Assemblée plénière Région Normandie – Lundi 20 juin 2022 – Assemblé plénière : un exécutif à contre-courant de l’urgence climatique et sociale

Assemblée plénière

Lundi 20 juin 2022

Assemblé plénière : un exécutif à contre-courant de l’urgence climatique et sociale

Cette deuxième session annuelle de l’Assemblée plénière était marquée par le vote du budget supplémentaire 2022, qui confirme l’orientation austéritaire et anti écologique de l’exécutif et de la majorité régionale. À l’ordre du jour étaient également prévus plusieurs votes importants pour la mandature 2021-2028 : la stratégie Europe et international, la politique agricole régionale, la politique forêt-bois, le nouveau cadre d’intervention pour les contrats de territoires ou encore la politique régionale « Eau et changement climatique ».

Les élu.e.s du groupe écologiste sont également intervenu.e.s sur les thèmes de la formation, du logement, de la santé, sur la politique équine, l’énergie, etc. Pour terminer, ils ont interpellé le Président Morin au sujet de la suppression du Pass jeune TER, de la procédure engagée pour expulser les migrants d’un campement situé sur une parcelle à Ouistreham et sur le projet de fusion de l’orchestre Régional de Normandie et de l’Opéra de Rouen, qui rencontre toujours de vives oppositions.

Laetitia Sanchez a profité du discours de politique générale pour alerter, à la suite des élections législatives, sur la montée du Rassemblement National, qui disposera d’un groupe de 89 député.e.s à l’Assemblée nationale. Dans le département de l’Eure, il a même remporté 4 des 5 circonscriptions. Elle a rappelé le choix de nombreux leaders politiques ayant refusé d’appeler à soutenir les candidats républicains dans les duels NUPES/RN et qui, à ce titre, portent une lourde responsabilité.

Ces résultats alarmants doivent cependant nous interpeller sur l’état de la ruralité, le déménagement des services publics, les déserts médicaux, l’abandon du train, etc. Il appartient à tou.t.e.s les élu.e.s de prendre conscience de l’urgence politique à agir. À l’inverse, le Président Morin se comporte toujours en gestionnaire, niant ses responsabilités. À l’image de la gestion des finances régionales « au fil de l’eau, à coups d’appels à projets, sans conditionnalités, mais avec beaucoup de communication à destination des milieux économiques. » L’aménagement et l’égalité des territoires sont eux délaissés, comme si ce n’était que de la technocratie.

Pourtant, l’actualité nous rappelle les véritables enjeux liés à l’aménagement et à l’égalité des territoires : records de chaleur, catastrophes climatiques, évènements extrêmes, alertes des scientifiques, etc. Quand bien même ces derniers nous préviennent que 6 des 9 limites planétaires ont déjà été franchies, nous restons enfermés dans des schémas dépassés, remplaçant les espaces naturels et agricoles par des ZAC et des routes.

La Région supprime des trains, augmente les tarifs, au mépris des usagers, et se bat pour inscrire des routes et autoroutes dans les contrats de territoires plutôt que de promouvoir des solutions alternatives à la voiture individuelle – et tant pis pour celles et ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter une voiture électrique pour s’affranchir de la hausse du prix des carburants.

Pour conclure, Laetitia Sanchez a appelé la Région à faire véritablement de la politique, c’est-à-dire des choix : « pour les finances publiques, pour le budget quotidien des Normand.e.s, pour l’avenir de nos enfants. »

Suite à l’intervention de Nathalie Lemaître, Déléguée régionale Ile-de-France et Normandie de RTE, pour présenter les scénarios énergétiques du gestionnaire du réseau de transport d’électricité à horizon 2050, Rudy L’Orphelin s’est exprimé sur les enjeux énergétiques dans notre région.

L’étude conduite par RTE au plan national a le mérite de n’écarter aucune des hypothèses, y compris celle d’un scénario 100 % sobriété, efficacité et énergies renouvelables. Rudy L’Orphelin a souligné en particulier l’importance de cette publication alors que des efforts à consentir pour diminuer drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre impliquent que les citoyen.n.e.s puissent décider démocratiquement, de manière éclairée et sur des bases objectives, de leur avenir énergétique.

