Assemblée plénière Région Normandie – Jeudi 19 octobre 2023 – Orientations budgétaires, ferroviaire, énergie : un mandat perdu pour les Normand.e.s et pour le climat ?

Assemblée plénière Région Normandie

Jeudi 19 octobre 2023

Orientations budgétaires, ferroviaire, énergie : un mandat perdu pour les Normand.e.s et pour le climat ?

Le programme de l’Assemblée plénière du 19 octobre était principalement marqué par le débat sur les orientations budgétaires présentées par l’exécutif, qui sont sensiblement les mêmes année après année, faisant fi du contexte social et climatique. À l’ordre du jour également : l’avis de la Région sur le Projet Régional de Santé, présenté en séance par le Directeur Général de l’Agence Régionale de Santé, ou encore la convention avec SNCF Voyageurs, qui acte en particulier un nouveau calendrier d’ouverture à la concurrence des lignes normandes. Nous sommes d’ailleurs allé.e.s échanger et manifester notre soutien aux syndicats de cheminots rassemblés devant le Conseil régional pour s’opposer au projet de l’exécutif qui n’a rien de positif à apporter, pour les usager.e.s comme pour les salarié.e.s.

Nous regrettons par ailleurs qu’une fois encore cette session ait été l’occasion pour l’extrême-droite de s’en prendre avec violence à la gauche et surtout aux écologistes, tout en affichant une complaisance de plus en plus évidente à l’égard d’Hervé Morin et de sa politique. Celui-ci rend la politesse au Rassemblement National par une absence totale de réaction lorsque ses élu.e.s accusent les écologistes d’être complices des attaques terroristes perpétrées en Israël et en France et font étalage de leur racisme et de leur xénophobie en assimilant les réfugié.e.s à des terroristes.

Lors de son discours de politique générale, Rudy L’Orphelin a tout d’abord évoqué le contexte national et international.

« Parce que rien ne pourra jamais justifier d’attaquer délibérément des populations civiles, nous condamnons sans ambiguïté les attaques terroristes perpétrées par le Hamas le 7 octobre dernier sur le sol israélien », qui ont fait près de 1 500 morts, principalement des civils. Le droit pour chacun.e de vivre en paix et en sécurité n’est pas – et ne sera jamais – négociable.

Aujourd’hui, ce sont des milliers de civils palestiniens, régulièrement utilisés par le Hamas comme bouclier humain, qui meurent sous les bombes israéliennes dans la bande de Gaza en état de siège. Cette contre-offensive du Gouvernement israélien ne permet pas « de répondre au besoin de sécurité immédiat des populations israéliennes et se traduit par une catastrophe humanitaire sans précédent côté palestinien ».

Les populations civiles israéliennes et palestiniennes payent le tribut d’une impasse politique qui n’a que trop duré. Face au risque d’embrasement dans la région, nous tenons à réaffirmer la nécessité « d’une solution diplomatique, pour qu’enfin Israélien·nes et Palestinien·nes puissent vivre en paix et en sécurité côte à côte, conformément aux résolutions de l’ONU, lesquelles n’ont jamais été respectées ».

Le terrorisme a également frappé en France, à la cité scolaire Gambetta à Arras, où le professeur de français Dominique Bernard a été tué en protégeant ses élèves et où trois autres personnes ont été blessées. 3 ans après l’assassinat de Samuel Paty, nous tenons à rappeler que ces actes terroristes, « qui visent des lieux d’éducation, d’émancipation et de vivre ensemble », ont pour seul objectif de faire vaciller notre démocratie. C’est pourquoi nous y répondrons toujours sans trembler en œuvrant au quotidien à faire vivre la laïcité, à défendre et approfondir nos libertés publiques et à renforcer notre État de droit.

Concernant l’actualité régionale, Rudy L’Orphelin a dénoncé les propos tenus par Hervé Morin depuis la rentrée, qui multiplie les charges à l’encontre des écologistes, responsables selon lui d’à peu près tous les maux de l’époque. Des attaques qui permettent surtout de dissimuler l’inaction de l’exécutif régional, alors que nous sortons de l’été le plus chaud jamais enregistré sur Terre et qu’Hervé Morin sombre dans un « climato-opportunisme » irréaliste au regard des bouleversements que le changement climatique entraîne partout dans le monde.

