Assemblée plénière Région Normandie – Un budget supplémentaire et un Contrat de Plan Etat-Région hermétiques à l’urgence climatique

Assemblée plénière Région Normandie

Lundi 26 juin 2023

Un budget supplémentaire et un Contrat de Plan Etat-Région hermétiques à l’urgence climatique

L’Assemblée plénière du lundi 26 juin 2023 nous a permis d’intervenir sur un grand nombre de sujets. Les deux dossiers principaux de cette séance étaient le budget supplémentaire 2023 et le projet de Contrat de Plan Etat-Région (CPER) 2021-2027 pour la Normandie. Nous avons aussi eu la chance d’avoir la présentation des propositions d’actions du Conseil Régional des Jeunes (promotion 2021-2023) par quatre de leurs membres.

Laetitia Sanchez a débuté avec le discours de politique générale en rappelant l’état d’urgence climatique dans lequel nous sommes et en insistant sur le besoin de sortir des énergies fossiles et de mettre les énergies renouvelables et la sobriété au cœur de notre action. L’élue euroise a insisté sur l’immobilisme des pouvoirs publics sur les questions de mobilités et a de nouveau appelé à l’action : « dans le périurbain et les campagnes, laissez-nous nos gares et nos services publics, donnez-nous des solutions de transports en commun pratiques et fiables, et des pistes cyclables sécurisées. »

Sur les mobilités, il faut reporter les investissements de la route vers le ferroviaire et vers le fluvial avec la Seine. La ligne Nouvelle Paris-Mantes (la LNPM) doit être portée sans tarder par une coopération interrégionale soutenue par l’Etat. Sa réalisation est indispensable à l’amélioration des lignes normandes et franciliennes.

Les critères d’écoconditionnalité environnementaux énoncés en fin de CPER sont limpides, comme le souligne Laetitia Sanchez : « Ce que nous lisons là ne peut signifier autre chose que l’abandon définitif du vieux projet autoroutier de contournement Est de Rouen ! Qui coche toutes les cases de la destruction de l’environnement – avec l’artificialisation de centaines d’hectares, l’impact sur les captages d’eau potable, la biodiversité, la qualité de l’air, pour renforcer le cabotage routier international. »

Elle a conclu en précisant qu’en ces temps compliqués où l’on stigmatise et dénigre les écologistes, la lutte et la mobilisation paient : « Parfois, heureusement, la raison l’emporte, et de plus en plus de projets inutiles sont abandonnés, comme le parc à thème Hommage aux Héros dans les marais de Carentan, le contournement de Saint-Gilles ou le passage à trois voies de la route Saint Lô – Coutances. »

Laëtitia Malherbe a pris la parole suite à la présentation des propositions d’actions du Conseil Régional des Jeunes (CRJ) par quatre de leurs membres (promotion 2021-2023). Elle les a remerciés pour le travail fourni pendant leur mandat qui se termine sur ces trois propositions d’action concrètes : « Des stages pour sensibiliser et accompagner les jeunes à agir pour la transition écologique au travers de gestes simples », « Des villages de la vie étudiante pour favoriser les premiers pas des jeunes normands dans leur nouvelle vie d’étudiant » et « Un dispositif d’accès aux pratiques artistiques destiné prioritairement aux jeunes les plus éloignés. » L’occasion de demander au Président la communication des avis du CRJ à tou.te.s les membres de l’assemblée et de regretter le manque d’échanges entre le CRJ et le Conseil régional : « Je regrette que vous n’ayez pas été invité.e.s plus tôt en séance plénière et que nous ayons dû attendre la fin de votre mandat pour vous rencontrer et découvrir votre travail qui mériterait d’être davantage partagé et valorisé. Je suis persuadée que nous aurions pu avoir des échanges enrichissants et j’espère que nous pourrons corriger cela avec vos successeurs. »

Guillaume Hédouin est intervenu sur la stratégie régionale de connaissance, de sauvegarde et de valorisation du patrimoine normand pour rappeler qu’il est important d’avoir une approche très large des patrimoines qui comprennent aussi la nature ou l’architecture qui sont souvent liés sur les sites patrimoniaux (châteaux en pleine nature, réserve naturelle ayant du patrimoine bâti ancien…). Il a ajouté : « Nous devons aussi nous donner comme objectif de sensibiliser nos habitant.e.s à ce patrimoine discret que peut être leur habitation en les encourageant à la rénover en respectant les pratiques constructives traditionnelles et écologiques. »