Le scénario privilégié est aujourd’hui un triptyque efficacité énergétique, énergies renouvelables et nucléaire. Mais pour faire face à la crise climatique, rien de tout ceci n’est vraiment sérieux. L’industrie nucléaire n’est en effet pas opérationnelle eu égard aux échéances qui sont les nôtres.

Le co-Président du groupe rappelle également « la vulnérabilité des centrales à l’élévation des températures. Alors que les épisodes extrêmes se multiplient dans un monde à +1°C, comment les anticiper dans un scénario qui va +2°C à +4°C et à l’échelle de la durée de vie des centrales ? »

Considérant les différents scénarios ainsi que les contraintes et risques qui pèsent sur l’industrie nucléaire, nous proposons de mettre en œuvre des solutions qui fonctionnement et peuvent être déployées dès maintenant :

  • Définir une stratégie de sobriété pour ne pas tout miser sur le développement technologique, qui ne résoudra pas comme par magie les dégâts qu’il engendre ;
  • Engager un grand plan de transition dans le domaine des transports, du logement ou encore dans l’agriculture;
  • Développer massivement toutes les énergies renouvelables industrielles et citoyennes.

À l’ordre du jour en matière économique, la modification des statuts de l’Agence de Développement Normandie (ADN) afin d’intégrer la possibilité de financer des projets liés à la transition écologique et énergétique des entreprises en plus des projets de création ou d’extension d’activités économiques.

Véronique Bérégovoy a exprimé la position favorable du groupe à cette évolution, tout en regrettant qu’elle n’intervienne que maintenant, suite à la demande des entreprises et non à l’initiative de la Région. Elle a également appelé à la vigilance concernant la possibilité de financer des projets de « compensation carbone », qui permettent aux entreprises de se présenter comme vertueuses mais de continuer à polluer au lieu de réduire effectivement leurs émissions de gaz à effet de serre.

Bénédicte Martin est intervenue sur la création d’un dispositif d’accompagnement des entreprises souhaitant former des candidats à l’emploi au regard de leurs besoins spécifiques. Mais les besoins des entreprises pouvant être très particuliers, cette formation ne garantit pas une insertion professionnelle durable. C’est pourquoi elle a présenté un amendement visant à assurer un contrat à durée indéterminée aux demandeurs d’emploi suivant une telle formation.

Le dispositif ne prévoit en effet qu’un contrat de 6 mois à la fin de la formation. Un engagement qui ne permet pas d’offrir une réponse qualitative et durable aux problématiques de qualification et de formation des Normand.e.s. Le groupe a donc voté contre cette délibération.

Rudy L’orphelin a ensuite présenté les amendements du groupe à la Stratégie « Europe, International et Rayonnement » pour la mandature afin :

  • De renforcer l’action régionale en matière de coopération décentralisée en développant de nouveaux partenariats avec des territoires côtiers vulnérables face à la montée du niveau des mers afin de rechercher des solutions dont l’ensemble des littoraux menacés, y compris en Normandie, ont besoin ;
  • D’encourager les collectivités locales à développer des coopérations décentralisées;
  • D’œuvrer à la structuration du réseau d’acteurs de la coopération décentralisée sur le territoire normand ;
  • De permettre à tous les jeunes de réaliser leurs projets de mobilité internationale en instaurant une nouvelle grille de financement, plus favorable aux publics

La majorité ayant rejeté ces amendements et la Stratégie étant focalisée sur les enjeux économiques et d’attractivité, notamment au détriment de la coopération décentralisée, le groupe s’est abstenu sur la délibération. Malgré l’intégration en amont de plusieurs de nos propositions.

Sur les délibérations relevant des finances régionales, Bastien Recher a d’abord interpellé l’exécutif sur le bilan du compte administratif 2021, qui met en évidence l’absence de prise en compte des grands enjeux environnementaux et sociaux. Avec seulement 61,6M€ (soit 3,3% du budget de la collectivité) consacré à l’environnement et au contraire 92M€ d’argent public qui va directement à l’encontre de l’urgence écologique, le cadre budgétaire « réussit l’exploit de combiner austérité, inaction climatique et soutien à des logiques et des projets écocidaires».

Il a ensuite proposé un changement de trajectoire pour le budget supplémentaire 2022, qui poursuit dans la même voie. L’urgence nous impose de supprimer les dépenses inutiles et les projets qui relèvent de l’écocide, de soutenir un autre modèle de développement économique, d’engager véritablement la transition écologique et de lutter résolument contre l’artificialisation des sols.