Au contraire, nous attendons de la Région « qu’elle se dote enfin d’une véritable politique d’adaptation aux dérèglements climatiques pour protéger les habitant.e.s, préserver nos écosystèmes, notre littoral et notre agriculture, pour que nos villes et nos campagnes restent vivables». Car aujourd’hui, la Normandie reste la première région française en termes d’émissions de gaz à effet de serre par habitant.e. Elle accumule un retard considérable sur le déploiement des énergies renouvelables (9ème région sur l’éolien terrestre et quasi-dernière sur le photovoltaïque) ; son plan de rénovation des logements est très insuffisant, l’offre de trains régionaux (TER) est parmi les plus faibles de France et « le soutien aveugle au productivisme agricole interdit d’envisager une agriculture compatible avec le défi climatique. »

Qu’à cela ne tienne ! Hervé Morin continue de soutenir des projets inutiles, coûteux et destructeurs de l’environnement comme les autoroutes à péages à l’Est de Rouen et poursuit sa croisade à l’encontre des énergies renouvelables dont nous avons tant besoin. Ce n’est que contraint et forcé qu’il renonce au projet d’élargissement à 2×2 voies de la RN13 entre Evreux et Chaufour-lès-Bonnières. 

L’Assemblée régionale a émis un avis négatif sur le Projet Régional de Santé 2023-2028, que le Directeur Général de l’Agence Régionale de Santé (ARS), Thomas Deroche, était venu présenter en séance. Laetitia Sanchez a exprimé notre soutien à cet avis défavorable, car ce Projet ne permet pas de déployer des moyens suffisants « face à l’urgence sanitaire qui touche les habitant.e.s de notre région : avec des indicateurs de santé plus dégradés que la moyenne nationale. Un accès à la santé plus difficile qu’ailleurs dans de nombreuses zones de notre territoire, que ce soit pour la prévention ou le soin, des pathologies liées à l’âge, à l’environnement, mais aussi à la santé psychique, pédiatrique ou gynécologique ». La mise en avant du concept « Santé Unique » (One Health), qui met en évidence le lien entre la qualité de l’environnement, la santé animale et végétale, et la santé humaine, est cependant à saluer. Nous souhaitons d’ailleurs approfondir cette démarche en responsabilisant davantage les politiques publiques, dans un souci de prévention des risques.

Globalement, ce Projet Régional de Santé s’apparente « à un plan d’adaptation à une situation très dégradée » en matière de prévention et d’accès aux soins, alors que nous avons besoin « d’un véritable Plan Régional d’Urgence Santé ».

Sur le Rapport d’activité et de développement durable pour l’année 2022, Guillaume Hédouin a salué le travail de qualité des services de la Région pour regrouper deux rapports qui étaient jusqu’à l’année dernière présentés séparément. Il permet alors « de mettre en lumière la totale décorrélation entre les indicateurs de développement durable présents en fin de rapport et les priorités de notre collectivité ». Surtout, sans éléments de contexte et d’analyse, il ne permet pas de poser le débat sur les orientations budgétaires au regard des politiques de la collectivité en matière de développement durable. Un tel rapport devrait en effet « mesurer les effets induits des politiques menées, en intégrant leurs externalités négatives » : comme celles qui découlent de la promotion et du soutien au tourisme de croisière ou du financement de projets routiers visant à augmenter le trafic.

Après la fusion de ces deux rapports, que nous avions demandée l’année dernière, il est maintenant temps, d’ici l’année prochaine, « d’engager la collectivité sur une véritable comptabilité carbone et surtout d’infléchir vos politiques à l’aune des résultats que ceux-ci présentent ».

Rudy L’Orphelin est ensuite intervenu sur les rapports financiers, à commencer par les orientations budgétaires pour 2024, dont la présentation est aussi vague que similaire à celle des années précédentes. Une constance qui a de quoi interpeller dans le contexte social et écologique actuel.

En effet, le diagnostic qui guide ces orientations fait presque l’impasse sur la crise sociale, ou du moins n’en tire aucune conclusion quant aux moyens que la Région peut mobiliser pour atténuer les difficultés de nos concitoyen.ne.s. L’utilité d’une telle absence de diagnostic sur la situation sociale : poursuivre l’obsession austéritaire pour dégager des excédents budgétaires. La Normandie a atteint en 2022 332M€ d’épargne brute, bien plus que la plupart des Régions, tout en augmentant les tarifs des transports scolaires ou encore le prix des cars régionaux et sans proposer aucune mesure pour atténuer les conséquences de l’inflation sur les familles normandes. 