Durant son intervention sur le Compte Financier Unique de 2022, Bastien Recher a insisté sur l’intérêt de ce dossier car il s’agit de la première fois depuis le début de la mandature qu’un document présente sur une année complète, les fondamentaux de l’exécutif, les choix budgétaires et l’efficacité des politiques conduites. L’exécution budgétaire 2022 s’inscrit parfaitement dans le cadre des dogmes libéraux et austéritaires de la stratégie budgétaire régionale de 2016. Toutes les marges de manœuvre dégagées sont consacrées à la dette, l’excédent 2022 de 114 M€ ne sert ainsi aucunement la transition écologique et sociale de nos politiques publiques. « Cela confirme que vous gérez la Région au jour le jour, sans vous préoccuper des investissements nécessaires à faire maintenant, avant que l’impact du dérèglement climatique ne soit trop lourd à supporter pour les finances publiques » précise l’élu du Calvados. Ce budget de déni de l’urgence climatique est également un budget au service des intérêts privés et pas des Normand.e.s et d’ajouter : « à chaque commission permanente, on voit se multiplier des financements régionaux pour des entreprises qui n’en ont pas besoin, citons Lafarge comme dernier exemple. » Nous avons voté contre ce rapport relatif à l’exécution budgétaire de 2022 qui montre, au mieux que l’exécutif n’a pas de cap face à l’urgence climatique, au pire que cela ne les concerne pas.

Suite à cela, Bastien Recher est intervenu sur le Budget Supplémentaire (BS) 2023, pour lequel nous avons présenté une série d’amendements. À nouveau, il ne s’agit pas là d’un réel BS mais d’une simple Décision Modificative Budgétaire (DMB) qui se contente de faire quelques ajustements et qui ne répond en rien aux enjeux de notre temps. Nous avons donc proposé quelques mesures d’urgence qui auraient pu être rapidement mises en place. Tous nos amendements ayant été rejetés, nous nous sommes prononcés contre le budget supplémentaire. Voici nos propositions qui n’ont pas été retenues :

  • Suppression des financements de la Région relatifs au développement du secteur des croisières sur notre territoire ;
  • Création de plans ambitieux de développement de l’éolien terrestre et off-shore et du solaire photovoltaïque ;
  • Instauration d’un moratoire sur les projets routiers et aéroportuaires (hors sécurisation et entretien des infrastructures existantes) et réorientation des investissements vers le ferroviaire ;
  • Mise en place d’un dispositif de soutien aux scènes nationales ou régionales conventionnées pour les aider à supporter la hausse de leurs dépenses énergétiques ;
  • Suppression de l’adhésion obligatoire de 10€ pour accéder au volet « loisirs » du dispositif Atouts Normandie ;
  • Relance d’un Appel à Manifestation d’Intérêt « Opération Normandie haies » afin d’accompagner davantage de collectivités volontaires dans la préservation, l’extension et la gestion du réseau de haies ;
  • Création et développement d’une foncière agricole régionale ;
  • Création d’un fonds régional de compensation de l’artificialisation ;
  • Mise en place d’un plan littoral d’adaptation au changement climatique et à la montée du niveau des mers.

Rudy L’Orphelin a pris la parole sur le Contrat de Plan Etat-Région (CPER) 2021-2027 et a présenté nos trois amendements relatifs à ce dossier. Il a tout d’abord noté que les enjeux de l’époque, ceux qui tiennent à lutte contre le dérèglement climatique et à l’adaptation, au mieux vivre et à la protection de la biodiversité, sont malheureusement insuffisamment pris en charge. Bien que la transition écologique fasse partie des priorités affichées du CPER, la réalité est tout autre et nous assistons à une grave occasion manquée.       

Sur le volet mobilités : « Alors que le secteur des transports reste le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre, la stratégie devrait être au développement des trains du quotidien, du fret et de toutes les alternatives à la voiture particulière. Mais ici, il s’agit ni plus ni moins que de poursuivre le financement des infrastructures routières inscrites dans le précédent CPER, soit la promesse de plus de trafic, plus de pollution et plus d’émissions de gaz à effet de serre. Rien que pour les années 2021-2022, c’est en effet encore la route qui domine (234 millions dont 119 millions de crédits région) et tout ceci au détriment du volet ferroviaire (157 millions €). » Le coprésident du groupe demande à ce que la négociation ouverte avec l’Etat depuis quelques semaines sur le volet infrastructures et mobilité pour les années 2023 et suivantes soit l’occasion d’inverser la tendance.