Comme sur le compte administratif 2021, le groupe écologiste a voté contre le budget supplémentaire qui traduit un dogme austéritaire et est écologiquement irresponsable.

Bastien Recher est également intervenu sur la nouvelle politique contractuelle territoriale pour la période 2023-2027. Il considère que l’actualisation de la politique en faveur des territoires doit être considérée au regard des urgences écologiques et sociales. Ce n’est pas le cas de l’exécutif d’Hervé Morin qui envisage toujours la question écologique comme secondaire et qui, plutôt que de changer de paradigme, se contente de verdir un peu, en fonction des demandes des collectivités.

Cette mécanique des contrats de territoires transforme la Région en guichet à subventions et favorise le clientélisme. Bastien Recher constate que la grille proposée est sans ambition et sans caractère contraignant. L’arbitrage et la prise de décision restent entre les mains du Président, en toute opacité. Le groupe s’est donc exprimé contre le nouveau cadre régional des contrats de territoires.

Pour faire des contrats de territoires des outils dédiés à la transition écologique, nous défendons une augmentation des subventions aux projets des territoires, une exigence renforcée sur la question de l’artificialisation mais également une transparence totale sur l’attribution des subventions.

Marianne Rozet s’est exprimée sur la délibération relative à la création de logements locatifs dans les centres bourgs et la valorisation des copropriétés reconstruites puis sur le soutien aux initiatives territoriales pour améliorer l’offre de soins en ambulatoire et au renforcement de l’attractivité médicale normande.

Sur le premier dispositif, elle regrette qu’il soit aussi insuffisant en matière de rénovation des logements vacants alors que l’enjeu de leur réhabilitation est crucial en Normandie : le taux de vacance est aujourd’hui de 8%, soit 150 000 logements. Or la Région prévoit d’en réhabiliter 100 sur l’année. De plus, les dispositions votées ne prévoient rien en matière d’évaluation et de suivi des politiques de réhabilitation et de rénovation.

Elle propose que les aides accordées via ces deux dispositifs soient cumulables avec les autres aides régionales à la rénovation, pour véritablement inciter à la réhabilitation des logements, renforcer l’offre locative et améliorer les conditions de vie des Normand.e.s. Ces dispositifs étant largement sous-dimensionnés et mal adaptés, le groupe s’est abstenu.

Concernant le soutien aux initiatives territoriales pour améliorer l’offre de soins en ambulatoire et au renforcement de l’attractivité médicale, elle a d’abord rappelé que le principal enjeu en matière d’accès aux soins est le manque de personnel médical. Comme l’illustre la situation des urgences de sa ville de Cherbourg, qui manquent de médecins et dont le SAMU filtre l’accès.

Il n’est donc pas satisfaisant de se contenter de soutien matériel. L’élue met en avant d’autres pistes, comme le salariat des médecins mis en place en Région Centre-Val-de-Loire. En raison du caractère minimaliste et inapproprié des mesures proposées pour répondre aux besoins des Normand.e.s en matière d’accès aux soins, les écologistes se sont abstenus.

Sur la nouvelle Politique agricole régionale, Geneviève Augé est intervenue pour proposer des amendements et rappeler la nécessité d’un changement de trajectoire pour répondre aux enjeux alimentaires, sanitaires et écologiques. Or la feuille de route présentée s’avère extrêmement lacunaire et manque clairement d’ambition. Pas d’aide au maintien de l’agriculture biologique, rien sur l’éco-conditionnalité des aides, la préservation de la fertilité des sols, la santé ou la biodiversité. La Région entend miser au contraire sur les exportations et les produits touristiques, au détriment d’une agriculture nourricière locale, respectueuse de l’environnement et de la santé. Une erreur alors que l’actualité nous rappelle la fragilité des marchés mondialisés et le besoin d’organiser notre souveraineté alimentaire.

Les dispositifs de financement proposés auraient dû inclure des critères stricts d’attribution : engagements en matière de vie des sols, réduction des usages des produits phytosanitaires, commercialisation locale, réduction des importations dans les rations, etc. Les élu.e.s écologistes ont donc voté contre une politique qui ne répond à aucune des problématiques prioritaires en matière sociale, alimentaire et environnementale.