Le concours de désendettement auquel se livre l’exécutif empêche aussi de nous projeter dans l’avenir. Car si « le niveau moyen d’investissement de la Région est artificiellement gonflé par l’acquisition de nouvelles rames de trains, dans le cadre du transfert de la compétence transport », les dépenses d’investissement vont diminuer jusqu’en 2028. Défi climatique ? Rénovation des lycées et des logements ? Développement des transports collectifs ? Recul du trait de côte ? Pour l’exécutif, tout cela ne semble pas justifier un quelconque effort budgétaire lors des prochaines années.

En contraignant ainsi les dépenses d’investissement, la majorité fait prendre du retard à la région et reporte les investissements à plus tard, sur ses successeurs. Finalement, ces orientations budgétaires traduisent un triste projet pour la Normandie, auquel nous continuerons à opposer des solutions cohérentes, réalistes et justes lors du débat budgétaire en décembre prochain.

La Décision Modificative Budgétaire pour l’année 2023 comporte en revanche plusieurs changements significatifs, avec 64M€ de recettes et de dépenses nouvelles. Mais ces crédits supplémentaires sont principalement destinés aux routes (14M€), dont le contournement d’Evreux, projet « d’un autre temps », et au Projet 3NC « Nouveau Nucléaire Nouvelles Compétences ».

Des crédits supplémentaires sont également destinés aux lycées (18M€), mais interrogent par leur montant – près d’un quart de ce qui avait été programmé lors du budget supplémentaire de juin. Dans le même temps, 10M€ sont restitués suite à des travaux surévalués. Des modifications qui montrent que l’exécutif continue de naviguer à vue, « sans anticipation, sans stratégie, comme le montre le report du plan pluriannuel d’investissement » de rénovation énergétique des lycées. Pour ces raisons, nous avons voté contre la décision modificative.

En revanche, nous avons voté en faveur de la révision des tarifs applicables aux cartes grises. Rudy L’Orphelin a exprimé notre satisfaction de voir l’amendement que nous avions déposé l’année dernière partiellement repris, même si nous pouvons regretter les hésitations et le manque d’ambition de l’exécutif pour dégager des marges de manœuvre budgétaires. Alors que nous étions la Région appliquant les tarifs les plus bas (35€/CV), nous proposions une augmentation à 51,35€, au même niveau que la Région Bretagne. L’exécutif fait passer ce tarif à 46€/CV ; un changement très faible au regard du coût d’achat des véhicules, mais qui fera gagner 40M€/an à la collectivité. Des recettes qui doivent, selon nous, être destinées au financement des transports collectifs.

Véronique Bérégovoy est ensuite intervenue sur le bilan des aides d’Etat pour 2022, un exercice de présentation contraint mais qui permet de mettre en évidence la répartition des aides aux entreprises par secteur. Si l’exécutif met particulièrement en avant l’augmentation des fonds alloués à la transition énergétique, il est difficile de confirmer la tendance et les effets concrets de ces aides avec le rapport tel qu’il est présenté. De plus, la politique régionale d’aide aux entreprises reste focalisée sur la recherche d’investissements étrangers et les exportations. Des orientations qui s’opposent à « une économie durable et soutenable sur notre territoire, créatrice d’emplois locaux, plus résiliente et moins dépendante des énergies fossiles ».

Le Projet 3NC « Nouveau Nucléaire Nouvelles Compétences » mobilise la plupart des ouvertures de crédits de la Décision Modificative Budgétaire. Ces 64M€ d’argent public sont consacrés au développement et à la promotion des formations utiles pour les projets d’EPR2, via un accord entre l’Etat et la Région. Bénédicte Martin a annoncé notre opposition à ce projet qui traduit l’enthousiasme absurde de l’exécutif pour l’énergie nucléaire, malgré le désastre industriel et financier de Flamanville (15Mrds€ de surcoût et plus de 10 ans de retard) et les délais de construction des réacteurs qui ne permettent pas de répondre aux besoins énergétiques à court et moyen terme et de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Au lieu de soutenir le développement de nouveaux réacteurs, cet argent public pourrait financer les énergies renouvelables, via la structuration des filières et des formations. Nous disposons en effet dans notre région des compétences et des pôles nécessaires « pour faire de la Normandie l’initiateur d’une France souveraine et décarbonée, en portant un vrai projet pour les filières des énergies renouvelables ».