Sur le développement des énergies renouvelables, la participation de la Région est dérisoire. Rudy L’Orphelin rappelle : « C’est pourtant maintenant qu’il faut s’engager dans une production massive d’énergies renouvelables alors que notre région accuse un retard considérable : du côté de l’éolien terrestre et malgré un potentiel élevé, la Région Normandie est quasi-lanterne rouge avec seulement 1 GW de puissance installée sur le territoire. Quant au solaire photovoltaïque, la Normandie c’est tout juste 2% de la puissance installée à l’échelle nationale et les chiffres de l’année 2022 sont criants : la Normandie c’est 2 fois moins de puissance installée que les Hauts de France, 4 fois moins que la Bretagne et 5 fois moins que les Pays de la Loire. »

Afin de réorienter ce projet de CPER, nous avons présentés trois amendements qui ont été rejetés. Nous avons donc voté contre ce dossier. Voici les amendements en question :

  • Augmentation des crédits régionaux destinés au financement des énergies renouvelables via le CPER 2021-2027 pour atteindre un niveau équivalent à ceux engagés par l’État via l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) ;
  • Augmentation des crédits régionaux du CPER 2021-2027 destinés spécifiquement à l’adaptation des territoires au changement climatique ;
  • Suppression du CPER 2021-2027 des projets routiers non achevés et qui n’ont pas pour objet l’entretien, la rénovation ou la sécurisation du réseau existant.

Suite à la présentation de la feuille de route 2023-2030 « La Santé au cœur de l’action régionale », Marianne Rozet a pris la parole pour noter que ce nouveau document s’inscrit dans la continuité de celui de 2017 qui s’est révélé inefficace.

En effet, des choses sont faites mais les effets ne se font pas sentir. Le manque de médecins généralistes, spécialistes, de dentistes se fait toujours plus criant dans nos territoires. Les services d’urgences sont saturés et leur accès en est rendu de plus en plus difficile. Augmenter l’offre de formation dans le domaine de la santé et les aides matérielles proposées sont utiles mais clairement insuffisants.

Une réponse à la désertification médicale pourrait être un soutien fort à la création de centre de santé dans lesquels exercent des médecins salariés : cela se fait déjà dans certains territoires mais la Région pourrait être vraiment motrice. Une autre solution aurait été de réguler l’installation des médecins mais celle-ci n’est pas du ressort des Régions et nécessiterait une volonté nationale. Pour rappel, le 14 juin dernier à l’Assemblée nationale, un amendement visant cet objectif a été rejeté par le vote « contre » de l’ensemble des rangs de la droite.

L’élue manchoise a noté la faible place accordée à la prévention qui est mentionnée par la phrase « Inciter les Normands à prendre soin de leur santé au quotidien » dans le quatrième et dernier objectif de ce plan. Une simple incitation individuelle sans réflexion sur les facteurs extérieurs et les conséquences des politiques publiques menées par notre collectivité. Une vision étriquée dénoncée par Marianne Rozet : « La Région pourrait agir fortement pour la santé des Normands à travers ses compétences que sont l’aménagement du territoire et les mobilités par exemple. Mais en réalité, qu’avez-vous fait pour la qualité de vie et la prévention ? Pour exemple le SRADDET modifié et voté le mois dernier est un schéma qui propose encore et toujours un aménagement du territoire d’un autre temps. Il fait la part belle aux plateformes logistiques, aux zones commerciales et aux zones pavillonnaires le tout irrigué par des axes routiers toujours plus nombreux. Je ne vous parle pas de la politique pour les mobilités, qui privilégie les déplacements routiers, se refusant une véritable politique ambitieuse en faveur des transports les plus sobres en émissions de CO2 que sont les transports ferroviaires et les mobilités douces. »

Bénédicte Martin est intervenue sur la dénomination du nouveau lycée implanté à Bourg-Achard. Le choix s’est porté sur le prix Nobel de physique de 1929 : Louis de Broglie. Bien qu’elle ait noté une vraie cohérence dans le choix de cet illustre scientifique Normand, Bénédicte Martin a regretté une occasion manquée de pallier l’invisibilité de l’apport des femmes dans le domaine scientifique. L’élue explique : « Au début des années 80, l’historienne des sciences Margaret Rossiter théorise l’effet Matilda : elle remarque que les femmes scientifiques profitent moins des retombées de leurs recherches, et ce souvent au profit des hommes. Nous pouvons collectivement et à notre niveau œuvrer à déjouer cet effet Matilda qui concourt à invisibiliser les travaux et les découvertes des femmes scientifiques. Prendre l’engagement de célébrer des femmes lors des dénominations des établissements publics normands serait ici une manière de participer à ce mouvement impulsé sur d’autres territoires. »

Sur les établissements scolaires, la dénomination masculine l’emporte largement. En effet, les noms de femmes restent largement minoritaires dans la dénomination d’une école, d’un collège ou d’un lycée publics, selon une étude menée par le Conseil d’évaluation de l’école et publiée mardi 20 juin. Parmi les lycées portant le nom d’une personnalité, 84% portent celui d’un homme, 16% celui d’une femme.

