Bataille de Normandie.

Les nouveaux dispositifs d’aides au secteur touristique font suite à l’adoption en décembre dernier de la Stratégie de développement touristique 2022-2028. Stratégie qui promeut certes un tourisme durable mais soutient la recherche de clientèles touristiques lointaines ou d’activités polluantes. Guillaume Hédouin a donc rappelé notre opposition au ciblage d’une clientèle nord-américaine avec la promotion du tourisme autour du Débarquement et de l’impressionnisme, mais aussi au soutien au secteur des croisières. Alors que les navires sont particulièrement énergivores, “les bénéfices que les ports tirent des escales restent localisés et concentrés autour des centres-villes ou des grands équipements touristiques situés à proximité et sont loin de profiter à l’ensemble de notre région.”

Nous soutenons à la place un tourisme durable, qui passe par la promotion d’autres facteurs d’attractivité touristiques : nos villages, nos campagnes, notre histoire ou notre littoral. Et par celle des transports en commun et des mobilités douces, par exemple en proposant des tarifs plus incitatifs pour le train.

Mais là encore, “aucun cahier des charges ou grille ne permet d’exclure des projets qui seraient particulièrement dommageables à l’environnement ou particulièrement émetteurs de gaz à effet de serre.” Globalement, “la stratégie qui se traduit dans cette politique d’aide nous semble aujourd’hui à des lieues des impératifs de transition écologique”. Ne souscrivant pas à cette vision d’un tourisme déconnecté des enjeux écologiques et sociaux et considérant le vote groupé des différents dispositifs, notre groupe s’est abstenu.

Sur la délibération relative au 80ème anniversaire du Débarquement, Guillaume Hédouin a tout d’abord salué la mémoire des victimes de ces évènements et rappelé l’importance d’une telle commémoration, “moment populaire et porteur des valeurs de Paix”. En ce sens, nous regrettons que ce dispositif ne réponde pas au problème de l’articulation entre tourisme et commémoration. C’est pourquoi il avait davantage vocation à être rattaché au programme Normandie Pour la Paix, dont nous partageons également les objectifs et les valeurs.

L’exécutif soumettait au vote une nouvelle politique d’aide en faveur du cinéma et de l’audiovisuel. Bénédicte Martin a annoncé le soutien du groupe à cette politique qui doit permettre au secteur de s’adapter à de nouvelles formes de création en soutenant les acteurs de la filière et en structurant la formation et l’emploi. Elle a également rappelé les difficultés du secteur du spectacle vivant en particulier et du secteur culturel en général face à la crise énergétique. Une crise qui contraint parfois les acteurs à déprogrammer des spectacles, alléger la programmation ou augmenter leurs tarifs. Or, “quelle que soit la solution subie par les équipes, elle aura un impact négatif sur la médiation culturelle, sur la démocratisation culturelle et pour finir sur l’accès des Normand.e.s à la culture et à la création.”

Laëtitia Malherbe a pris la parole sur la modification du règlement intérieur du Conseil régional des Jeunes, qui vise à préparer la troisième mandature de l’instance. Une pérennisation dont nous pouvons nous réjouir, car il permet à ces jeunes de s’exprimer, de s’engager en faveur de projets et de développer une culture politique. En ce sens, nous regrettons que le Conseil régional des Jeunes ne soit pas davantage impliqué dans l’élaboration des politiques régionales, comme sur la modification du SRADDET. Tout comme le fait que la Région conserve la possibilité d’écarter des candidats dont la motivation serait “en contradiction avec les principes d’une instance qui s’inscrit en dehors des partis politiques et non partisane”. Un principe qui révèle une “conception étriquée de la démocratie et laisse entendre que l’engagement politique, qui est un engagement citoyen, ne pourrait pas mener au Conseil régional des Jeunes” alors que l’engagement citoyen doit au contraire être encouragé et soutenu. Cette disposition a motivé l’abstention du groupe sur ce règlement.

Enfin, Laëtitia Malherbe a également rappelé qu’en même temps qu’elle organise la participation de jeunes à la vie démocratique régionale, la Région cautionne le Service National Universel (SNU), programme qui “méprise la jeunesse” et véhicule “des règles et normes qui perpétuent des inégalités et injustices”.

L’Assemblée plénière s’est conclue avec les 3 questions orales du groupe, auxquelles l’exécutif répondra prochainement par écrit.

La première, posée par Bastien Recher, demande un état des lieux du dispositif de gratuité des transports régionaux pour les réfugié.e.s ukrainien.ne.s et l’extension de ce principe à l’intégralité des réfugié.e.s présent.e.s sur le territoire normand.

Laetitia Sanchez a ensuite interrogé Hervé Morin sur ses ambitions en matière de relance du ferroviaire, alors que l’Etat a promis d’augmenter son soutien à la régénération du réseau. Dans le même temps, nous constatons toujours un manque de volontarisme sur le sujet, alors que des suppressions de trains et d’arrêts continuent malgré la demande et le besoin de report modal vers le train. Si le plan présenté par la Première Ministre reste insuffisant, nous attendons de la Région qu’elle s’en saisisse.

Enfin, Rudy L’Orphelin a demandé un état des lieux de la politique régionale de soutien à la production, à la distribution et à l’utilisation d’hydrogène. Les évolutions industrielles et politiques récentes, au niveau local, national et européen, nous amènent en effet à nous interroger sur la réalité de la promesse formulée en 2018 de ne soutenir que des projets liés à de l’hydrogène issu de sources renouvelables.

Laetitia Sanchez et Rudy L’Orphelin

Co-Président.e.s du groupe Normandie Écologie