Autre problème de ce financement : l’utilisation importante de prestataires encore inconnus, à hauteur de près de 70% du budget, pour mettre en œuvre les axes du projet qui sont pilotés par la Région – le premier relatif à la médiation scientifique, le deuxième à l’orientation et le troisième à la communication. « Demandera-t-on alors aux associations, aux organismes qui structurent les manifestations grand public telles que la fête de la science de se concentrer uniquement sur le nucléaire ? » Considérant le soutien inconditionnel de l’exécutif régional à la filière et son opposition aux énergies renouvelables comme l’éolien terrestre et de photovoltaïque, nous craignons une telle politique vis-à-vis des organismes de médiation scientifique. 

Nous avons voté contre la nouvelle Convention d’exploitation du service public de transport ferroviaire avec SNCF Voyageurs pour 2024-2033. Marianne Rozet a regretté d’une part l’absence de toute perspective d’amélioration du service pour les usager.e.s en matière de tarifs, de cadencement, de confort ou encore d’intermodalité. À l’opposé des besoins de simplification pour rendre le train plus attractif, la convention conserve des tarifs difficilement lisibles et la réservation obligatoire sur les lignes depuis et vers Paris. « Si on veut vraiment amener les gens à lâcher la voiture pour prendre le train, cela doit être le plus simple et le plus souple possible. La simplicité c’est un tarif unique pour un même trajet. Un tarif unique et abordable en concurrence avec le coût du même trajet en voiture ». À l’heure des projets de « tickets climat », la Région rate totalement le coche en matière de tarification.

D’autre part, nous sommes opposé.e.s à la stratégie d’ouverture à la concurrence des lignes normandes inscrite dans cette convention, alors que la Région aurait pu reconduire pour 10 ans le monopole de la SNCF. Comme d’autres Régions, nous pouvions nous donner plusieurs années afin de réellement travailler à améliorer le service tout en préparant l’ouverture à la concurrence après 2030 pour la gérer du mieux possible. Nous avons aujourd’hui besoin d’augmenter l’offre et de simplifier la tarification pour encourager le report modal depuis la voiture. De ce point de vue, mobiliser des moyens humains et financiers pour intégrer de nouveaux opérateurs sur le marché est simplement contre-productif.

Guillaume Hédouin a pris la parole sur le nouveau dispositif « Normandie En Transition », qui instaure un mécanisme de financement participatif pour des petits projets liés à la transition écologique. Une idée issue des travaux de l’Espace Normand de Coopération pour Accompagner la Transition Écologique (ENCATE), mais qui ne répond que partiellement aux attentes formulées par les acteurs concernés. Un point du dispositif nous interroge particulièrement : « le conditionnement de l’obtention de la subvention de la Région à la réussite de l’appel aux dons, qui pourrait sanctionner des projets qui ne seraient pas forcément très attractifs pour le public des donateurs», en dépit de leur intérêt. La possibilité de baisser la subvention régionale dans le cas où l’appel aux dons dépasse 50% du budget prévisionnel est également regrettable car elle n’incite pas les associations à dépasser les objectifs et à élargir les projets. Si nous ne sommes pas opposé.e.s à ce dispositif, ses modalités nous interrogent et justifient notre abstention.

Pour terminer cette Assemblée plénière, nous avons posé deux questions orales, auxquelles nous allons recevoir des réponses par écrit :

–          La première, de Geneviève Augé, porte sur la part de produits issus de l’Agriculture Biologique dans les établissements dont la restauration est à la charge de la Région. Alors que la loi impose au moins 20% de produits bios, cette proportion était, en 2021, inférieure à 5% dans les lycées normands. Nous avons donc demandé au Président Morin de présenter un calendrier et des moyens permettant à la Région de se conformer à ses obligations légales ;

–          La seconde, posée par Laetitia Sanchez, est relative à l’acquisition par la Région, le Département du Calvados et la ville de Caen d’une lettre de Charlotte Corday, pour un montant de 271 000€. Une acquisition contestée par le Ministère de la culture sur laquelle nous demandons donc des explications.

Rudy L’Orphelin et Laetitia Sanchez

Co-Président.e.s du groupe Normandie Écologie