Enfin, sur la question de la méthode, Bénédicte Martin regrette qu’il n’y ait pas eu de concertations organisées comme cela a pourtant lieu dans de multiples endroits. Cela aurait été l’occasion que les futur.e.s lycéen.ne.s de cet établissement se saisissent pleinement de ces enjeux et choisissent collectivement la dénomination retenue.

Véronique Bérégovoy a pris la parole suite à la présentation du rapport d’observations définitives de la Chambre Régionale des Comptes sur la gestion de la SAEML SAPHYN. En 2009, la région Basse-Normandie a créé la société d’économie mixte SAPHYN afin de développer à Caen un centre européen de recherche et de traitement du cancer par une nouvelle technique : l’hadronthérapie. En 2016, ce projet a été repris par la Région Normandie en détenant alors 61,82% du capital social de cette société, soit 21 442 000 euros.             

Ce projet fait aujourd’hui face à un risque financier important, surtout porté par la Région dont l’exposition financière dépasse les 190 millions d’euros au titre de sa participation au capital de la SAPHYN, et il y a actuellement un débat sur l’intérêt médical de l’hadronthérapie. Tout cela soulève un certain nombre de questionnements sur l’anticipation et l’amélioration de cette situation financière, formulés en séance par Véronique Bérégovoy, tout comme sur l’absence de participation de l’Etat ou la non association de « La ligue contre le cancer » au projet.  

En conclusion, l’élue a ajouté : « Et parallèlement au soutien des politiques de santé en matière de médecine curative, nous pensons qu’il devient urgent de travailler et d’élaborer des politiques sur la prévention en matière de santé et cela touche tous les domaines d’activités (…) la Normandie est parmi les régions où il y a le plus de cancers, interrogeons-nous pourquoi. Nous devons étudier aussi les territoires les plus impactés et pour cela nous devons nous munir d’un outil indispensable : un registre des cancers à l’échelle régionale. » 

Suite à notre recours relatif à un rapport concernant des études pour les projets de rebours de Breteuil et du Perche déposé devant le tribunal administratif de Caen, l’exécutif a retiré la délibération d’octobre 2022 en question et en a redéposé une nouvelle à cette séance. Guillaume Hédouin est intervenu sur le sujet : « Cette demande de retrait par GRTgaz et l’engagement de M. Thierry Trouvé, son directeur à, je le cite, « fournir l’ensemble des informations à la bonne compréhension de ces projets » conforte notre conviction que notre assemblée n’avait pas les éléments nécessaires pour prendre une décision le 17 octobre. Nous notons aussi que le rapport qui est proposé pour remplacer la précédente délibération ajoute un certain nombre d’éléments qui n’étaient pas présents dans la première présentation à notre assemblée, aussi bien sur la description du projet que sur les annexes financières. »

Toutefois, si des éléments sont venus compléter le précédent rapport, les raisons qui nous conduisent à voter défavorablement sur les projets de méthaniseurs n’ont pas disparu. L’élu a exprimé sa réserve sur les subventions conduisant à multiplier les méthaniseurs sans planification dans un climat de défiance de plus en plus important contre ces installations. Les projets du Perche font d’ores et déjà l’objet de contestations de la part d’associations locales, départementales et régionales.

Les subventions importantes aux méthaniseurs représentent la majorité des fonds du programme « Agir en faveur de l’air, du climat et de l’énergie » sans qu’une projection financière globale n’ait été présentée, aussi bien lors de la phase d’investissement que lors du fonctionnement de l’installation. Une évaluation de cette politique est aujourd’hui nécessaire. De plus, les élu.e.s Normandie Ecologie ne sont pas favorables à maintenir le financement des équipements de méthanisation sans révision des cahiers des charges et demandent d’en augmenter le niveau d’exigence environnemental et que des moyens d’accompagnement et de contrôles sanitaires des installations soient garantis.

 En conclusion de cette séance, nous avons pu poser deux questions pour lesquelles nous recevrons des réponses écrites :

Rudy L’Orphelin et Laetitia Sanchez

Co-Président.e.s du groupe Normandie Écologie