La Politique forêt-bois est elle aussi à contre-courant des enjeux du 21ème siècle. À l‘heure de la crise climatique et de la 6ème extinction de masse, elle privilégie toujours la valeur économique du bois face à ses fonctions écologiques. Geneviève Augé a dénoncé des politiques focalisées sur l’exploitation économique plutôt que sur la préservation et le renforcement des puits de carbone, leur résilience au changement climatique et leur diversité écosystémique.

Elle rappelle qu’il est pourtant crucial de nous donner les moyens de répondre à une demande croissante en bois, en pensant notre gestion sylvicole à long terme et en la guidant vers un modèle durable. Elle a donc proposé d’y inscrire des conditionnalités en matière environnementale et économique. Suite au rejet de l’amendement par la majorité, le groupe s’est abstenu sur la nouvelle politique forêt-bois.

Au sujet de la politique en faveur de la filière équine, David Fontaine est intervenu pour saluer l’engagement régional pour une filière d’une grande importance économique et culturelle. Mais l’orientation de la politique présentée favorise les propriétaires privés « pour qui l’argent va toujours à l’argent et les subventions aux gros investissements. » Il a appelé à soutenir davantage les clubs associatifs et petits propriétaires et à favoriser l’accessibilité de l‘équitation à toutes et tous. De plus, cette politique ignore les enjeux de transition écologique et l’accompagnement nécessaire des petites structures. C’est pourquoi le groupe s’est de nouveau abstenu sur cette délibération.

Rudy L’Orphelin a repris la parole pour exprimer l’abstention des écologistes à la nouvelle Politique Eau et Changement climatique, qui ne permet pas du tout de créer les conditions d’un juste partage de l’eau et de l’adaptation au changement climatique. Alors que la limite planétaire liée au cycle de l’eau douce a été franchie, la Région se contente d’un nouvel appel à projet pour communiquer sur les bonnes pratiques.

Les sols s’assèchent et meurent. Ils n’ont plus assez de matière organique pour conserver l’eau qui s’évapore à la moindre chaleur. Plutôt que des actions exemplaires, l’urgence est de changer de vision et d’engager partout des actions d’adaptation à la crise climatique. En Normandie,  pourtant, nous continuons de construire comme avant : béton, macadam, permis attribués sans se soucier des conséquences sur le ruissellement, etc. Cette politique ne mentionne même pas le problème majeur lié à la qualité de l’eau dans notre région : l’augmentation de l’utilisation des pesticides.

Pour réellement mettre nos territoires sur la trajectoire de l’adaptation aux conséquences de la crise climatique sur l’eau, Laetitia Sanchez a proposé 3 amendements. Tous rejetés, ceux-ci visaient à définir des critères liés à la protection des milieux aquatiques, à la lutte contre le ruissellement, à la maîtrise de la consommation d’eau pour l’attribution des aides à l’investissement et à l’intégration des enjeux liés à la protection du cycle de l’eau dans la politique agricole régionale.

Pierre-Emmanuel Hautot a ensuite exprimé le soutien des écologistes à l’aide exceptionnelle destinée au Conservatoire d’Espaces Naturels de Normandie, « association indispensable à préservation du patrimoine naturel », qui rencontre des difficultés financières. Il propose que la fédération des CEN travaille avec la Région pour remettre en place une gestion durable de la structure.

Les élu.e.s étaient également invités à se prononcer sur un appel à manifestation d’intérêt pour expérimenter la mise en place de salles dédiées à la pratique du e-sport. Laëtitia Malherbe a retenu l’intérêt de la pratique du e-sport pour le développement de compétences cognitives, physiques ou encore sociales. Cependant, elle met en avant le fait que les questions relatives à l’égalité femmes/hommes, au cyberharcèlement ou encore à l’impact écologique du e-sport ne sont pas abordées. Ces enjeux étant pourtant connus et identifiés, la Région pourrait engager une réflexion sur ces sujets dans sa politique de soutien à cette pratique. Dans l’attente d’engagements de l’exécutif sur ces enjeux, le groupe s’est abstenu.

Pour terminer cette Assemblée plénière, le groupe a posé 3 questions orales au Président Hervé Morin qui y répondra par écrit :

Rudy L’Orphelin et Laetitia Sanchez

Co-Président.e.s du groupe Normandie Écologie